Chronique ONU

Forêts et changement climatique

D’un problème complexe à une solution intégrée

Par Hans Hoogeveen

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L'article

Le réchauffement climatique est devenu un sujet couvert régulièrement par les médias, ponctué de déclarations alarmantes de chefs de gouvernement, de scientifiques ou d’écologistes. En outre, la fonte des glaciers, les situations météorologiques erratiques, la sécheresse, les incendies de forêts et la prolifération des espèces envahissantes de la flore et de la faune dans de nouvelles régions sont des phénomènes attribuables aux changements climatiques auxquels les populations sont de plus en plus confrontées.
Les sceptiques sur le réchauffement climatique mondial font valoir que l’évolution des situations météorologiques fait partie des changements naturels de la température globale, mais la majorité des scientifiques sont d’avis qu’elle est probablement causée par la concentration des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère induites par les activités humaines.

Il est crucial de reconnaître les dangers et les risques liés au changement climatique. Nous n’avons pas de temps à perdre, il faut agir maintenant. C’est une excellente occasion pour les parties prenantes de répondre à ce défi en adoptant une approche complète afin de s’attaquer aux causes humaines du réchauffement climatique pour créer un avenir meilleur et prospère pour les générations futures. Les scientifiques ont compris depuis longtemps le rôle des forêts dans la création des microclimats. Avec la sensibilisation accrue sur le réchauffement climatique et sa principale cause, les émissions de dioxyde de carbone (CO2), le rôle de ressources forestières et végétales dans la modification des impacts du changement climatique font l’objet d’un regain d’attention de la part des climatologues, des ingénieurs des forêts, des décideurs et des médias dans le monde entier.

Le quatrième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a de nouveau confirmé que l’augmentation des émissions de GES attribuables à l’activité humaine a engendré une augmentation certaine de la concentration atmosphérique de GES. Entre 1970 et 2004, les émissions mondiales de GES ont augmenté de 70 %. Les émissions de CO2 ont, à elles seules, augmenté d’environ 80 % (28 % entre 1990 et 2005) et représenté 77 % des émissions anthropiques totales en 2004. De 1970 à 2004, l’augmentation la plus importante des émissions mondiales a été causée par le secteur de l’approvisionnement en énergie (une augmentation de 145 %) mais la croissance d’autres secteurs y a aussi considérablement contribué. Les émissions dues aux activités des secteurs du transport, de l’industrie, à l’utilisation des terres, aux changements de l’utilisation des terres et aux activités forestières étaient respectivement de 120, 65 et 40 %.

Les faits et les chiffres sont clairs, toutefois une question demeure : les gouvernements sont-ils prêts à prendre des mesures pour répondre au réchauffement climatique ? La communauté internationale est-elle vraiment prête à s’engager pour « sortir de l’auberge » et adopter une approche cohérente en allant au-delà des mandats et de la compétence relevant des accords internationaux liés aux forêts ?

Les arbres et les forêts absorbent le dioxyde de carbone dans l’atmosphère par la photosynthèse et stockent le carbone dans le bois et les sols — un processus appelé la « séquestration du carbone ». Les arbres sont généralement constitués de 20 % de carbone. En outre, la biomasse totale des forêts fait fonction de « puits de carbone ». D’après les études de l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture des Nations Unies (FAO), les forêts emmagasinent de grandes quantités de carbone et les forêts et les sols forestiers mondiaux stockent actuellement plus de mille milliards de tonnes de carbone, deux fois plus que le volume présent dans l’atmosphère. La destruction des forêts causée par le déboisement ou des incendies envoie chaque année des milliards de tonnes de carbone dans l’atmosphère. Il est donc important de stocker le carbone et d’empêcher sa libération dans l’atmosphère pour lutter contre le réchauffement climatique et protéger l’environnement.

Les forêts sont étroitement liées au changement climatique, étant à la fois une cause et une solution. Il est de plus en plus évident que les changements climatiques ont des effets sur leur santé, leur répartition et leur composition. Il faut donc prendre des mesures pour gérer ces liens complexes. Avec les nombreuses institutions environnementales internationales au sein du système de l’ONU, le rôle des forêts dans l’atténuation des impacts néfastes du changement climatique est un sujet de plus en plus abordé dans diverses arènes politiques. Il est également clair que la fragmentation des institutions conduit à l’incohérence et au double emploi.

Concernant le changement climatique et les forêts, la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), avec son mandat spécifique de lutter contre le réchauffement climatique, est sans aucun doute un cadre institutionnel. Un autre cadre, peut-être moins connu, est le Forum des Nations Unies sur les forêts (FNUF). Ces deux organisations font face au défi d’unir leurs efforts pour réaliser des progrès ambitieux. La CCNUCC et son Protocole de Kyoto a fourni un cadre élargi pour répondre aux défis du changement climatique, assorti de délais spécifiques de réduction des émissions, d’obligations et de mécanismes.

La destruction des forêts causée par le déboisement ou les incendies envoie chaque année des milliards de tonnes de carbone dans l’atmosphère.
PHOTO FAO/Enrique Murgueitio


L’inclusion du boisement, du reboisement et du déboisement dans le Protocole et l’éligibilité du boisement et du déboisement dans le cadre de mécanismes souples, principalement le Mécanisme pour un développement propre, ont été considérées comme des mesures d’atténuation du changement climatique ambitieuses et innovantes. Cependant, il reste à régler un certain nombre de questions techniques, de développement et d’équité qui empêchent d’exploiter le vaste potentiel que représentent les forêts. Les premiers problèmes techniques et opérationnels ont porté sur la permanence et les fuites. On s’est aussi interrogé sur le bien-fondé d’une approche considérant les forêts comme un simple puits de carbone au détriment de son importance multidimensionnelle pour les moyens d’existence et les aspects sociaux, culturels et de la biodiversité.

En mars 2007, à Cairns, en Australie, un atelier a été consacré à la réduction des émissions résultant de la déforestation dans les pays en développement. Il y aurait beaucoup à gagner si au lieu de se concentrer uniquement sur les forêts en tant que réservoirs de carbone, la CCNUCC élargissait son horizon en prenant en compte les aspects sociétaux, environnementaux et de développement. La prochaine mesure importante consisterait à avoir le courage et la vision de créer des liens institutionnels avec d’autres processus internationaux liés aux forêts.

En plus des initiatives importantes prises au sein du cadre de la CCNUCC, la septième session de la FNUF a adopté en avril 2007 un instrument non juridiquement contraignant sur tous les types de forêts. Un programme de travail a également été adopté pour la période 2007-2015. Les résultats de cette série de négociations internationales sont considérés, à juste titre, par les États Membres comme une étape décisive, reconnaissant le lien important entre les forêts et le changement climatique dans le contexte de l’élaboration de leurs politiques.

Après l’adoption des Principes relatifs aux forêts lors la Conférence de l’ONU sur l’environnement et le développement en 1992, la communauté internationale a démontré son leadership en ajoutant un nouveau chapitre sur la politique du secteur forestier mondial qui soutient les actions sur le terrain. Pour le FNUF, le lien entre les forêts et le changement climatique est non seulement pertinent mais relève aussi d’une approche plus holistique.
Il est important de comprendre que le FNUF a été établi en tant qu’organe intergouvernemental central pour promouvoir la gestion durable des forêts. Sa décision d’examiner les liens entre les forêts et le changement climatique porte en soi la promesse d’une politique plus équilibrée et plus complète qui va au-delà de l’idée de forêts comme puits de carbone seulement. Le FNUF examinera les effets du changement climatique sur les forêts lors de sa prochaine session en 2009.

Le Forum des Nations Unies sur les forêts a été créé en 2000 par le Conseil économique et social pour promouvoir la gestion durable des forêts et renforcer l’engagement politique. La meilleure compréhension de la gestion durable des forêts, notamment des liens entre le changement climatique et le développement, devrait aider à traduire cet engagement en actions concrètes. Alors qu’un grand nombre d’institutions, d’instruments et d’organisations internationaux traitent différents aspects de la gestion des forêts, seul le FNUF a le mandat et la capacité d’en traiter tous les aspects de manière intégrée.

Lorsqu’on traite du changement climatique et des forêts, certaines questions demandent une attention immédiate et à moyen terme afin de renforcer le rôle des forêts dans l’atténuation du changement climatique, d’adapter la gestion des forêts aux conditions du changement climatique et de protéger les bénéfices et les intérêts des parties prenantes. Le développement durable et la conservation de la diversité biologique des forêts, de l’habitat des espèces sauvages et de l’environnement en général doivent être pris en compte dans l’atténuation du changement climatique.

  • Travailler en synergie et en collaboration. La CCNUCC et le FNUF devraient collaborer sur les questions du changement climatique lié aux forêts, car ils ne peuvent, à eux seuls, atteindre leurs objectifs. Le Partenariat de collaboration sur les forêts (CPF), créé pour soutenir les travaux du FNUF permet d’établir une telle collaboration. Les secrétariats de la CCNUCC et du FNUF devraient s’associer aux 12 autres organisations internationales et institutions qui s’occupent de la gestion des forêts, afin d’établir des relations qui vont au-delà des compétences et des responsabilités qui leur sont assignées.

  • Renforcer la cohérence au sein du système de l’ONU. Les États Membres qui font partie des organes directeurs qui prennent des décisions sur les politiques internationales concernant les forêts et le changement climatique devraient informer les organismes pertinents. Une fois de plus, le manque de coordination interne au niveau national donne lieu à des signaux politiques incohérents, et parfois même conflictuels. Des décisions fermes et prospectives ne pourront être prises que si les États Membres parlent d’une même voix.

  • Avoir une vue d’ensemble. Pour gérer efficacement les forêts afin d’atténuer le changement climatique, il faut prendre en compte le développement durable, l’éradication de la pauvreté, les droits des autochtones et des communautés locales concernant les ressources forestières, la conservation de la biodiversité et d’autres éléments environnementaux, comme l’air et l’eau.

  • Prévenir le déboisement. Il faut mettre fin aux incitations au déboisement et offrir des incitations économiques pour prévenir cette pratique et créer des projets de boisement et de reboisement.

  • Évaluation du carbone. Les questions méthodologiques liées à l’évaluation du carbone, notamment le développement de critères et d’indicateurs, et les problèmes inhérents d’additionnalité, des fuites de carbone et de stockage permanent.

  • Renforcer les instruments juridiques. En réponse aux questions mentionnées ci-dessus, il faudrait tirer parti de l’instrument juridiquement non contraignant sur tous les types de forêts qui vient d’être adopté et du programme de travail du FNUF afin de développer et de mettre en œuvre une politique commune fondée sur la question des forêts, en mettant l’accent sur l’action sur le terrain.

Une gestion efficace des forêts peut offrir des solutions pratiques et abordables au problème du changement climatique. Cependant, pour parvenir à une solution complète, il faut examiner de près un certain nombre de questions méthodologiques, techniques et institutionnelles, notamment les questions économiques et des droits fonciers. Les membres du Partenariat de collaboration sur les forêts ont contribué de manière significative à répondre à ce défi collectif. De même, les médias et le grand public devraient contribuer à créer un climat propice à la compréhension du rôle des forêts dans le changement climatique, et des contraintes auxquelles elles sont confrontées, ainsi que d’autres défis sociétaux.
Alors que les forêts montrent un potentiel sociétal et environnemental important, il est impératif  que les principaux acteurs, notamment les gouvernements, les entreprises et le secteur industriel, renforcent les moyens de mise en œuvre, y compris les ressources financières, les capacités et le transfert des technologies. Pour trouver une solution efficace au taux alarmant du déboisement et de la dégradation des forêts, ainsi que pour atténuer le changement climatique, l’ensemble de la communauté internationale doit unir ses efforts et partager son savoir et ses ressources financières. Montrer du doigt les coupables, rejeter la faute sur les autres ou attendre que quelqu’un d’autre se charge du problème ne résoudra rien. La septième session du FNUF a été une étape décisive dans la mobilisation de nouvelles ressources financières pour la gestion durable des forêts. Nous devons tous mettre la main à la pâte et renouveler notre engagement. Je suis sûr que l’ingénuité humaine, l’innovation et le souci du bien-être des générations futures nous motiveront à résoudre les causes anthropiques du changement climatique.

Biographie

Hans Hoogeveen est directeur du Département des affaires internationales au Ministère de l’agriculture, de la nature et de la qualité de l’alimentation aux Pays-Bas. Il a été président de la septième session du Forum de l’ONU sur les forêts et président de la Sixième conférence des parties de la Convention sur la diversité biologique. Il a participé à de nombreuses négociations internationales ainsi qu’à de nombreux sommets mondiaux, notamment le Sommet mondial pour le développement durable, le Forum mondial de l’eau et le Sommet mondial de l’alimentation.

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