* produits en anglais 

RESUME ANALYTIQUE DU RAPPORT

Le monde a connu depuis un demi-siècle un développement humain et économique plus rapide que durant quelque autre période comparable de l’histoire. Presque partout, l’alphabétisation a progressé, la mortalité infantile a baissé, et les gens vivent plus longtemps. Mais il reste encore beaucoup à faire. Plus du cinquième de la population mondiale vit encore dans le dénuement absolu (avec moins de 1 dollar par jour), et la moitié à peu près n’a pas 2 dollars par jour pour vivre, ce qui n’est guère plus généreux. Les 2,5 milliards d’habitants des pays à faible revenu connaissent encore une mortalité infantile qui dépasse 100 pour 1 000 naissances vivantes, alors que ce même taux, pour les 900 millions d’habitants des pays à revenu élevé, n’est que de 6 pour 1 000. Dans les pays à faible revenu, il y a encore en moyenne 40 % d’analphabètes. L’accroissement de la population a beau se ralentir, il demeure encore rapide.

On ne peut que constater tristement que la polarisation croissante entre les nantis et les démunis fait désormais partie de notre monde. Moralement, et d’un point de vue humanitaire, la grande gageure de notre époque est de renverser cette tendance. Pour les habitants des pays riches, c’est aussi une question d’intérêt égoïste bien compris. Dans le village mondial, la misère de l’un devient très vite le problème de l’autre : manque de débouchés pour les produits, immigration illégale, pollution, maladies contagieuses, insécurité, fanatisme, terrorisme.

Plusieurs signes encourageants montrent que la communauté internationale a fait le constat qui s’impose. En septembre 2000, la réunion de l’Assemblée générale s’est conclue sur une note historique avec l’adoption de la Déclaration du Millénaire, où les gouvernements prenaient l’engagement collectif d’oeuvrer pour délivrer le monde de la misère. Les objectifs énoncés à cette fin dans la Déclaration étaient de réduire de moitié avant 2015 la proportion de la population mondiale dont le revenu est inférieur à 1 dollar par jour et celle des personnes qui souffrent de la faim, de réduire de moitié la proportion des personnes qui n’ont pas accès à l’eau potable ou qui n’ont pas les moyens de s’en procurer; de faire en sorte que les enfants, partout dans le monde, soient en mesure d’achever un cycle complet d’études primaires et que les filles et les garçons aient à égalité accès à tous les niveaux d’éducation; de réduire de trois quarts la mortalité maternelle et de deux tiers la mortalité des enfants de moins de 5 ans par rapport aux taux actuels; d’avoir arrêté la propagation du VIH/sida et commencé à inverser la tendance actuelle, et d’apporter une assistance spéciale aux orphelins du VIH/sida; enfin, avant 2020, d’avoir amélioré sensiblement la vie d’au moins 100 millions d’habitants de taudis.

À la différence de nombreux engagements antérieurs, la Déclaration du Millénaire mentionnait en bonne place la mobilisation des ressources nécessaires, tant pour réaliser les objectifs de développement international que, plus généralement, pour financer le processus de développement des pays en développement. La prochaine Conférence internationale sur le financement du développement, qui doit se tenir en mars 2002, sera une manifestation de première importance, où l’on conviendra d’une stratégie permettant de mieux mobiliser les ressources.

Problèmes essentiels

Mobilisation de ressources nationales. C’est aux pays en développement eux-mêmes qu’il appartient au premier chef d’assurer leur croissance et leur développement équitable. De cette responsabilité découle la nécessité de créer des conditions qui permettent de réunir les ressources financières nécessaires à investir. Ce sont pour une très grande part les voies choisies par les décideurs nationaux qui déterminent l’état de la gouvernance, les politiques macroéconomiques et microéconomiques, l’état des finances publiques, celui du système financier, et les autres éléments fondamentaux de l’environnement économique dans un pays donné. Une politique budgétaire saine, des dépenses sociales responsables, et un système financier compétitif et sans aléas sont des conditions indispensables du développement économique et social. Enfin, l’existence d’un bon régime de pensions est cruciale. Pour avoir le meilleur impact social, un régime à cotisations définies doit aller de pair avec un régime financé par l’impôt, de manière à garantir une retraite minimum dont les effets de redistribution soient progressifs et qui protège les pauvres.

Courants de capitaux privés. L’essentiel des économies qu’un pays trouvera à investir provient toujours de sources nationales, que le pays soit grand ou petit, riche ou pauvre. Mais les capitaux étrangers peuvent fournir un appoint précieux aux ressources intérieures qu’un pays peut dégager. On voit désormais de grosses sommes traverser les frontières sous la forme d’investissements étrangers directs, et les marchés internationaux de capitaux sont une autre réserve importante de fonds auxquels les pays peuvent avoir recours. Il y a toutes sortes de mesures que les pays en développement peuvent prendre pour accroître leur part des investissements étrangers directs, notamment en modifiant leurs politiques de manière que les investisseurs étrangers bénéficient d’un traitement qui ne soit pas moins favorable que celui dont bénéficient les investisseurs nationaux, en relevant les normes de comptabilité et d’audit, en améliorant la gouvernance des sociétés, et la qualité des infrastructures, et en rendant la prestation de services plus efficace. Les pays industrialisés devront éliminer les restrictions artificielles qui pèsent sur les investissements dans les pays émergents, et éviter d’encadrer strictement l’accès au crédit. Les capitaux privés, s’ils ne peuvent manifestement pas réduire par eux-mêmes la misère, peuvent néanmoins jouer un rôle important pour encourager la croissance; encore faut-il que les apports de capitaux privés soient organisés de manière à réduire la vulnérabilité par rapport aux crises.

Commerce. Grâce à huit cycles de négociations commerciales multilatérales, bien des choses ont été faites durant le dernier demi-siècle pour éliminer les obstacles tarifaires et non tarifaires au commerce. Mais les principaux bénéficiaires, et de loin, de cette libéralisation des échanges ont été les pays industrialisés. Les produits des pays en développement se heurtent toujours à des restrictions notables sur les marchés des pays riches. Les produits de base, pour lesquels les pays en développement sont très compétitifs, sont précisément ceux qui font l’objet des mesures les plus protectionnistes dans les pays les plus avancés. Il ne s’agit pas seulement des produits agricoles, qui se heurtent toujours à des mesures protectionnistes pernicieuses, mais aussi de nombre de produits industriels soumis à des obstacles tarifaires et non tarifaires. Il est donc urgent de lancer un nouveau cycle de négociations commerciales multilatérales. Certains membres du Groupe jugent essentiel que les pays développés commencent par rétablir la confiance dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en se conformant à la lettre et à l’esprit des accords déjà conclus, mais le Groupe dans son ensemble est hautement favorable à un nouveau cycle de libéralisation des échanges que l’on entamerait lors de la prochaine réunion ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce, qui doit se tenir au Qatar en novembre 2001.

Le Groupe recommande de se pencher sur les aspects suivants :

  • Application des mesures convenues lors des négociations d’Uruguay. Il ne s’agit pas seulement de se conformer strictement aux engagements pris par les pays industrialisés à l’issue des négociations d’Uruguay, mais aussi de revoir – en toute responsabilité, dans l’ouverture et la générosité, mais sans déroger aux principes de la liberté des échanges – certaines réglementations que les pays en développement ont trouvées soit très difficiles à appliquer soit carrément contre-productives. Les principales concernent les normes (obstacles techniques au commerce), les mesures antidumping, les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (APDIC), les mesures concernant les investissements et liées au commerce (MIC), les subventions, l’évaluation en douane, et les périodes d’introduction progressive pour les pays en développement;
  • Libéralisation des échanges agricoles. Dans ce domaine, il est vital que les pays en développement négocient et obtiennent des pays industrialisés une amélioration notable de l’accès aux marchés, l’élimination des subventions à l’exportation, et un recul des soutiens aux producteurs nationaux;
  • Élimination totale des obstacles restants aux échanges de produits manufacturés. Les obstacles existant dans ce secteur fonctionnent pour la plupart au détriment des pays en développement. Un exemple manifeste de cette injustice, mais malheureusement loin d’être le seul, est celui des mesures protectionnistes visant les textiles et l’habillement. Certains membres du Groupe estiment que toutes les parties enregistreraient des gains sociaux plus importants encore si le nouveau cycle de négociations aboutissait aussi à une libéralisation des échanges de services.

Coopération internationale pour le développement. Même si l’on fait de grands progrès en matière de libéralisation des échanges, de réforme des politiques nationales, et d’apports de capitaux aux pays en développement, la coopération internationale pour le développement aura toujours quatre fonctions principales, pour lesquelles rien, en fait, ne peut la remplacer :

  • Contribuer à lancer le développement dans les pays et les secteurs qui n’attirent pas beaucoup d’investissements privés, et n’ont pas les moyens d’emprunter beaucoup à des sources commerciales. C’est un rôle classique de l’aide publique au développement (APD), et des prêts des banques multilatérales de développement;
  • Faire face aux crises humanitaires;
  • Assurer ou préserver la fourniture de biens collectifs mondiaux. Les biens qui relèvent de cette catégorie sont notamment le maintien de la paix, la prévention des maladies contagieuses, la recherche sur les médicaments de médecine tropicale et les vaccins, la recherche agronomique, la prévention des émissions de chlorofluorocarbones, la limitation des émissions de carbone, la sauvegarde de la diversité biologique. Il n’y a pas de pays qui par lui-même puisse être assez motivé pour financer ces biens : pour que ces biens puissent être fournis en quantité suffisante, l’action doit être collective;
  • Agir en cas de crise financière et accélérer la reprise.

Le Groupe demande instamment à la Conférence internationale sur le financement du développement d’obtenir que les pays industrialisés s’engagent à atteindre l’objectif convenu pour l’aide, soit 0,7 % de leur PNB. Il constate aussi que les objectifs internationaux de développement n’ont guère de chance d’être réalisables tant que l’opinion publique des pays développés n’aura pas admis qu’il y a là une priorité, du point de vue moral comme utilitaire. Le Groupe demande donc que l’on lance dans le public une campagne de promotion des objectifs internationaux de développement, surtout dans les pays qui n’atteignent pas l’objectif convenu d’aide au développement. Enfin, il faudra que les donateurs consentent les investissements voulus pour améliorer la coordination et la fourniture de l’aide, par la méthode des réserves communes.

Problèmes systémiques. Il est toutefois manifeste que face aux tâches qu’impose à notre époque la mondialisation, un système conçu pour l’essentiel en fonction du monde tel qu’il était il y a 50 ans n’est pas adapté. La transformation de la gouvernance économique internationale n’a pas progressé au rythme des avancées de l’interdépendance internationale. Le Groupe fait sienne la proposition émise par la Commission de la gouvernance, tendant à créer un conseil mondial, au niveau politique le plus élevé, qui serait chargé de prendre l’initiative pour les questions de gouvernance mondiale. Ce conseil, tel qu’envisagé, aurait une base plus large que le G-7 ou les institutions de Bretton Woods. Il n’aurait pas d’autorité légalement contraignante, mais son autorité politique lui permettrait de définir un cadre stratégique à long terme pour la promotion du développement, pour la mise en cohérence des objectifs poursuivis pour les grandes organisations internationales, et pour la recherche de consensus entre les gouvernements sur des solutions possibles aux grands problèmes mondiaux de gouvernance économique et sociale. Convaincu de la nécessité d’un tel conseil, le Groupe n’en est pas moins conscient des énormes difficultés que sa création suscite. Pour ouvrir la voie, il est favorable à un Sommet de la mondialisation qui en débattrait.

Bien que jeune, l’OMC demande à être réformée d’urgence, et à être étoffée sous certains aspects cruciaux. Il est peu probable que les changements nécessaires puissent être obtenus de l’intérieur. Il faudrait sans doute une poussée politique plus forte, comme peut en susciter la mise en place d’une gouvernance économique mondiale. Il y aurait à réfléchir au moins sur les aspects suivants de l’OMC :

  • Le système de décision, que nombre de pays en développement voient à juste titre comme fondé sur la sélection et l’exclusion;
  • La capacité de l’OMC de fournir une assistance technique aux pays en développement pour qu’ils soient en mesure de participer effectivement aux négociations commerciales multilatérales, de tirer parti des possibilités commerciales et d’avoir recours aux instances de règlement des différends;
  • En relation avec ce qui précède, le manque manifeste de fonds et de personnel à l’OMC.

Les normes applicables au travail et à l’environnement devront être plus en vue sur la scène internationale que ce n’est le cas actuellement. Pour ce qui est des normes de travail, la solution la plus naturelle serait d’étoffer l’Organisation internationale du Travail (OIT). Pour l’environnement, il serait bon de fusionner les diverses organisations qui s’en occupent actuellement en une organisation mondiale pour l’environnement, qui aurait un statut équivalent à celui de l’OMC, du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale.

La communauté internationale devrait se pencher sur la question de savoir s’il serait utile à l’intérêt commun de garantir par contrat des ressources stables à ces fins. Il sera beaucoup plus difficile du point de vue politique de lever des impôts pour la solution de problèmes mondiaux que pour des fins purement nationales. Ne serait-ce que dans leur propre intérêt, les parties en cause feraient bien d’envisager d’un oeil neuf de nouvelles sources de financement. Un impôt sur les mouvements de capitaux (appelé aussi « taxe Tobin ») a souvent été proposé comme nouvelle source de financement. Le Groupe estime qu’il faudrait en pousser plus loin l’étude technique rigoureuse avant de décider définitivement s’il serait commode et faisable d’introduire la taxe Tobin. Il est probable qu’une taxe sur le carbone (taxe sur la consommation de combustibles fossiles, à un taux qui rende compte du rôle joué par ces combustibles dans les émissions de gaz carbonique) serait plus prometteuse.

Le Groupe propose que la Conférence et le Sommet étudient les avantages potentiels d’une organisation internationale de la fiscalité, qui serait chargée :

  • À tout le moins, de réunir des statistiques, de mettre en évidence des tendances et des problèmes, de présenter des rapports, d’offrir une assistance technique, et de mettre au point des normes internationales applicables aux politiques et à l’administration fiscales;
  • De surveiller les phénomènes relevant de la fiscalité de la même manière que le FMI surveille les politiques macroéconomiques;
  • De prendre des initiatives pour limiter la concurrence fiscale (visant à attirer des multinationales par des mesures d’incitation excessives et mal conçues);
  • Dans une optique plus ambitieuse, d’élaborer des procédures d’arbitrage pour les cas où les questions fiscales donnent lieu à des frictions entre pays;
  • De parrainer une instance de partage multilatéral d’informations fiscales, comme celle qui est déjà constituée au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), afin de limiter les possibilités de fraude fiscale sur les recettes d’investissements à l’étranger.

Les politiques d’immigration doivent protéger les intérêts économiques et sociaux des pays. Mais il est temps que les gouvernements, sans mettre en jeu les intérêts nationaux qu’ils sont chargés de promouvoir, commencent à collaborer pour définir des formes de coopération internationale permettant d’optimiser collectivement les avantages des mouvements transfrontières de main-d’oeuvre. L’heure est peut-être venue de commencer à rechercher un accord international sur la « circulation des personnes physiques ».

 


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