Abdoulaye Sawadogo, Chef du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) en République centrafricaine, explique le rôle de son bureau :
Quels sont aujourd’hui les principaux défis et opportunités en matière d’accès humanitaire ?
Dans le contexte spécifique de la République centrafricaine (RCA), l’insécurité et l’isolement physique – en particulier durant la saison des pluies – coupent régulièrement l’accès à des régions entières pendant plusieurs mois. Ces contraintes physiques et sécuritaires exigent non seulement une grande créativité logistique, mais aussi un engagement profond auprès des communautés locales afin d’atteindre les populations que nous avons pour mandat de servir.
En avril 2025, en tant que Chef de bureau, j’ai autorisé une mission visant à rouvrir un axe routier dans le nord du pays, inutilisé depuis plusieurs mois en raison de l’activité de groupes armés. Bien que cette route soit classée « rouge » – nécessitant normalement une escorte militaire – le travail préparatoire de notre équipe, fondé sur l’engagement communautaire, la négociation avec les parties prenantes et la construction de la confiance, a permis à la mission de se dérouler en toute sécurité, sans appui militaire.
Ce fut une avancée majeure : depuis, les partenaires utilisent régulièrement cette route pour mener leurs activités de réponse. Plus important encore, cette réouverture a permis de débloquer des financements d’urgence du Fonds humanitaire pour la RCA, afin de soutenir les opérations des partenaires dans la zone et de renforcer la confiance des communautés. Cela constitue un exemple concret de la manière dont une préparation stratégique et une action fondée sur les principes peuvent permettre de surmonter les obstacles à l’accès.
Comment le « Humanitarian Reset » transforme-t-il la stratégie d’accès d’OCHA ?
Le « Humanitarian Reset » a déjà conduit à une réduction de l’empreinte humanitaire en RCA : moins d’acteurs, une couverture géographique plus restreinte. Cela comporte toutefois le risque de diminuer notre capacité à comprendre les besoins dans les zones reculées, ce qui soulève de graves préoccupations en matière de protection des populations vulnérables.
C’est pourquoi il est essentiel de renforcer notre collaboration avec les acteurs locaux – autorités, ONG nationales et communautés. Ces relations permettent non seulement de maintenir une présence sur le terrain, mais aussi de recueillir des informations cruciales sur l’évolution des besoins et des dynamiques locales, contribuant ainsi à une réponse plus efficace et durable.
Comment préserver les valeurs humanitaires alors que le respect du droit international humanitaire s’érode et que ces valeurs sont de plus en plus attaquées ?
Les crises humanitaires actuelles exigent un engagement plus fort et plus soutenu des États Membres pour faire respecter le droit international humanitaire et protéger les civils, notamment par une diplomatie humanitaire renforcée.
L’accès humanitaire ne se limite pas à la livraison de l’aide : il implique également des dimensions juridiques, politiques et transfrontalières essentielles. Y répondre nécessite un engagement avec un large éventail d’acteurs afin de créer des conditions favorables et durables.
Dans plusieurs contextes où j’ai travaillé, les groupes contrôlant les zones d’accès humanitaire sont qualifiés de terroristes ou de criminels, souvent en vertu de législations nationales. Cela complique considérablement notre travail et la mise en œuvre des principes humanitaires. Dans de tels cas, nous avons dû négocier des exemptions et recourir à une diplomatie discrète pour préserver l’accès et protéger nos équipes.