Allocution de M. Kofi Annan, Secrétaire
général de l’ONU, à l’occasion
de la présentation de son rapport « S’unir
contre le terrorisme: recommandations pour une stratégie
antiterroriste mondiale », devant l’Assemblée
générale, le 2 mai 2006
Je regrette vivement que la semaine dernière, à la
Cinquième Commission, les États Membres n’aient
pas été en mesure de parvenir à un consensus
sur les propositions de réforme que je vous avais présentées. Malgré cela,
je suis convaincu que les États Membres demeurent attachés à la
réforme en principe, et je vous prie instamment de travailler
ensemble à rétablir la confiance mutuelle indispensable
au bon fonctionnement de cette organisation.
Comme toujours, je
suis prêt à vous aider à continuer
de rechercher un accord sur l’application du Document final
du Sommet mondial de 2005. En particulier, vous vous souviendrez
que dans ce document, vos chefs d’État et de gouvernement
m’ont demandé de présenter « des
propositions tendant, d’une part, à renforcer la
capacité du système des Nations Unies à aider
les États à lutter contre le terrorisme et, d’autre
part, à mieux coordonner les activités de l’Organisation
dans ce domaine ». Vous vous souviendrez aussi
qu’ils vous ont demandé, à vous, de développer
sans retard les éléments recensés par mes
soins « en vue d’adopter et d’appliquer
une stratégie prévoyant des réponses globales,
coordonnées et cohérentes, aux niveaux national,
régional et international, pour lutter contre le terrorisme ».
Je
voudrais me joindre au Président pour exprimer ma
sympathie et présenter mes condoléances aux pays,
aux populations et aux familles qui ont souffert du terrorisme
et perdu des êtres chers.
Aujourd’hui, j’ai
l’honneur de vous exposer
la façon dont je vois cette question dans un document
intitulé « S’unir contre le terrorisme:
recommandations pour une stratégie antiterroriste mondiale ».
Mes
recommandations s’appuient sur une conviction que
nous partageons tous: le terrorisme, sous toutes ses formes et
dans toutes ses manifestations, quels qu’en soient les
auteurs, le lieu et les buts, est inacceptable et injustifiable.
J’espère
qu’unis par cette conviction, nous
allons pouvoir mener une action collective mondiale contre le
terrorisme avec la participation des gouvernements, de l’Organisation
des Nations Unies et d’autres organisations internationales,
de la société civile et du secteur privé,
chacun soutenant les efforts des autres en fonction de ce qu’il
fait le mieux.
Pour élaborer mes recommandations, j’ai
continué à développer
l’idée que j’ai présentée pour
la première fois à Madrid l’an dernier, et
qui repose sur les cinq piliers suivants:
- Dissuader les populations de
recourir au terrorisme ou de le soutenir;
- Priver
les terroristes de moyens d’action;
- Dissuader
les États
de soutenir le terrorisme;
- Aider
les États à se
doter de moyens de lutte antiterroriste;
- Défendre
les droits de l’homme.
À mon sens, toute stratégie antiterrorisme doit
nécessairement reposer sur ces cinq piliers, qui se touchent. Pour
avoir la victoire, nous devrons progresser sur tous les fronts.
Pour
mettre en œuvre une stratégie globale, nous
devrons dissuader les populations de recourir au terrorisme
ou de le soutenir en créant le plus de distance possible
entre les terroristes et ceux qui pourraient être tentés
de se rallier à leur cause. Nous devons lancer
une campagne mondiale, avec la participation des gouvernements,
de l’ONU, de la société civile et du secteur
privé, pour faire savoir que le terrorisme est inacceptable
sous toutes ses formes et qu’il existe des moyens bien
meilleurs et plus efficaces auxquels peuvent recourir ceux qui
ont des doléances légitimes à présenter. Un
des meilleurs moyens de faire passer ce message est de donner
plus d’importance aux victimes. Il est plus que temps
que nous agissions concrètement, de façon concertée,
pour créer un mouvement de solidarité internationale
en leur faveur, fondé sur le respect de leur dignité et
sur la compassion.
Pour priver les terroristes de moyens d’action,
il faut les empêcher de se procurer des armes, qu’elles
soient classiques ou de destruction massive. Pour cela,
nous devons tous penser de façon créative aux menaces
qui pèsent sur nous, y compris celles que les États
ne peuvent contrer seuls, comme le bioterrorisme. Il
faut aussi qu’ensemble, nous empêchions les terroristes
de continuer à utiliser à leur avantage les possibilités
qu’offre Internet. Cette arme puissante doit faire
partie de notre arsenal, et être retournée contre
eux.
Le travail que nous faisons pour dissuader les États
de soutenir le terrorisme doit être fermement
ancré dans le principe de la primauté du droit. Il
s’agit de créer une base juridique solide pour
notre action commune et de tenir les États responsables
de la façon dont ils s’acquittent de leurs obligations. Ce
qui suppose qu’on les aide à se doter des
moyens dont ils ont besoin pour avoir le dessus.
Comme
me l’a demandé le Président de cette
assemblée en décembre dernier, j’ai exposé dans
le document que je vous présente aujourd’hui des
mesures qui permettraient d’aider les États à se
doter de moyens supplémentaires et de renforcer l’action
de l’ONU dans ce domaine. Le système des Nations
Unies a un rôle essentiel à jouer sur des plans
multiples: aider à ce que l’état de droit
s’impose et à ce que des systèmes de justice
pénale efficaces soient mis en place, veiller à ce
que les pays soient en mesure de réprimer le financement
du terrorisme, renforcer les moyens propres à éviter
que des matières nucléaires, biologiques, chimiques
ou radiologiques ne tombent entre les mains de terroristes, faire
en sorte que les pays puissent aider et soutenir les victimes
et leurs familles, etc.
Enfin, la défense des droits
de l’homme est
comme un fil rouge dans mon rapport. C’est la clef
du succès de toute stratégie antiterroriste. C’en
est aussi le ciment. Les droits de l’homme, ce sont
ceux des victimes du terrorisme, ceux des personnes soupçonnées de
terrorisme, ceux des gens qui subissent les conséquences
du terrorisme.
Les États doivent veiller à ce que
toute mesure prise pour combattre le terrorisme soit compatible
avec les obligations que leur impose le droit international,
en particulier le droit des droits de l’homme, le droit
des réfugiés
et le droit humanitaire international. Toute stratégie
qui compromet les droits de l’homme fera immanquablement
le jeu des terroristes.
Chers amis,
Tous les États de toutes les régions,
grands et petits, forts et faibles, sont vulnérables face
au terrorisme et à ses retombées. Tous y
gagneraient à ce
qu’une stratégie antiterroriste soit adoptée. Tous
ont quelque chose à apporter à l’élaboration
de cette stratégie, à sa mise en œuvre et à son
actualisation constante, nécessaire puisque les risques
ne cessent d’évoluer.
Il est vital que les États
Membres adoptent dès
que possible une convention générale sur le terrorisme
international. Mais ce n’est pas parce qu’un
consensus sur cette question semble toujours aussi éloigné qu’il
faut tarder à se mettre d’accord sur une stratégie.
En
vous chargeant d’adopter et d’appliquer une stratégie
antiterroriste mondiale, vos chefs d’État et de
gouvernement vous ont confié une tâche d’une
importance capitale et donné une chance d’écrire
l’histoire.
En vous montrant à la hauteur de ce défi,
vous manifesterez la détermination de la communauté internationale
et poserez les fondements d’une action véritablement
mondiale face à un des pires fléaux mondiaux. J’espère
que mes recommandations vous aideront dans votre mission.
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