Chronique ONU

Conversation avec …
Ranan Lurie … à propos de … Uniting Painting

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L'article
UN Chronicle Photo/ Horst Rutsch
Ranan Lurie a plus d'une corde à son arc. Dessinateur politique le plus publié dans le monde, il a été sélectionné pour le prix Nobel de la paix (par la République de Chypre) et est également inventeur, peintre, écrivain et journaliste. Chaque jour, ses dessins politiques sont appréciés par plus de 100 millions de lecteurs dans le monde. Il encourage également la pratique de cet art en parainant chaque année le prix de l'Association des journalistes accrédités auprès de l'ONU/Ranan Lurie de la caricature politique.

Uniting Painting est une œuvre sur laquelle Ranan Lurie travaille depuis 40 ans. Il l'a commencée chez lui, en 1968, loin des conventions de l'art traditionnel. Les lignes ondulantes colorées représentées sur la toile sont similaires à l'eau qui coule. La peinture s'adapte aux divers matériaux qu'elle rencontre, tels que les tuiles, le béton et les grilles et traverse même l'eau. Uniting Painting a été dévoilée en novembre 2005, au siège des Nations Unies à New York. Le motif débute à l'intérieur du bâtiment principal de 23 mètres de haut, descend le long d'un mur serpente sur des marches et poursuit sa route vers Roosevelt Island. Cette œuvre sera bientôt exposée dans des villes comme Athènes, Jerusalem et Londres, reliant les populations de cultures, d'éthnies et de langages différents. Elle ira même jusqu'au territoire de la zone démilitarisée qui continue de séparer politiquement et psychologiquement les Corée du Nord et du Sud. Pour expliquer l'essence et la nature de son œuvre, M. Lurie a déclaré : " Uniting Painting reliera le monde par l'art et la bonne volonté. "

Amy Pont (à droite), Pureterrah Witcher (à gauche) et Horst Rutsch de la Chronique ONU se sont entretenus le 7 juin 2006 avec M. Lurie (sur la photo).


Sur l'inspiration qui a donné naissance à Uniting Painting

Quand j'ai commencé, je n'avais pas fait une réflexion poussée. Je voulais simplement garder l'œuvre originale chez moi, mais une fois terminée, j'ai eu un sentiment étrange. J'ai senti que cela n'était pas fini, que le motif allait dans une autre direction. J'ai donc décidé de continuer sur une autre toile, puis une autre, et encore une autre. J'étais mené par elle comme par un chien tirant sur sa laisse. Quand elle a insisté pour sortir de la maison, j'ai commencé à comprendre le caractère de ma nouvelle création : la continuité. Je me suis dit que ce serait formidable de faire passer ce même message chez mes voisins, de le poursuivre ensuite jusqu'au musée local, puis au lycée, à la municipalité et enfin, bien sûr, jusqu'à la ville voisine.

Sur l'évolution de la dimension sociale de la peinture

Je suis toujours étonné par la force du sentiment dont j'étais animé tout au long du projet. Cela s'est traduit dans une peinture qui ne cessait d'évoluer. J'ai vu comment elle reliait physiquement ma maison et celle de mon voisin - qui l'aimait beaucoup et qui lui a ouvert ses portes. De là, elle a poursuivi sa route chez un autre voisin. C'était une très belle aventure.

Je n'avais pas l'intention de créer une rivière, mais je voulais faire quelque chose de continu. Je pense que c'est mon inconscient qui a décidé de lui faire prendre cette forme. On m'a demandé plus d'une fois si c'était une rivière. Et j'ai répondu : " non, vous ne comprenez pas". Ensuite, j'ai fait un compromis en répondant " c'est comme une rivière ".

Uniting Painting vise à relier le monde par l'art et la bonne volonté.PHOTO REPRODUITE AVEC L'AUTORISATION DE LURIE STUDIOS

Mais il fallait l'adapter pour qu'elle aille vers l'inifini. Si l'exploration était au cœur de l'aventure, il fallait apprendre à s'adapter aux nouveaux environnements qu'elle allait rencontrer. S'adapter aux éléments physiques et devenir l'un d'eux si elle voulait survivre durant son exploration. L'adaptation est devenue la dynamique centrale. La peinture se distinguera comme une roche parmi des roches, un taillis parmi un massif d'arbustes, un pavé dans une allée, tout en conservant son motif continu tout au long en utilisant comme support tous ces matériaux ou seulement quelques-uns. Mon œuvre ne pouvait être cantonnée seulement au mur. Elle voulait vivre en traçant son chemin et cela ne pouvait se faire qu'en s'adaptant aux différents environnements. D'une certaine façon, elle a été conçue pour pouvoir continuer sa course. Sa capacité à s'adapter aux nouveaux horizons qu'elle rencontrait était fondamentale.

" Personne n'est une île ", et la même chose s'applique à une œuvre d'art où les couleurs, les lignes et le message doivent apparaître malgré les températures différentes, les conditions météorologiques adverses, tout en maintenant le motif. Une fois que j'ai découvert ce principe de base, la protection par l'adaptation, je savais que je pouvais voir grand - relier une maison à la ville, ensuite au pays, puis aux continents. J'ai choisi le siège de l'ONU comme capitale de tous les continents. C'est là où, pendant trois ans, j'ai préparé et créé mon œuvre. Puis, j'ai reproduit le motif jusqu'aux rives de Roosevelt Island en passant par l'East River. Actuellement, je prépare une nouveau projet pour la ville de New York. Je pensais prolonger la peinture de Roosevelt Island jusqu'à Governor's Island, puis continuer dans d'autres directions tout en poursuivant mon objectif de relier les pays du monde, jusqu'à ce qu'elle termine son voyage et retourne à l'ONU par l'autre porte.

Sur l'importance que revêt cette œuvre

Étant caricaturiste politique, je sentais que cette œuvre avait des objectifs mondiaux. Elle relie des personnes différentes, des pays différents et des langues différentes. C'est justement parce qu'elle est " sans ambition " qu'elle a un impact important. Il n'y a aucun motif ultérieur, aucun objectif économique ou politique. C'est de l'art pur et simple. L'œuvre elle-même ne véhicule aucun message spécifique. Elle n'est ni pour l'Irlande du Nord, ni pour Dublin. Ni pour le Pakistan, ni contre l'Inde, elle n'est ni pour la Corée du Nord, ni pour la Corée du Sud. Dans les régions qui connaissent des conflits, elle est un rappel que la connexion entre les peuples est encore possible. À mon avis, elle peut être vue comme de la " colle forte ".

Le symbolisme est important. J'ai choisi l'Angleterre comme site majeur parce que ce pays est situé au carrefour d'océans qui relient d'autres pays. De même, Roosevelt Island est entourée d'un fleuve qui coule vers l'océan, comme Governor's Island. Chaque lieu a ses propres caractéristiques. En Angleterre, son importance réside en partie dans le fait que le motif passe à Greenwich, référence mondiale en matière de temps. Je suis allé à Jerusalem, à l'endroit où les trois grandes religions ont vu le jour. Il faut comprendre qu'Uniting Painting n'est pas une toile au sens traditionnel. C'est une entreprise monumentale. Je négocie actuellement avec la NASA pour poursuivre ce projet sur la lune.

Au siège de l'ONU, l'œuvre est terminée. À Governor's Island, elle en est encore au stade de concept. La ville a lancé un appel d'offres pour faire de cette île un site unique et intéressant. Ma proposition n'est pas de remettre l'île en valeur mais de créer quelque chose de très différent, d'unique - quelque chose qui symbolise New York. Je pense que la gestion de l'île devrait être confiée à une grande entreprise, avec comme condition qu'Uniting Painting soit exposée comme une bannière, communiquant avec le monde entier et faisant de New York le point de départ d'une idée artistique.

Sur l'impact de la peinture sur les communautés pauvres

J'aimerais que cette peinture passe particulièrement par les zones pauvres. Elle s'adresse à tous. Vous n'avez pas besoin d'être riche pour l'acquérir. Si Harlem voulait en posséder une partie, je l'offrirais gratuitement. Si l'Afrique du Sud voulait relier les banlieues blanches et les banlieues noires avec cette peinture, je le ferais pour eux. Cette peinture peut servir d'égalisateur en devenant une sorte d'avantage collatéral. Si un pays riche possède cette œuvre et que celle-ci se poursuit dans un État voisin pauvre, ces deux pays feront partie de la même famille, comme des frères jumeaux. La création d'Uniting Painting en Corée du Nord et en Corée du Sud (j'ai déjà un contrat pour le faire), aura une valeur politique forte. Mon intention est de fournir à l'ONU une preuve imprimée sur le sol, pour ainsi dire, et de montrer qu'elle peut offrir un dénominateur commun à toutes les parties.

Sur les préparations

Lors des négociations avec les Nations Unies, j'ai eu à faire à de nombreuses commissions qui ont buté sur des problèmes. Je ne savais pas que tant de problèmes pouvaient être résolus à l'ONU (rires). Chacun avait une opinion, et chacun une objection. En général, les gens ont l'impression que vous leur marchez sur leurs pieds, surtout ceux qui ont six ou sept orteils. Ils veulent être sûrs que tout est en ordre, parce que c'est une tâche immense.
Dans chaque pays, la même situation se présentait, mais en général, tout s'est bien déroulé. En Grèce, une inauguration a été organisée, avec des photos et le plan, quand quelque chose d'incroyable s'est produit. Le gouvernement grec a décidé de donner une somme d'argent importante pour agrandir le musée afin d'exposer l'ensemble de la peinture que je proposais. On m'a donc demandé d'attendre un an et demi. L'Angleterre est aussi en train de construire son musée. C'est bien sûr différent partout. À l'ONU, cela a pris beaucoup de temps, mais dans l'ensemble, le projet s'est facilement réalisé. En Corée du Nord et en Corée du Sud, le problème n'était pas tant un problème de lieu qu'un problème politique. Comme vous le savez, il existe une zone démilitarisée entre les deux Corée. Lorsque les gens se sont rendu compte que la peinture allait passer par cette zone, ils se sont inquiétés. Dans quel traquenart s'étaient-ils fourrés ? La toile de Troie ?

Sur la cohérence de la peinture

J'ai divisé mon travail en deux parties : en fonction de mes impressions et en fonction de ma santé. La première partie consiste à créer le concept de A à Z, qui me servira de base par la suite. Je décide quand commencer la phase des projets. Je voyage, je visite des lieux qui pourront me servir, je prends des photos et crée mes concepts. Je garde trois photos qui aideront les entrepreneurs créatifs potentiels. Je vais de lieu en lieu, préparant le travail à venir.

Où que je travaille, quel que soit le plan que j'ai, j'aurai toujours besoin d'aide. Il m'est absolument impossible de faire tout le travail moi-même.
Sur chaque site, des étudiants des Beaux-Arts m'aident en suivant mes plans. Si vous êtes en République tchèque ou au Paraguay et que vous voulez adapter la peinture, il faudra le faire comme elle apparaît à Sanghai et comme elle a été créée à Moscou. Le principe directeur ici est la cohérence.



Sur l'évolution du travail

Je suis un artiste qui a deux âmes : une decaricaturiste politique et une de créateur d'œuvres d'art. La première est à vif dans son effort à identifier les problèmes mondiaux. La seconde atténue les problèmes par l'unification. Je n'ai pas encore décidé laquelle des deux est la plus fascinante.

 
 
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