Chronique ONU

Les « arrangements intérimaires » relatifs à la réforme du Conseil de sécurité

Par Ghislain Ondias Okouma

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L'article

La réforme, et plus précisément l'élargissement, du Conseil de sécurité est une question en débat aux Nations Unies depuis un certain nombre d’années.  Les questions de la représentation équitable au Conseil de sécurité et l’élargissement de la composition de cet organe, sont inscrites à l’ordre du jour des travaux de l’Assemblée générale, depuis 1979, comme l’a rappelé le représentant du Soudan lors des discussions de cette 62ème session de l’Assemblée générale.  C’est au cours de la quarante-huitième session de ladite Assemblée générale qu’a été adoptée, pour la première fois, la décision de constituer un groupe de travail à composition non limitée chargé d’examiner tous les aspects de la question de l’augmentation du nombre des membres du Conseil de sécurité, ainsi que d’autres questions ayant trait au Conseil.
La premiere session du Conseil de securité des Nations Unies/ 17 Janvier 1946
Photo ONU Marcel Bolomey

Cette année la question figure, en bonne place, dans le débat.  Et, au delà de l'amélioration de la transparence du fonctionnement et des travaux du Conseil, il s'agit d'adapter le Conseil de sécurité à la métamorphose des  politiques et des doctrines de prévention des crises ; à une gestion de crises de plus en plus complexes ; aux besoins de la construction et de la reconstruction après-conflit et de la consolidation de la paix ; à une certaine capacité à agir rapidement face aux nouvelles menaces qui sont apparues sur la scène internationale, telles la montée du terrorisme ou la prolifération nucléaire.

A ce jour, pratiquement tous les Etats Membres des Nations Unies sont tombés d'accord sur le principe de l'augmentation du nombre d’États qui composent le Conseil.  Mais ils sont profondément divisés sur la manière de procéder à cette augmentation, sur le nombre de membres supplémentaires, et sur leurs prérogatives, notamment le droit de veto et son usage.  A la 47ème séance plénière de la présente Assemblée générale, M. Srgjan Kerim, de l’ex-République yougoslave de Macédoine, qui en assume la présidence a, une fois encore, reconnu la nécessité et la complexité du processus de réforme du Conseil de sécurité, comme l’ont d’ailleurs affirmé les dirigeants du monde réunis en 2005 lors du Sommet mondial.   M. Kerim a appuyé l’avis selon lequel le Conseil de sécurité devait être plus représentatif, plus efficace, et plus transparent, pour renforcer la légitimité de ses décisions.  Plusieurs hypothèses et suggestions ont été émises à cet effet.


Les positions et propositions de réformes demeurent clairement affichées.

 Le Groupe des quatre (G-4) –composé de l’Allemagne, du Brésil, de l’Inde et du Japon-, maintient sa volonté de voir un Conseil composé de 25 membres, grâce à la création de six nouveaux sièges permanents ne bénéficiant pas du droit de veto pendant 15 ans au moins, et de quatre nouveaux sièges non permanents.  Le groupe « Unis pour le consensus » prône un Conseil composé des cinq membres permanents actuels et de 20 membres non permanents, élus pour un mandat de deux ans sur la base d’une rotation sous-régionale équitable.   Le Groupe des États d’Afrique souhaite quant à lui une configuration numérique de 26 membres, avec cependant deux sièges permanents attribués à l’Afrique "avec tous les privilèges et prérogatives des membres permanents y compris le droit de veto", ainsi que 5 sièges non-permanents (Afrique, Asie, Amérique latine et Europe orientale).  Le Groupe des États d’Afrique souhaite aussi élire lui-même les  deux membres représentant l’Afrique au Conseil de Sécurité. Cette position a été consacrée dans le ‘’Consensus d’Ezulwini’’, à la Déclaration de Syrte, et réaffirmée lors de divers sommets africains.

Ces différents groupes avaient déjà présenté leurs projets de résolution respectifs concernant la réforme du Conseil en juillet 2005.  Mais, toutes ces trois propositions faites sur l’élargissement de la composition du Conseil n’ont jamais abouti.  Pour sortir la question de l’impasse, cinq Facilitateurs ont été nommés en février 2007 par la Présidente de la 61ème session de l’Assemblée générale,  Sheikha Haya Rashed Al Khalifa, de Bahreïn.  Puis il a été demandé aux représentants permanents du Chili et du Liechtenstein de présenter un rapport s’appuyant sur les conclusions des Facilitateurs.

Le contenu des arrangements intérimaires 

Les positions adoptées jusqu’à présent ont fait apparaître des divergences d’opinion marquées sur plusieurs questions comme l’ampleur de l’élargissement du Conseil, le droit de veto, et la question de savoir s’il faut créer de nouveaux sièges permanents.  Aussi, comme indiqué dans le dernier rapport des Facilitateurs, présenté devant l’assemblée le 12 Novembre dernier, la proposition tendant à ménager une phase transitoire vise à concilier les positions divergentes autant que faire se peut et constitue donc, par définition, un compromis.  Suivant les propositions des Facilitateurs, ces arrangements intérimaires qui, doivent recueillir l’accord le plus large possible, porteraient sur l’ampleur de l’élargissement de la composition du Conseil de sécurité, les modalités d’élection de ses membres, et sur l’exercice du droit de veto ainsi que sur les méthodes de travail.  Elles introduisent de nombreuses alternatives permettant à chaque partie ayant un intérêt particulier dans les réformes d’envisager le modèle qui convient le mieux à ses objectifs et de matérialiser ses aspirations dans le processus d’élargissement. 

Ce document qui a été amplement examiné et discuté, comme le premier remis en juin 2007 à la Présidente de l’Assemblée Générale, mise sur une « approche intermédiaire », c’est-à-dire un arrangement provisoire qui s’efforcera de trouver un compromis entre les différentes positions existantes, en prévoyant une clause d’examen obligatoire.  Cette clause d’examen doit ouvrir la voie à de nouvelles mesures de réforme à l’avenir.  Dans cette phase transitoire, la priorité est donnée à cette clause d’examen, dont l’application devrait être obligatoire et avoir lieu après un certain nombre d’années à compter.  De plus, pour ses initiateurs, la clause occupera un rôle central lié aux autres aspects de la réforme du Conseil de sécurité, en particulier les aspects sur lesquels les États Membres ne parviendraient pas à s’entendre lors des négociations, comme la question de la création de sièges permanents, indissociable de la question du veto, la création de nouveaux sièges non permanents conformément au paragraphe 2 de l’Article 23 de la Charte des Nations Unies, et la poursuite de l’examen des dispositions concernant les votes autres qu’affirmatifs des membres permanents du Conseil de sécurité, conformément au paragraphe 3 de l’Article 27 de la Charte. L’examen devrait aussi prévoir une réévaluation complète du Conseil de sécurité, notamment sur les plans de la composition et des méthodes de travail.

On rappellera qu’avant cette nouvelle configuration et architecture transitoires,  deux modèles de refonte avaient déjà été proposés par le groupe de personnalités de haut niveau chargé par Kofi Annan de réfléchir sur  les menaces, les défis et le changement, le 2 décembre 2004.  Les deux fixaient un nouveau conseil à 24 membres.  Dans le premier cas, 6 nouveaux sièges permanents (sans droit de veto) et 3 sièges non permanents (nommés pour une durée de 2 ans) étaient créés.  Le second prévoyait 8 nouveaux sièges non permanents (4 ans, renouvelable), et 1 siège non permanent, nommé pour deux ans sans possibilité de renouvellement.

Entre  craintes et satisfaction chez les Etats Membres

Au sein des Etats, et comme on l’a constaté au cours des discussions de l’Assemblée générale, l’approche « intermédiaire et transitionnelle » ne fait pas l’objet de consensus.  Les avis demeurent fort partagés, entre les Etats  non partisans et partisans de cette introduction ‘’d’arrangements intérimaires’’.  La première catégorie, souligne le risque de voir ‘’tout simplement reporter pendant des décennies la réforme globale du Conseil’’.  Pour eux, ces mesures auraient l’avantage de mettre fin à des discussions répétitives et improductives, qui seraient assortis d’une clause d’examen obligatoire.  Le 13 novembre 2007, Djibouti, Maurice et la Jamaïque ont quelque peu fragilisé le consensus qui semble prévaloir autour de la nécessité de négocier des « arrangements intérimaires » pour sortir de l’impasse les discussions liées à l’augmentation du nombre des membres du Conseil de sécurité.  Pour le représentant de Maurice, discutant à la 49e séance plénière, cette approche intermédiaire contiendrait, en elle, les germes de la perpétuation de l’injustice historique faite à l’Afrique, seul continent à n’occuper aucun siège permanent au Conseil.  Autre voix discordante, celle de Cuba.  Le représentant permanent de Cuba auprès des Nations Unies, Rodrigo Malmierca Diaz a souligné que son pays s’opposait à la tendance à assimiler la réforme de l’ONU à un renforcement des pouvoirs du Conseil de sécurité.  Il a appelé au plein respect des fonctions et pouvoirs des principaux organes, en particulier de l’Assemblée générale, et au maintien de l’équilibre entre ces organes.

Conseil de securité des Nations Unies aujourd'hui
Photo ONU Devra Berkowitz

Du côté des partisans de cette solution « intermédiaire et transitionnelle », figure notamment l’Islande. Au cours de cette séance suscité du 13 novembre, M. Hjalmar W. Hannesson, représentant de ce pays, aux Nations Unies a tenu, tout en rappelant l’appartenance de son pays au groupe soutenant le G-4, à voir les Etats Membres réfléchir davantage aux idées avancées par les Facilitateurs. Autre soutien, celui de la France. Pour M. Jean-Pierre Lacroix, son représentant aux discussions du 13 novembre, le Gouvernement français est aussi ouvert à une solution transitoire qui, sans préjuger du résultat ultime, permettrait à la communauté internationale d’avancer.   
Le temps est donc venu d’entamer des négociations dans un esprit d’ouverture, d’exigence, de souplesse et avec une ferme volonté d’aboutir.
 
 
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