Chronique ONU

LA PRISON N'EST PAS POUR LES ENFANTS
LES ENFANTS EN CONFLIT AVEC LA LOI :
CE QUI EST FAIT MAIS RAREMENT DIT

Par Francesca Musiani

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L'article

Plus d'un million d'enfants dans le monde vivent en détention parce qu'ils sont en conflit avec la loi, sans pouvoir accéder à un soutien judiciaire ou à une représentation juridique et ce, malgré l'existence de nombreux traités et conventions, comme la Convention relative aux droits de l'enfant qui stipule que nul enfant ne sera privé de liberté " de façon illégale ou arbitraire ".

PHOTO HCR/J. STEJSKAL
Souvent, les histoires de ces enfants ne sont pas dévoilées, elles dérangent, sont oubliées - ou parfois même on ne connaît pas leur existence. Pour Defence for Children International (DCI), une organisation non gouvernementale indépendante œuvrant à promouvoir et à protéger les droits des enfants, ces situations sont " effrayantes, inacceptables, irresponsables, dégradantes et même inhumaines ". La situation des enfants en prison a été évoquée pour la première fois en 1989 lorsque la Convention relative aux droits de l'enfant a été adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies. Pourtant, cette question souvent négligée fait rarement la une des médias.

Ces dernières années, le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), Human Rights Watch (HWR) et d'autres organisations pertinentes ont travaillé pour dévoiler la réalité et pour que les droits des enfants en conflit avec la loi ou ceux emprisonnés sans cause suffisante deviennent une priorité. Elles ont mis l'accent sur l'existence de normes internationales et déclaré qu'une action énergique était nécessaire pour appliquer ces normes avec succès dans les systèmes juridiques et judiciaires nationaux.

La Convention relative aux droits de l'enfant de 1989 et les Ensembles de règles pour la protection des enfants privés de liberté fournissent un cadre pour les droits de l'enfant vis-à-vis de la loi. La Convention stipule que l'emprisonnement d'un enfant ne doit être qu'" une mesure de dernier ressort, et être d'une durée aussi brève que possible ", tandis que l'enfant privé de liberté " devra être traité avec humanité et avec le respect dû à la dignité de la personne humaine, et d'une manière tenant compte des besoins des personnes de son âge ". Le droit d'accès à l'assistance juridique ou à toute assistance appropriée, ainsi que le droit de contester la légalité de l'emprisonnement devant un tribunal ou toute autre autorité compétente, ont été également soulignés. Or, malgré ces déclarations, les normes établies par la Convention ne sont toujours pas respectées.

Les gouvernements et les systèmes judiciaires, soutenus par les organisations des droits de l'enfant, devraient centrer leurs efforts sur deux priorités : la situation actuelle des enfants en prison - réduire le plus possible le nombre d'enfants incarcérés; et la prévention - améliorer les conditions et les circonstances qui conduisent les enfants en prison. Selon des études et des rapports, la plus grande majorité des enfants qui sont envoyés en prison viennent de milieux défavorisés, de communautés et de familles pauvres et sont issus de minorités. Il est donc important de s'attaquer aux causes du problème. " Il vaut mieux assécher le marécage que tuer les alligators ", souligne DCI dans son rapport de 2003 intitulé Les enfants derrière les barreaux.

L'UNICEF appuie et conseille des pays, comme la Moldavie, Panama et le Monténégro, afin de réduire le nombre d'incarcérations d'enfants, et œuvre pour protéger les enfants contre les sévices et l'exploitation qui conduisent très souvent à la violence. Le Children's Chance for Change Project - une initiative visant à réformer la justice pour mineurs, parrainée par l'UNICEF, le gouvernement de Serbie et l'Agence internationale de développement suédoise - a déclaré que " les enfants ne sont pas en conflit avec la loi par choix mais à cause du manque d'opportunités pour leur développement, opportunités qui sont encore plus limitées une fois qu'ils sont entrés dans le système pénal ". Il est fort probable que les séjours en prison aggravent la situation, et qu'il serait plus judicieux de les aider à s'intégrer dans la société. C'est pourquoi l'accent est mis sur la recherche de solutions autres que la détention, qui apparaissent plus utiles que les mesures de répression. On peut par exemple éviter que l'enfant soit pris dans l'engrenage du système judiciaire lorsqu'il s'agit dun délit mineur, et engager les victimes, les familles et la communauté à promouvoir la réconciliation, la restitution et la responsabilité. L'appui psychologique, le sursis probatoire et les services communautaires peuvent être également substitués aux peines privatives de liberté.

La question des enfants en conflit avec la loi est primordiale pour HWR qui, comme l'UNICEF, a enquêté pendant des années sur la situation des enfants incarcérés dans certains pays critiques. Dans son dernier rapport intitulé Making Their Own Rules: Police Beating, Rape and Torture of Children in Papua New Guinea, HRW a examiné les nombreux sévices commis par des responsables de la loi sur des enfants incarcérés en Papouasie-Nouvelle-Guinée. L'organisation met l'accent sur la nécessité de séparer les enfants des adultes dans les prisons, sur le droit de correspondre régulièrement avec leur famille et d'avoir une représentantion légale ainsi que sur la question de la peine de mort pour des délinquants mineurs. " Seuls six pays dans le monde - Arabie saoudite, États-Unis, Iran, Nigeria, Pakistan et Yémen - sont connus pour avoir exécuté des délinquants mineurs " dans les années 1990, en violation des normes juridiques internationales, rapporte HRW. " Les États-Unis ont exécuté neuf détenus mineurs au cours des dix dernières années, plus que tout autre pays dans le monde. "

Durant ses trente années d'existence, DCI s'est fait le champion de la justice pour mineurs et a redoublé d'efforts au cours de ces dernières années. Pour soutenir sa campagne " Pas d'enfants derrière les barreaux ", DCI a publié quatre rapports qui comprenentt une vue d'ensemble de la situation des enfants incarcérés, des analyses des lois internationales et nationales s'appliquant spécifiquement aux enfants, des scénarios dans des pays spécifiques et qui établissent des recommandations à la communauté internationale et aux gouvernements pour améliorer l'équité du système juridique et les mesures de prévention.
L'année 2005 a été une période particulièrement dynamique pour DCI et sa campagne. À l'occasion du Onzième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale, qui s'est tenu à Bangkok, en Thaïlande du 18 au 25 avril 2005, DCI a réussi à inclure un paragraphe spécifique dans la Déclaration finale de Bangkok : " Nous affirmons notre détermination à accorder une plus grande attention à la justice pour mineurs. Nous nous emploierons à mettre en place les moyens de fournir des services aux enfants qui sont victimes de crimes et aux enfants en conflit avec la loi, en particulier ceux qui sont privés de leur liberté, et d'assurer que ces services prennent en compte le sexe, le milieu social et le degré de développement ainsi que les règles et les normes des Nations Unies, si nécessaire. "

" La place des enfants n'est pas en prison. Les enfants devraient aller à l'école. Ils devraient jouer et s'amuser ", affirme DCI dans son rapport de 2005. Leur place n'est pas derrière des barreaux. Ils devraient être avec leur famille. C'est le message que les organisations qui luttent contre la violation des droits des enfants en conflit avec la loi veulent transmettre, et il mérite l'attention qui fait si souvent défaut.

 
 
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