Chronique ONU

Comment éviter l’ingérable et gérer l’inévitable changement climatique

Par Alexander Ginzburg

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L'article

Dans les Alpes, l’absence de neige oblige les stations de skis à produire de la neige artificielle, a écrit Laura MacInnis dans son article « Fake Snow in the Alps: Moscow Blooms: Green Christmas ? », publié le 13 décembre 2006 par l’agence de presse Reuters. Les marguerites sont en fleurs près du Kremlin et les commerçants se plaignent du manque de motivation des Européens à faire leurs courses de Noël durant l’hiver le plus doux qu’ait connu l’Europe.

Dans la Fédération de Russie, les températures record de décembre ont empêché les ours d’hiberner, tandis que les marguerites et les violettes étaient en fleurs dans la capitale. Alors que l’hiver est généralement très rude à Moscou, le 7 décembre, la température a atteint un niveau record de 7,7 °C. Du point de vue scientifique, les conditions météorologiques de l’hiver dernier dans le nord de l’Eurasie et de l’Amérique étaient uniques — il s’agit de phénomènes météorologiques extrêmes et non pas d’un phénomène climatique.  Le changement climatique est un processus beaucoup plus lent. Durant les deux dernières décennies des températures beaucoup plus élevées que les températures moyennes de la période de base de 1960-1990 ont été relevées. Les dernières années montrent clairement que le réchauffement climatique et les phénomènes météorologiques extrêmes sont aujourd’hui des faits avérés et posent un défi sérieux pour l’humanité.

Les Nations Unies s’efforcent d’attirer l’attention mondiale sur le changement climatique. Une de ses meilleures initiatives dans ce domaine est la création du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), créé il y a près de deux décennies par l’Organisation météorologique mondiale (OMM) et le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE). Au début de ce nouveau millénaire, la Commission de l’ONU du développement durable (CDD) a organisé ses activités sur un cycle de deux ans portant chacun sur une série de thèmes spécifiques. Dans le contexte élargi de l’action des Nations Unies dans le domaine du développement durable, le changement climatique - ainsi que l’énergie, le développement industriel et la pollution atmosphérique — font partie des thèmes abordés durant le cycle 2006-2007.

En 2007, le GIEC a présenté son Quatrième rapport d’évaluation ainsi que d’autres rapports, notamment un rapport du SEG (groupe d’experts scientifiques) intitulé Éviter l’ingérable et gérer l’inévitable changement climatique. Préparé pour la 15e session de la Commission (CDD15), ce rapport définit un plan d’action visant à  atténuer les changements climatiques ingérables et à mettre en place l’adaptation aux changements qui ne peuvent plus être évités. Les experts ont été invités à formuler des recommandations sur les mesures d’atténuation et d’adaptation susceptibles de limiter les risques liés au changement climatique. La Fondation des Nations Unies et la société de recherche scientifique Sigma Xi ont publié le rapport final du SEG le 27 février 2007 lors de la Réunion préparatoire intergouvernementale de la CDD.

Roumanie. De nombreux processus industriels ont entraîné
la pollution
de presque tous les aspects de la biosphère :
terres, fleuves et atmosphère.
Photo © MUXAUN -PNUE/Still Pictures


En 2007, l’ONU a organisé des événements importants liés au changement climatique, comme le débat du Conseil de sécurité sur le changement climatique qui s’est  tenu pour la première fois le 17 avril et qui s’est heurté à la réticence de certains délégués estimant que le Conseil n’était pas le forum adéquat pour débattre de cette question. Vitaly Churkin de la Fédération de Russie a indiqué que son pays participait activement aux efforts mondiaux de lutte contre le changement climatique. La décision de la Russie de ratifier le Protocole de Kyoto a permis la mise en œuvre de cet instrument important. Depuis, la Fédération a réduit sensiblement ses émissions de gaz à effet de serre (GES) et a l’intention d’honorer ses engagements au titre du Protocole de Kyoto jusqu’à 2012. Le gouvernement estime que toutes les actions futures concernant le réchauffement et le changement climatiques devraient être fondées sur des informations scientifiques fiables. M. Churkin a demandé à la communauté internationale d’aborder le changement climatique sous tous ses aspects, d’une manière globale et dans le cadre des forums internationaux adéquats, comme la CDD, l’OMM et l’Assemblée générale de l’ONU, ajoutant que le Conseil de sécurité devrait traiter les questions qui relèvent uniquement de son mandat. Le 27 avril, le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon a organisé plusieurs réunions auxquelles ont participé le Président de la Commission européenne, Jose Manuel Barroso, et l’ancien Vice-président des États-Unis, Al Gore. Le 30 avril, la CDD15 a débuté, mettant fin au cycle de deux ans consacré au changement climatique. Ces activités de haut niveau de l’ONU montrent l’importance que les responsables de l’ONU accordent à l’un des problèmes les plus importants auxquels est confrontée l’humanité.

En tant que Directeur adjoint de l’Institut of Atmospheric Physics de l’Académie des sciences de la Fédération de Russie, j’approuve entièrement la déclaration de la CDD selon laquelle « le changement climatique n’est pas seulement un problème d’environnement; il est étroitement lié au développement durable et nécessite une attention urgente de la communauté internationale ». Le dioxyde de carbone, le méthane et le GES, à leurs niveaux actuels, ne sont pas des polluants de l’air dangereux, mais ils ont des conséquences sur le climat et les êtres humains. En tant qu’organisation  internationale de premier plan, les Nations Unies doivent agir collectivement et de toute urgence pour changer l’évolution du changement climatique en s’adressant à tous les niveaux de leadership. Il n’y a plus de temps à perdre.

Le rapport du GIEC fournit à la communauté internationale, et en particulier aux Nations Unies, des informations sur l’état actuel et les tendances du changement climatique, y compris sur les mesures d’adaptation et d’atténuation possibles. Le rapport du SEG présente une série de recommandations sur la manière d’éviter les changements climatiques ingérables et de gérer ceux qui ne peuvent plus être évités. L’idée principale du SEG et les propositions de la CDD (voir encadré à la page suivante) ne font pas double emploi avec les travaux de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et le Protocole de Kyoto, mais sont des recommandations de stratégies d’adaptation et d’atténuation. En tant qu’un des auteurs principaux du rapport, je suis convaincu que nombre des recommandations de la CDD sont des jalons importants du plan d’action visant à l’atténuation des impacts des changements climatiques ingérables et à l’adaptation aux changements qui ne peuvent plus être évités. Les décisions de la CDD portent sur une plus grande diversité de sujets que ceux traités par le SEG, mais le rapport du Groupe a  abordé d’autres questions spécifiques, comme la proposition de créer et de reconstruire des villes mieux adaptées pour résister aux phénomènes climatiques et moins polluantes, en tirant parti des technologies les plus avancées et des nouvelles approches en matière d’utilisation des terres, de l’eau douce, des ressources marines, terrestres et énergétiques. Parmi les recommandations présentées au système de l’ONU et aux gouvernements, je citerai les suivantes :

  • Multiplier par quatre les investissements publics et privés dans la recherche sur les technologies de l’énergie, en mettant l’accent sur l’efficacité énergétique dans les secteurs des transports, du bâtiment et de l’industrie, ainsi que sur le développement des biocombustibles, de l’énergie solaire et de l’énergie éolienne et d’autres sources renouvelables, y compris la capture et la séquestration du carbone.

  • Promouvoir une augmentation comparable des investissements publics et privés, en mettant l’accent sur la création de partenariats centrés sur la démonstration et le déploiement commercial rapide des technologies énergétiques non polluantes.

  • Faire appel aux organisations et aux autres institutions spécialisées de l’ONU afin de promouvoir les partenariats public-privé qui augmentent les investissements du secteur privé dans les domaines de l’efficacité énergique et de l’énergie renouvelable, tirant parti des ressources publiques limitées pour offrir des garanties de prêts et subventionner les taux d’intérêt.

  • Promouvoir la recherche sur les technologies énergétiques, leur développement et leur démonstration dans les régions en développement. Les options possibles pour atteindre ce but comprennent des accords entre les pays développés et les pays en développement et le renforcement du réseau des centres régionaux pour la recherche sur les technologies de l’énergie.

  • Au cours des deux prochaines années, réaliser une étude sur les moyens d’améliorer la planification, le financement et le déploiement des technologies énergétiques respectueuses de l’environnement en utilisant les ressources des Nations Unies et d’autres organismes internationaux, comme le Programme des Nations Unies pour le développement, la Banque mondiale et le Fonds pour l’environnement mondial.

  • En tant que membre du Groupe d’experts scientifiques, j’espère que ces recommandations aideront l’ONU et la CDD à initier un mouvement mondial pour que toutes les activités humaines deviennent respectueuses de l’environnement.
Biographie

Alexander Ginzburg est directeur adjoint de l’A.M. Obukhov Institute of Atmospheric Physics de l’Académie des sciences de la Fédération de la Russie. Il dirige le Laboratoire d’écologie mathématique et est rédacteur en chef exécutif de la revue Izvestiya, Atmospheric and Oceanic Physics. Il est l’un des auteurs principaux de Sigma Xi, le rapport du Groupe d’experts scientifiques de l’ONU sur le changement climatique et le développement durable.

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