Chronique ONU

L’engagement du Costa Rica

Un pays sur le point de devenir « zéro-carbone »

Par Roberto Dobles Mora

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L'article

Les preuves scientifiques montrent de plus en plus clairement que les avantages d’une action ferme et précoce l’emportent de loin sur les coûts de l’inaction. Si nous ne réduisons pas sensiblement et rapidement les émissions de gaz à effet de serre (GES), nous risquons de connaître un bouleversement des systèmes environnementaux, économiques, de santé, moraux et politiques qui sont liés et qui constituent la base de la civilisation telle que nous la connaissons.

La mise en place de l’action collective nécessaire pour éviter la catastrophe qui nous menace reste cependant un des plus grands défis auxquels l’humanité est confrontée. L’ampleur du problème et l’urgence de l’action testeront l’efficacité du système de la gouvernance mondiale et mettront à l’épreuve les relations entre les pays en développement et les pays développés durant la prochaine décennie. Pour éviter les pires effets du changement climatique, nous avons besoin de trouver des solutions équitables et d’encourager la réduction des émissions la plus drastique possible. Nous avons pris beaucoup trop de retard dans la lutte contre le réchauffement climatique. Nous ne pouvons plus nous permettre d’attendre plus longtemps. Si les pays développés et les économies en plein essor des pays en développement doivent assumer une plus grande responsabilité dans l’action à mener, ce n’est pas une excuse pour que les petits pays ne fassent rien.

Le Costa Rica a décidé de répondre et d’aligner ses priorités sur l’action mondiale pour le climat. Le gouvernement a préparé une stratégie à long terme et s’engage à devenir un pays « zéro-carbone » (sans effet net sur les émissions de dioxyde carbone). Nous aspirons à construire une société où la recherche du bien-être n’affecte pas celui des autres. Selon le Président du Costa Rica, Oscar Arias, « par notre action, nous espérons montrer au monde qu’il est possible de faire ce qui doit être fait ». C’est la contribution importante du Costa Rica à la lutte contre le changement climatique.

Le changement climatique figure en tête de l’ordre du jour du gouvernement. La nouvelle administration, qui a pris ses fonctions en 2006, l’a inclus comme question prioritaire dans son plan national de développement. Aux plans national et international, le gouvernement s’est engagé à ce que le Costa Rica prenne la tête de la lutte contre le changement climatique. Un plan a été formulé avec la participation de divers acteurs, dont les secteurs de l’économie, les organes gouvernementaux pertinents et les institutions universitaires. D’importants segments du secteur privé et les médias ont déjà montré un soutien enthousiaste. L’idée que j’ai défendue — « une économie sans carbone est en même temps une économie compétitive », commence à faire son chemin dans la société. Non seulement nous assumerons notre part de responsabilité dans la lutte mondiale contre le changement climatique, mais nous chercherons aussi à développer les capacités nécessaires pour transformer les objectifs d’atténuation en opportunités  pour que notre potentiel de développement durable humain devienne une réalité.

La stratégie de lutte contre le changement climatique, qui est clairement orientée vers l’action, est définie autour de cinq composantes : systèmes de mesure, atténuation, vulnérabilité et adaptation, renforcement des capacités, et éducation, culture et sensibilisation de l’opinion publique.

Systèmes de mesure. Nous mettrons en place des systèmes de mesure précis, fiables et vérifiables, dotés de mécanismes de surveillance.

Atténuation. Cette stratégie vise à construire une société « zéro-carbone » en intégrant les questions environnementales, économiques, sanitaires, sociales, morales, culturelles, éducatives et politiques, ainsi que la stratégie nationale en matière de compétitivité. La promotion des entreprises et des communautés « zéro-carbone », parmi d’autres parties prenantes, donnera des incitations à l’action et apportera des éléments de différenciation dans la stratégie compétitive. Les actions comprennent les principaux éléments stratégiques suivants : réduction des émissions à la source, notamment dans les secteurs comme ceux de l’énergie, des transports, de l’agriculture, (changement d’affectation des terres et réduction du déboisement), de l’industrie, de la gestion des déchets solides et du tourisme (et les transports aériens internationaux associés); développement des puits de carbone par le reboisement et la régénération des forêts naturelles; et développement des marchés du carbone aux niveaux local et international.
Photo © Jane Goodall Institute (www.janegoodall.org)

Le programme de conservation des forêts, y compris la participation à la Coalition pour la défense des forêts pluviales et à une nouvelle campagne de plantation d’arbres qui sera liée à la campagne de l’ONU lancé par Wangari Maathai, font partie des actions qui seront menées par le Costa Rica, au travers desquelles le pays renforcera son expérience dans ce domaine. Par le biais d’un système de mécanismes variés, y compris le paiement de services pour la protection et la régénération des forêts, le Costa Rica a augmenté les surfaces boisées de 21 % en 1986 à 51 % en 2006. Dans le cadre de ses activités de plantation d’arbres et de protection des forêts, nous continuerons de fournir des services écologiques de qualité concernant notamment la conservation de la biodiversité, la conservation et la protection des ressources en eau, le développement des communautés locales, l’aménagement de sites pittoresques, en plus de la fixation du carbone.

La stratégie de compétitivité est une partie importante de notre action. Le changement climatique, ainsi que la dégradation de l’environnement, l’énergie et la sécurité alimentaire, auront un impact profond sur la croissance économique durable. La valeur des entreprises, leur rentabilité et leur croissance seront associées aux risques et aux opportunités liés au changement climatique. La manière dont les entreprises géreront ces risques et ces opportunités est essentielle à la réussite de cet effort. Nous créons les conditions pour promouvoir un comportement responsable et compétitif, même dans notre économie. Comme l’ont reconnu les entreprises qui participent au Carbon Disclosure Project, des risques économiques et financiers majeurs liés aux changements climatiques sont associés aux facteurs suivants :

  • l’évolution de la  demande des consommateurs pour des produits et des services à moindres niveaux de carbone ou à « zéro carbone ». La différenciation sera un facteur important, tandis que les produits, les services et les processus propres présenteront un avantage compétitif important futur;

  • la réputation des entreprises dont l’inaction est critiquée par les consommateurs;

  • l’exposition aux réglementations locales et internationales possibles;

  • les dégâts sur les biens et l’infrastructure causés par les phénomènes météorologiques extrêmes.

Les opportunités liées au changement climatique concernent l’éducation, la culture, l’innovation et l’évolution rapide des technologies dans les secteurs de l’économie existants et le développement de nouveaux secteurs liés aux questions d’environnement. Le changement climatique aura un effet profond sur la plupart des secteurs de l’économie et sur la société en général. La façon dont les pays et les entreprises répondront détermineront leur développement économique, financier et humain dans le futur. Le développement durable humain dépendra de la manière dont nous répondrons au changement climatique.

Adaptation. Cette stratégie comprend une série d’études visant à identifier les vulnérabilités et à créer des mécanismes pour appliquer les mesures visant à réduire les effets du changement climatique, à mener des activités de recherche et de surveillance, à créer des systèmes d’alerte rapide et à renforcer les capacités pour améliorer les conditions économiques, sociales, environnementales et biophysiques. Les ressources en eau, la santé, l’agriculture, l’infrastructure, les régions côtières et la biodiversité marine seront des éléments clés de la stratégie d’adaptation, ainsi que la préparation aux catastrophes et la gestion des risques liés celles-ci. Le principal objectif sera de réduire la vulnérabilité des différents secteurs et écosystèmes.

Renforcement des capacités. Pour qu’une nation ait les capacités nécessaires pour mettre en œuvre une stratégie générale, il faut renforcer les capacités de l’ensemble de la société afin de mieux répondre au changement climatique, ainsi que pour mesurer et atténuer ses causes, chercher et mettre en œuvre des solutions d’adaptation à tous les niveaux de la société.

Éducation, culture et sensibilisation de l’opinion publique. La population doit participer et s’engager à la lutte contre le changement climatique afin de construire un système sociétal de prise de décision pour la mise en œuvre de la stratégie. Les habitudes individuelles et les modes de consommation doivent être compatibles avec les impératifs du changement climatique. Si nous voulons apporter un réel changement, il faut informer et éduquer la population et associer la société civile à la lutte contre le changement climatique.

La stratégie « zéro-carbone » du Costa Rica est fondée à la fois sur des engagements de large envergure et des engagements volontaires spécifiques qui se renforcent et intègrent les préoccupations climatiques dans les plans de développement. Ces engagements permettent à la fois de créer des politiques adaptées aux situations nationales et d’augmenter la compétitivité en attirant les investissements étrangers directs. La stratégie est compatible avec nos responsabilités locales et mondiales. Toutefois, un régime international contre le changement climatique élargi pourrait non seulement nous aider, mais aider aussi les autres pays en développement, en incluant les approches sectorielles et politiques nécessaires pour obtenir la réduction plus importante des émissions que la communauté internationale demande.

Par exemple, les crédits programmatiques au titre du Mécanisme pour un développement propre ou d’autres mécanismes sont nécessaires pour couvrir les activités sectorielles et celles fondées sur des politiques. Cela permet des engagements importants au niveau des politiques nationales comme, entre autres, le renforcement de la sécurité énergétique en améliorant l’utilisation des sources renouvelables et l’efficacité énergétique, la promotion des transports durables, la réduction de la pollution de l’air dans les villes par l’utilisation de combustibles plus propres, la réduction des émissions causées par le déboisement, la gestion durable des forêts et l’augmentation de la productivité agricole. Pour réduire les émissions, ce qui est un impératif mondial, ces actions liées au climat dans les pays en développement doivent bénéficier du financement du carbone.

Biographie

Roberto Dobles Mora est ministre costaricain de l’environnement et de l’énergie et ministre recteur du secteur de l’énergie, de l’environnement et des télécommunications. Il est également président du Conseil d’administration du Forum ministériel mondial pour l’environnement du Programme des Nations Unies pour le développement. Auparavant il a été président exécutif de l’Institut costaricain de l’électricité et ministre des sciences et des technologies.

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