Chronique ONU

LA SOIXANTE ET UNIÈME ASSEMBLÉE GÉNÉRALE
SURMONTER LES DÉSACCORDS SUR LE
DÉVELOPPEMENT ET AU-DELÀ

Par Melissa Gorelick

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L'article

En automne 2006, l'Assemblée générale des Nations Unies a fait la une de l'actualité alors qu'elle abordait des dossiers chauds comme l'organisation des puissances mondiales et la réforme du Conseil de sécurité. Le débat général, un élément essentiel de la session annuelle de l'Assemblée, permet aux États Membres d'exprimer leurs opinions et leurs préoccupations sur les questions mondiales. Durant la soixante et unième session, ils ont mis l'accent sur le thème " La mise en œuvre d'un partenariat pour le développement ", de nombreux représentants considérant que le déséquilibre politique était un obstacle au développement dans le monde. Toutefois, ils ont réussi à surmonter les divisions idéologiques pour remplir leur tâche plus importante : évaluer les actions de l'ONU au cours des années passées et fixer les objectifs de l'année à venir.

PHOTO ONU/ESKINDER DEBEBE

Durant le débat, de nombreux délégués ont exprimé leurs inquiétudes vis-à-vis de l'influence de certaines grandes puissances au sein et en dehors des Nations Unies. Dans son discours d'ouverture à l'Assemblée générale (voir page 9), le Secrétaire général Kofi Annan a dit que l'alliance démocratique mondiale était essentielle pour continuer de lutter contre ce qu'il a appelé " les trois grands défis " pendant son mandat de dix ans à la tête de l'Organisation : le désordre mondial, y compris le terrorisme et ses causes; les violations des droits de l'homme et l'" injustice de l'économie mondiale ". Tout en se montrant confiant dans la force des Nations Unies, il a reconnu l'existence de problèmes politiques. " Ce qui compte c'est que les forts, comme les faibles, acceptent d'être liés par les règles communes, de se traiter les uns les autres avec respect ", a-t-il affirmé.

Dans son discours, le Président américain George W. Bush a visé les pays du Moyen-Orient, comme le Liban, l'Irak et l'Iran, ainsi que le Darfour, expliquant le sens de la liberté et de la démocratie dans ces régions. " Je veux parler d'un monde d'espoir qui est à notre portée, un monde sans terrorisme où les hommes et les femmes sont libres de choisir leur propre destin, où les voix de la modération sont renforcées et où les extrémistes sont marginalisés. Ce monde peut être le nôtre si nous voulons l'édifier ensemble ", a-t-il assuré. Mais les images de partenariat qu'il a évoquées ont été vivement réfutées par d'autres délégués, qui ont souligné que les États-Unis étaient parmi les puissances mondiales qui agissaient unilatéralement sur de nombreux fronts internationaux.

Malgré ces tensions sous-jacentes, les représentants ont réussi à rester focalisés sur le thème du débat. " Nous continuerons à faire du développement l'objectif central de l'armature globale des Nations Unies, le développement durable dans ses aspects économique, social et écologique devant en constituer les éléments clefs ", a déclaré la Présidente de l'Assemblée générale Sheilka Haya Rashed al Khalifa dans son discours d'ouverture. Sur les 192 États membres de l'ONU, 191 sont intervenus pendant le débat, nombreux réaffirmant leurs engagements vis-à-vis des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) et de ceux qui figurent dans le Document final du Sommet mondial 2005, qui avaient été fixés antérieurement et assortis d'engagements supplémentaires envers le développement international.

" Les pères fondateurs des Nations Unies ont voulu créer une organisation internationale dont la force première serait d'agir collectivement et dans un esprit de coopération pour résoudre les problèmes internationaux ", a souligné la Ministre nigériane des Affaires étrangères U. Joy Ogwu, dans son discours à l'Assemblée générale. Le thème du débat reflète parfaitement une telle aspiration et réaffirme l'un des objectifs des OMD, a-t-elle ajouté. Anthony Hylton (Jamaïque) s'est fait l'écho de nombreux États qui se sont dit satisfaits du thème jugé à la fois opportun et saisissant. Les Nations Unies, " tout en reconnaissant que le développement, la paix, la sécurité et les droits de l'homme sont liés entre eux et se renforcent mutuellement, ont réaffirmé que le développement est un objectif central en soi ", a-t-il indiqué. De nombreux pays ont salué la création, par l'Assemblée générale en décembre 2005, de la Commission de consolidation de l'ONU visant à aider à la résolution des conflits et à la reconstruction après les conflits, ainsi que du Conseil des droits de l'homme en mars 2006 visant à défendre spécifiquement les droits de l'homme dans le cadre des Nations Unies. Les représentants ont estimé que ces deux organes de l'ONU seront particulièrement essentiels pour s'attaquer aux obstacles majeurs au développement, en particulier la guerre et les atteintes aux droits de l'homme.

" Nous continuerons à faire du développement l'objectif central de l'armature globale des
Nations Unies, le développement durable dans ses aspects économiques, sociaux et écologiques devant en constituer les éléments clefs. "

La présidente de l'Assemblée générale
Sheikha Haya al Khalifa


De nombreux délégués ont fait remarquer que sans un partenariat mondial fort, peu de progrès seront accomplis en matière de développement. " Nous ne pourrons atteindre les OMD et réduire l'extrême pauvreté qui mine la vie de milliards de personnes dans le monde que si nous réunissons nos ressources et nos efforts pour le bien commun de l'humanité ", a déclaré la Présidente de la Lettonie Vaira Vike-Freiberga. Le Thaïlandais Khunying Laxanachantorn Laohaphana a renchéri : " Un partenariat mondial pour le développement doit assurer des avantages pour les riches comme pour les pauvres. Nous devons veiller à ce que le développement ne nuise pas aux intérêts nationaux. "

Des représentants ont critiqué la politique tarifaire et les restrictions commerciales, estimant qu'elles favorisaient les pays industrialisés. Nombre de délégués concernés ont mené une politique commerciale inéquitable dans la structure inégale du pouvoir qui hante aujourd'hui la communauté internationale. Le Ministre des affaires étrangères et du commerce international du Belize Eamon Courtenay a critiqué les récentes négociations commerciales, en particulier l'échec du Cycle de Doha en juillet 2006 qui, a-t-il indiqué, ne sont pas parvenu à assurer un meilleur accès des pays au revenu bas au marché. " Nous estimons qu'un système qui promet le développement et offre des prix bas à l'exportation n'est pas fiable. Nous estimons qu'un système qui promet un agenda pour le développement mais qui se conclut par un blocage des négociations, et qui offre aux petites économies vulnérables un accès réduit au marché est fondamentalement injuste. […] Sur les 6 milliards d'habitants de la planète, un milliard détiennent plus de 87 % du revenu mondial et 5 milliards moins de 20 %. Notre tâche commune est de corriger ce déséquilibre.

Ce n'est pas la première fois que les disparités entre les pays riches et les pays pauvres sont débattues à l'Assemblée générale. En 2003, lors de la cinquante-neuvième session de haut niveau, le Secrétaire général avait dit aux représentants que lorsque les États Membres " agissent unilatéralement ou dans le cadre de coalitions ad hoc ", ils lancent un défi fondamental aux " principes sur lesquels, même si cela ne l'est que d'une manière imparfaite, la paix et la stabilité mondiales ont été fondées " depuis la création des les Nations Unies. Mais alors que les partisans de l'ONU continuent de souligner que l'action démocratique est essentielle pour résoudre les problèmes mondiaux, les infractions commises par les États puissants semblent avoir suscité un regain d'enthousiasme parmi les peuples opprimés dans le monde entier.

Cela a été particulièrement évident dans les commentaires des États Membres sur la structure du Conseil de sécurité. " Un grand nombre d'États Membres sont d'avis que le Conseil de sécurité ne reflète plus le nouvel environnement international qui a émergé depuis sa création ", a dit à l'Assemblée générale le Ministre indien de la Défense Pranab Mukherjee. D'autres États comme l'Iran se sont dit sceptiques sur le droit de veto du Conseil limité à certaines situations. L'Assemblée générale a élu l'Afrique du Sud, la Belgique, l'Indonésie, l'Italie et le Panama pour un mandat de deux ans à compter de janvier 2007 pour remplacer cinq membres non permanents sortants. Toutefois, les États Membres qui ont demandé de devenir États Membres permanents sont une fois de plus rentrés chez eux les mains vides.

Malgré sa médiatisation et les divisions idéologiques importantes, le débat général de la soixante et unième session a traité les questions actuelles les plus importantes : la guerre, les violations des droits de l'homme, les déséquilibres économiques et les défis du développement. Comme l'a fait remarquer le Secrétaire général dans son discours de clôture, l'objectif des Nations Unies est, en fait, de surmonter ces divisions dans l'espoir de renforcer la paix. " Ce qui compte, c'est que tous aillent les uns vers les autres, non pour s'affronter mais pour s'atteler ensemble à la tâche : celle de bâtir ensemble un avenir commun ", a-t-il dit. " Il faut que chacun de nous partage la souffrance de tous ceux qui souffrent, et la joie de tous ceux qui espèrent, où que ce soit dans le monde. "

 
 
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