Chronique ONU

Dans le Cadre de la Réforme, les Nations Unies comptent se doter d'un Système de Justice Interne professionnel, transparent et crédible

Par Ghislain Ondias Okouma

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L'article

Dans un rapport rédigé par Fatih Bouayad-Agha et Homero L. Hernández du Corps commun d’inspection des Nations Unies, et publié à Genève en 2000, on pouvait lire que
‘’ l’administration de la justice à l’ONU était lente, lourde et coûteuse, assez proche en cela des systèmes nationaux du même genre. (…) et beaucoup moins efficace qu’elle pourrait ou devrait l’être sur plusieurs plans import
ants’’. La nécessité d’une refonte s’imposait donc, selon les auteurs du rapport.

En fait, comme le rappelle Fatih Bouayad-Agha et Homero Hernández, il y a un certain nombre d’années que l’on cherche à améliorer le système d’administration de la justice existant à l’ONU et dans les diverses institutions du système des Nations Unies.  Ainsi, à l’issue d’un colloque tenu à Genève du 26 au 28 janvier 1976, la Fédération des Associations de fonctionnaires internationaux présentait plusieurs propositions sur le fonctionnement d’un tribunal administratif.  Dans sa résolution 33/119 du 19 décembre 1978, l’Assemblée générale priait le Secrétaire général et ses collègues du Comité administratif de coordination d’étudier la possibilité de créer un tribunal administratif unique pour toutes les organisations appliquant le régime commun. En 1984, le Secrétaire général a présenté des propositions concrètes sur la question.  Mais, il faut le noter, ces propositions de 1984, actualisées et présentées à nouveau en 1985, en 1986 et en 1987, n’ont jamais fait l’objet d’aucune décision de l’Assemblée générale.

La question de l’administration de la justice interne au sein du système des Nations Unies est un sujet qui a été énormément débattu, et a toujours motivé de nombreuses tentatives de réformes, restées vaines à ce jour.  La dernière réflexion sur la question a été lancée par le rapport du Secrétaire général du 27 septembre 1995, intitulé "Réforme du système interne d’administration de la justice au Secrétariat de l’Organisation des Nations Unies". C’est l’application des observations et recommandations énoncées dans ce document qui a abouti à la nomination d’un Groupe d’experts extérieurs indépendants par le Secrétaire général en janvier 2006.  Cette nomination relevait de l’application des termes de la résolution 59/283 de l’Assemblée générale.  Ce groupe a été chargé de réfléchir sur la réforme du système interne d’administration de la justice propre à l’Organisation.  Cette nouvelle refonte semble appelée à être traduite dans les faits et concrétisée.  Mais, pour l’heure, l’administration de la justice interne onusienne fonctionne selon des modalités bien précises.

Le Groupe d'experts sur l’administration de la justice interne remet ses recommandations. Photo l'ONU Devra Berkowitz

L’organisation et le fonctionnement de la justice interne

Du point de vue du droit, l’administration de la justice à l’intérieur de l’Organisation repose sur les termes énoncés dans les chapitres X et XI du Statut du personnel.  Plus concrètement, ce que l’on appelle à l’ONU le « système d’administration de la justice » est essentiellement composé par le dispositif de recours internes mis en place par l’Organisation à l’intention des fonctionnaires qui souhaitent contester une décision administrative qui touche aux conditions d’emploi du personnel fixées par la Charte et par les règlements et circulaires applicables.  Ce dispositif pallie au fait que les fonctionnaires de l’Organisation ne peuvent pas saisir les juridictions nationales relatives au traitement de plaintes liées à l’emploi.

Le système d’administration de la justice interne de l’Organisation est actuellement  divisé en deux parties.  Il y a d’abord, un système informel d’administration de la justice, actuellement en vigueur, qui comprend sept mécanismes d’intervention.  De façon succincte, c’est la première étape, qui précède celles des procédures formelles.  Elle consiste en un échange entre l’Administration et le fonctionnaire avant qu’une position finale sur le contentieux ne soit arrêtée. Puis, il y a le système de justice dit formel, qui est calqué sur le modèle du droit administratif.   Ce système formel comprend plusieurs conseils et comités consultatifs, dont les plus importants sont les commissions paritaires de discipline pour les questions disciplinaires et les commissions paritaires de recours, qui examinent les appels des décisions administratives touchant un fonctionnaire particulier.  

Les décisions prises par ces instances peuvent être contestées devant le Tribunal administratif des Nations Unies(TANU), créé en 1949.  Par ailleurs, Il faut savoir aussi qu’un certain nombre de questions concernant le personnel de l’Organisation ne relève pas de la compétence des organes de recours, mais que ces questions font l’objet de procédures spéciales, comme les appels des décisions de la Caisse commune des pensions du personnel des Nations Unies.

Aujourd’hui, diverses limites, déficiences, et faiblesses caractérisent l’ensemble du système et obligent l’Organisation à aller vers la reconfiguration de sa justice interne pour offrir à son personnel une procédure qui soit pleinement conforme aux règles internationales applicables en matière de droits de l’homme et lui assure un règlement efficace et équitable des plaintes et des contentieux dans des délais raisonnables.

Les limites actuelles de la justice.

Les raisons justificatives de la refonte tant souhaitée sont bien connues.  Dans son rapport de juillet 2006, le Groupe d’experts extérieurs indépendants en reprend certaines.  Le Groupe confirme ainsi que le système de justice interne manque, en général, de transparence, et ne satisfait pas aux exigences minimales en matière de primauté du droit.  Le système actuel de justice interne ne jouit ni de la confiance du personnel, ni de celle de l’administration et des États Membres, et encore moins, de leur respect, selon les études menées.  De plus, des problèmes spécifiques y sont soulevés, comme la lenteur des procédures et l’accumulation des dossiers en instance.  Étant donné les défauts du système actuel, le Groupe de la refonte, à l’image de bon nombre d’experts, a été d’avis qu’il convenait d’adopter un système d’administration de justice interne radicalement différent.

Le futur cadre juridique du système de justice interne de l’ONU

C’est le Secrétaire général de l’ONU, dans son rapport du 23 août 2007, qui donne les grandes lignes du cadre juridique du nouveau système d’administration de la justice interne au sein de l’Organisation.  Ainsi, partant du principe que l’Assemblée générale considère le règlement amiable des litiges comme un élément crucial du nouveau système, le Secrétaire général propose de renforcer les dispositifs informels de règlement des litiges, en vue de faire l’économie de contentieux inutiles.  Il est d’autre part également décidé d’instituer un Bureau de l’Ombudsman unique, intégré et décentralisé, pour le Secrétariat de l’Organisation et les fonds et programmes des Nations Unies.  Il est aussi décidé d’instituer, au Siège, au sein du Bureau de l’Ombudsman de l’ONU, une Division de la médiation ayant vocation à offrir des services de médiation formelle au Secrétariat de l’Organisation et aux fonds et programmes des Nations Unies.

Concernant le système formel de justice, l’Assemblée générale a approuvé la création d’un système formel comportant un double degré ; soit une instance du premier degré, appelée « Tribunal du contentieux administratif » ; et une instance d’appel, appelée « Cour d’appel des Nations Unies », rendant des décisions revêtues de force obligatoire et ordonnant les réparations appropriées et le remplacement des organes consultatifs du système actuel d’administration de la justice interne, dont les commissions paritaires de recours et les comités paritaires de discipline, ainsi que d’autres organes, s’il y a lieu, par le Tribunal du contentieux administratif.  De même, il est fait état de la création d’une fonction efficiente, efficace et impartiale de contrôle hiérarchique qui permette à l’administration de réviser ses décisions avant qu’elles ne soient contestées auprès du Tribunal du contentieux administratif.

Le nouveau système qui se profile se veut professionnel et indépendant et, s’il est doté des moyens voulus, devra permettre à la fois de réduire les conflits au sein de l’Organisation et de traiter rapidement les affaires confiées au système de justice formel.  A la fin des travaux menés par la Sixième Commission dans le cadre de la Soixante-deuxième session de l’Assemblée générale, il a été décidé l’établissement d’un Comité ad hoc sur la question de l’administration de la justice.  Ce Comité devra poursuivre l’examen des aspects juridiques de la question, avec pour objectif la mise en place effective du nouveau système au 1er janvier 2009.
 
 
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