Chronique ONU

Les promesses de l’énergie solaire

Promouvoir une énergie à faible teneur en carbone pour le xxie siècle

Par Rhone Resch et Noah Kaye

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L'article

Dans un monde de plus en plus soumis à des limites sur les émissions de carbone, les technologies de l’énergie solaire représentent un des moyens les moins polluants pour produire de l’électricité. L’énergie solaire ne produit pas d’émissions de gaz à effet de serre et les évaluations de cycle de vie montrent qu’elle a une empreinte carbone réduite par rapport aux combustibles fossiles.

Sur les quelque 10 000 térawatts/heure (TWh) d’électricité produite par les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), l’énergie solaire en représente seulement 8. Toutefois, les technologies solaires, notamment la technologie photovoltaïque, qui concentre l’énergie solaire et l’énergie solaire thermique, constituent la source d’énergie qui connaît le plus grand essor dans le monde. Avec les signaux clairs adressés au marché par les gouvernements, ces technologies à faible teneur en carbone pourraient fournir d’ici à 2040 plus de 30 % de l’approvisionnement énergétique mondial.

Le secteur photovoltaïque (PV) est probablement le secteur de la technologie solaire qui connaît la plus forte croissance. Les dispositifs PV produisent directement l’électricité à partir de la lumière du rayonnement solaire par un processus électrique qui se produit dans certains types de matériaux. Les cellules PV, regroupées en modules et en générateurs solaires, peuvent être utilisées pour alimenter n’importe quel appareil électrique. Les systèmes d’énergie PV sont une technologie de production d’énergie à faible intensité en carbone. En septembre 2006, des scientifiques du Laboratoire national de Brookhaven, de l’université d’Utrech et du Centre de recherche néerlandais sur l’énergie, ont publié un article montrant que les systèmes PV en silicium cristallin présentent un temps de retour énergétique de 1,5 à 2 ans en Europe orientale et de 2,7 à 3,5 ans en Europe centrale, tandis que ce temps de retour est de 1 à 1,5 an en Europe du Sud pour les technologies à couche mince.

Durant leur cycle de vie, les émissions de dioxyde de carbone (CO2) du PV se situent actuellement entre 25 et 32 g/kWh. En comparaison, une centrale à cycle combiné alimentée au gaz émet 400 g/kWh, alors qu’une centrale alimentée au charbon utilisant des techniques de capture et de stockage du carbone en émet 200 en moyenne. Aux États-Unis, l’énergie nucléaire émet 25g/kWh. Seule l’énergie éolienne est moins polluante, avec seulement 11 g/kWh. Concernant la technologie du silicium, il existe des perspectives pour réduire la quantité d’énergie et il sera possible, dans plusieurs années, d’avoir un temps de retour énergétique d’un an alors que les processus de croissance du silicium seront plus efficaces. Cela pourrait donc réduire les émissions de CO2 à 15g/kWh durant leur cycle de vie.

Le secteur photovoltaïque a augmenté en moyenne de plus de 40 % au cours des huit dernières années, produisant plus de 2 200 mégawatts en 2006. Ce secteur est devenu compétitif dans tous les segments de marché, en particulier dans les applications raccordées au réseau, grâce aux investissements dans le secteur qui ont permis de faire des progrès importants en matière d’automation, d’efficacité de la fabrication et de débit. Plusieurs pays importants - l’Allemagne, le Japon et les États-Unis, qui représentent deux tiers du marché mondial - ont créé des programmes de soutien au secteur pour faire baisser les coûts. La croissance du secteur PV a entraîné la réduction classique de la « courbe d’apprentissage » en matière de coûts de production. Les données indiquent clairement un « taux de progrès » de 18 à 20 % - à chaque doublement de la production cumulée de cellules solaires, les coûts sont réduits de 20 %. Actuellement, le prix de vente des modules solaires est de 3 à 5 dollars par watt, tandis que les systèmes installés sont généralement vendus entre 6 et 10 dollars par watt. L’énergie solaire est la solution la moins chère pour l’approvisionnement en énergie des lieux situés à plus de 800 m d’une centrale électrique existante et est généralement compétitive sans l’apport de subventions dans les régions où le prix de l’énergie est élevé. Le secteur PV cherche à réduire les coûts des systèmes de 50 % d’ici à 2015, quand les coûts du photovoltaïque deviendront compétitifs aux États-Unis et dans les autres pays développés par rapport aux prix de vente de l’électricité au particulier.
Des ouvriers installent un système photovoltaïque (solaire thermique)
en Californie.
PHOTO/solar energy industries association

Alors que la technologie PV est de plus en plus abordable, son potentiel en tant que source majeure d’énergie à faible teneur en carbone augmente. Selon le rapport Solar Generation, publié en 2004 par Greenpeace et l’Association européenne de l’industrie photovoltaïque (AEIP), le PV pourrait produire 276 TWh d’ici 2020 - soit 1 % de la demande mondiale projetée par l’Agence internationale de l’énergie (AIE). L’étude a misé sur une croissance annuelle composée du marché de l’ordre de 30 % jusqu’en 2020, nettement en dessous de la croissance que le secteur a réalisé en moyenne de 2002 à 2007 (45 %). Cela remplacerait la production de 75 nouvelles centrales alimentées au charbon et empêcherait les émissions de 664 millions de tonnes de CO2 par an. Toujours selon le rapport, avec un taux de croissance de 15 % de 2020 à 2040, l’énergie solaire pourrait produire 9 000 TWh, ce qui représenterait 26 % de la demande mondiale projetée.

Les centrales solaires à concentration (CSP) sont des générateurs à échelle d’utilité qui produisent de l’électricité à l’aide de miroirs ou de lentilles afin de concentrer efficacement l’énergie solaire. Les deux technologies principales sont les capteurs de forme parabolique, qui utilisent des miroirs concaves pour alimenter des turbines à vapeur classiques, et les systèmes de moteur Stirling, qui utilisent des paraboles réfléchissantes pour chauffer l’hydrogène liquide et actionner les pistons d’un moteur Stirling. L’évaluation du cycle de vie des émissions produites, ainsi que les impacts des systèmes CSP sur les couches superficielles du sol, indique que ces technologies permetttent de réduire sensiblement les émissions de gaz à effet de serre (GES) et autres polluants sans créer d’autres risques pour l’environnement ou des risques de contamination. Selon l’Association européenne de l’industrie solaire thermique, la capacité installée de production solaire thermique de 1 MWh permet d’éviter le rejet de 600 kg de CO2. Le temps de retour énergétique des systèmes CSP est d’environ 5 mois, ce qui très raisonnable comparé à leur cycle de vie de 25 à 30 ans.

Durant les années 1980 et au début des années 1990, neuf centrales solaires à concentration, d’une capacité totale de 330 MW, ont été construites dans le désert de Mojave, en Californie. Puis, au cours des deux décennies suivantes, aucune centrale n’a été construite en raison du manque de soutien fédéral américain pour les énergies renouvelables et la montée en flèche des prix de l’énergie. Ces deux dernières années, des progrès notables ont été enregistrés. Une centrale de 11 MW fonctionne en Espagne depuis mars 2007 - la première en Europe - et, au Nevada, une centrale de 64 MW est dans sa phase finale de construction.  Actuellement, plus de 45 projets de CSP dans le monde, d’une capacité combinée de 5 500 MW, sont en cours d’élaboration.

Avec un potentiel de plus de 200 GW dans le sud-ouest des États-Unis et des milliers d’autres dans le monde, les centrales solaires à concentration offrent un moyen rapidement évolutif de produire de l’énergie à faible teneur en carbone. Un rapport, publié en septembre 2005 par la Fédération européenne de l’industrie solaire thermique (ESTIF), Greenpeace et SolarPaces de l’AIE, a indiqué qu’« il n’y a pas d’obstacles techniques, économiques ou en matière de ressources à ce que l’énergie solaire thermique satisfasse 5 % des besoins mondiaux en électricité d’ici à 2040 ». Les auteurs ont calculé que les centrales CSP pourraient produire 95,8 TWh/an d’ici à 2025, évitant le rejet de 57,5 millions de tonnes de CO2 par an dans l’atmosphère pour 362 millions de tonnes cumulées au cours des 20 prochaines années. Toujours d’après le rapport, d’ici à 2040, les centrales CSP pourraient produire jusqu’à 16 000 TWh par an.

Les systèmes solaires thermiques sont utilisés pour la production d’eau chaude individuelle et le chauffage des bâtiments. De simples capteurs, généralement installés sur le toit d’une maison ou d’un bâtiment, absorbent l’énergie solaire et transfèrent la chaleur. Dans de nombreuses régions, un système de chauffage solaire peut fournir une grande quantité d’eau chaude (50 à 70 %). Étant donné que le chauffage de l’eau représente en moyenne environ 30 % des émissions de CO2 émises par une maison, un chauffe-eau solaire peut réduire ses émissions totales de plus de 20 %. Nombre de pays encouragent le recours à la technologie solaire pour l’alimentation en eau chaude. Les installations solaires dans le monde ont augmenté de 14 % en 2005, atteignant une base installée d’un équivalent thermique de 88 GW, avec 46 millions de foyers équipés. La Chine est le pays leader avec 62 % de la capacité installée, tandis qu’Israël a le taux d’utilisation le plus élevé par habitant, avec 90 % de tous les foyers tirant parti de cette technologie. En avril 2002, le Programme Chauffage et rafraîchissement solaire de l’AIE a calculé que cette capacité solaire thermique installée globale réduisait les émissions de CO2 d’environ 30 millions de tonnes par an. En janvier, ESTIF a proposé l’installation d’ici à 2020 d’une superficie de 1 m2 de capteurs solaires pour chaque 320 TWh de capacité installée en Europe. De son côté, aux États-Unis, le Laboratoire national de l’énergie renouvelable a calculé que le potentiel technique actuel du chauffage solaire dans le pays permet d’économiser un exajoule d’énergie primaire par an, soit une réduction annuelle des émissions de CO2 de 50 à 75 millions de tonnes métriques.

L’énergie solaire est, sans conteste, un choix indiqué pour un avenir énergétique fiable, doté d’une économie sobre en carbone. Une plus grande utilisation de cette ressource relativement inexploitée contribuera à atténuer le changement climatique tout en stimulant les économies, créant des emplois et augmentant l’intégrité et la sécurité du réseau électrique. Mais sans un soutien politique international et national solide à l’énergie solaire et aux autres sources d’énergie renouvelables, la société continuera de dépendre excessivement des sources d’énergie à des prix très volatils, précaires et à haute teneur en carbone. Il faut offrir des incitations aux premiers développeurs, mettre en place des politiques de réglementation et éduquer le public afin d’encourager le recours à l’énergie solaire. Avec des signaux clairs adressés au marché, le secteur peut développer une énergie solaire à faible teneur en carbone à une échelle suffisante pour relever les défis énergétiques mondiaux.



Le soleil au service de la vie : le projet des cuiseurs solaires au darfour

For thPour les 200 000 réfugiés du Darfour installés au Tchad, une simple activité comme préparer un repas pose des risques sérieux. Le bois étant rare dans cette région désertique, les réfugiées doivent sortir loin du camp pour en ramasser, où elles sont vulnérables aux attaques des janjawids et à d’autres prédateurs. Un rapport de 2005 de Médecins sans frontières a révélé que 82 % des viols se produisaient quand les femmes se trouvaient en dehors des villages, généralement pour ramasser du bois. Mais dans le camp d’Iridimi, qui compte 17 000 réfugiés dans l’est du Tchad, les familles ont réduit leur consommation de bois de 50 à 80 %, en utilisant des cuiseurs solaires pour préparer leur repas.
Iridimi, Tchad. Initiation à la cuisine solaire
PHOTO/Derk Rijks

La plupart des cuiseurs solaires convertissent la lumière en énergie qui est stockée et sert à la cuisson des aliments. Il existe de nombreux appareils performants, mais celui qui répond le mieux aux besoins des réfugiés est le Cookit, fabriqué par Solar Cookers International. Il est constitué d’un grand morceau de carton, ou d’autres matériaux locaux, découpé dans une forme spécifique qui réfléchit les rayons du soleil sur une marmite en métal de couleur sombre. La marmite, dont l’extérieur est peint en noir, absorbe et retient la chaleur. Un sac transparent en polypropylène noué autour crée une barrière d’isolation et permet d’atteindre facilement 121 °C, ce qui permet de cuire des aliments en quelques heures. 

La KoZon Foundation, une organisation non gouvernementale néerlandaise qui forme les femmes des pays en développement à la’cuisine solaire, a, pour la première fois en février 2005, introduit les appareils dans le camp d’Iridimi, après avoir obtenu le financement de la Dutch Fondation for Refugees et l’approbation du projet par le Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR). Derk Rijks, un travailleur volontaire de KoZon, et Marie-Rose Neloum, une Tchadienne chargée de la formation, ont fourni 100 cuiseurs à des réfugiées et en ont fait la démonstration, ce qui a été un succès.

Une deuxième démonstration a eu lieu en avril 2005, durant laquelle KoZon a formé les réfugiées et testé leur habileté à fabriquer elles-mêmes 120 cuiseurs, mettant l’accent sur la possibilité de poursuivre une activité économique autonome. En février 2006, les outils et l’espace nécessaires ont été fournis pour fabriquer les cuiseurs. Plusieurs réfugiées ont été formées comme « personnel de formation auxiliaire » afin d’apprendre aux autres femmes comment utiliser ces appareils.

Le projet de cuiseurs solaires a pris de l’ampleur en mai 2006, lorsque le Jewish World Watch (JWW), une organisation regroupant 55 synagogues du sud de la Californie, aux États-Unis, a décidé d’équiper l’ensemble du camp d’Iridimi de cuiseurs. L’organisation a pour mission de combattre le génocide et les violations des droits de l’homme dans le monde. Son comité de femmes mène à bien des projets volontaires qui ont un impact sur la vie des femmes. « La seule façon de combattre la mort, c’est en donnant la vie, et la seule façon de lutter contre le génocide, c’est de réduire les souffrances », a expliqué le fondateur du JWW, le rabbin Harold M. Schulweis. « Dans ce cas, il s’agit de femmes vulnérables, sans aucune protection, victimes du sadisme des janjawids. Il est primordial de leur offrir un minimum de protection et de sécurité. »

Dans le cadre du projet, 4 500 femmes ont reçu une formation et 10 000 cuiseurs ont été fournis. Actuellement, le camp d’Iridimi fabrique environ 1 000 cuiseurs solaires par mois pour remplacer les vieux (un cuiseur dure en moyenne six mois), tout en fournissant les appareils en surplus aux 22 000 réfugiés du camp voisin de Toulom. Le projet a permis de réduire d’environ 70 % les activités de ramassage de bois, réduisant ainsi les risques d’attaques contre les femmes et les fillettes. Les cuiseurs offrent également des opportunités économiques, non seulement parce qu’ils sont fabriqués sur place, mais aussi parce qu’ils permettent aux réfugiées de disposer de temps libre pour des activités autres que la cuisine et le ramassage du bois, comme la fabrication de paniers, le tricot et autres articles artisanaux qui sont vendus en Europe, avec l’aide du HCR et des compagnies aériennes.

Le projet a également eu des répercussions positives sur l’environnement et la santé des populations. La réduction de la consommation du bois a permis de limiter le déboisement. Les cuiseurs solaires, qui sont non polluants, ont réduit la fumée dans le camp, améliorant la santé et la qualité de vie des réfugiés. Les partenaires du projet pensent qu’avec le soutien des Nations Unies, ils pourraient fournir des cuiseurs solaires aux 200 000 autres réfugiés au Tchad.

« Aussi important qu’il soit d’alerter l’opinion, il n’y a pas de meilleur moyen de l’alerter que par l’action », a dit le rabbin Schulweis. « Le soutien des Nations Unies redonnerait de la vigueur au projet. Cela montre ce que l’on peut faire même dans les pays pauvres, même dans les pays qui sont divisés et qui vivent dans la crainte à cause des conflits internes, cela montre que nous pouvons au moins les protéger. Cela donne à l’industrie solaire un caractère éthique, ainsi qu’un caractère d’entreprenariat. Aujourd’hui, nous avons besoin non seulement de la haute technologie mais aussi de la haute moralité.          — Rhone Resch et Noah Kaye

Biographie

Rhone Resch est président de Solar Energy Industries Association (SEIA), une association nationale représentant plus de 500 entreprises d’énergie solaire aux États-Unis.






Noah Kaye est directeur des affaires publiques à SEIA, une association qui s’attache à promouvoir l’utilisation de l’énergie solaire.

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