Chronique ONU

FAIRE DE LA DIVERSITÉ UN ATOUT
Comment Mosaic aide les communautés à réaliser leur potential

Par Dash Douglas

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L'article

La diversité ethnique est une mine de possibilités. La richesse des points de vue et des expériences apporte une variété d'idées, de perspectives, de connaissances et de compétences qui peuvent améliorer de manière significative la capacité d'une communauté à prospérer. Toutefois, les avantages que cette diversité peut apporter au développement dépendent du niveau de cohésion de la communauté. Les sociétés qui atteignent un niveau élevé de cohésion sociale sont bien situées pour réaliser leur potentiel social et économique.


Trop souvent, cependant, la diversité est devenue la source de problèmes plutôt qu'une force de développement social et économique. Partout dans le monde, les tensions ethniques s'intensifient. La division de la société en factions adverses, segmentée en une multitude de communautés, a un impact négatif sur la vie de nos communautés. Les événements récents au Moyen-Orient illustrent les problèmes engendrés par le manque d'unité et leur impact sur le fonctionnement et le développement d'une région.

Même si la diversité ethnique a souvent entraîné des troubles civils et la déstabilisation, ce n'est pas tant elle qui est la cause du conflit que le manque de cohésion sociale entre les groupes ethniques. La diversité ethnique n'est, en soi, ni bénéfique ni néfaste au développement; elle permet à la fois le développement et la détérioration d'une communauté. Malheureusement, la plupart des sociétés n'ont pas réussi à instaurer et à préserver une cohésion sociale suffisante pour empêcher la désintégration des communautés et tirer profit du potentiel positif de leur diversité.

Le conflit ethnique apparaît comme un facteur essentiel contribuant à la désintégration sociale et économique dans de nombreuses régions du monde. De nombreuses études ont traité l'impact de la cohésion sociale sur le développement économique durable - le processus selon lequel le niveau du capital par habitant des générations futures est au moins égal à celui de la génération actuelle. Traditionnellement, le terme capital comprend le capital naturel, physique et humain; ceci, toutefois, n'est qu'une partie du processus de développement économique. Un autre aspect a été négligé : la manière dont les acteurs économiques interagissent et s'organisent pour générer la croissance, c'est-à-dire par le biais du capital social, qui fait référence au niveau de cohésion sociale et aux normes qui régissent les relations entre les peuples et les institutions. La Banque mondiale décrit le capital social comme " la colle qui fait tenir les sociétés ensemble et sans laquelle il ne peut y avoir de croissance économique ni de bien-être social1 ".

Le capital social apporte de nom-breux avantages sociaux et économiques spécifiques. Les études montrent que les communautés dont le capital social est élevé connaissent une réduction des conflits sociaux, de meilleurs résultats scolaires, une baisse de la criminalité et de la violence, une plus grande efficacité du gouvernement, une meilleure santé publique, un allègement de la pau-vreté et une croissance économique plus rapide. Le commentateur social Francis Fukuyama estime que les économies qui ont un capital social élevé domineront le XXIe siècle.

En ce qui concerne les États-Unis, les études indiquent que ce pays a connu une érosion du capital social au cours des dernières décennies, les citoyens et les communautés étant de plus en plus déconnectés les uns des autres. Quelle que soit la race ou l'ethnie, beaucoup partagent le même sentiment de déception et de frustration devant l'échec des efforts menés par les uns et les autres au cours des dernières décennies pour améliorer les relations interethniques et interraciales. Pour rationaliser cet échec, nombre de personnes se sont repliées sur le terrain plus familier de la ségrégation raciale et ethnique. En conséquence, comme certains chercheurs l'ont montré, la ségrégation raciale aux États-Unis n'a jamais été aussi forte depuis le siècle dernier.


Réunion d'un groupe PHOTO REPRODUITE AVEC L'AUTORISATION DE DASH DOUGLAS

Pour lutter contre la polarisation ethnique croissante dans la ville de Rochester (État de New York), le maire, William A. Johnson, a lancé en 2001 le Mosaic Partnerships Program2. Son objectif n'était pas de résoudre les conflits sociaux mais de les prévenir en créant, en développant et en soutenant les composantes de base d'une communauté - c'est-à-dire en instaurant des relations de confiance parmi les personnes et les groupes. Devant le succès du programme à encourager la cohésion sociale au-delà des barrières raciales et ethniques, d'autres villes américaines l'ont adopté, comme Greensboro (Caroline du Nord) et Milwaukee (Wisconsin). L'objectif est de stimuler un changement culturel - de créer une communauté fondée sur le partage des valeurs, sur les principes d'inclusion et d'intégration sociale. Étant donné que la mise en place de changements systématiques et durables nécessite un leadership cohérent, le Mosaic Program se concentre sur les leaders d'opinion d'une communauté, des membres respectés et dignes de confiance ayant d'importants réseaux sociaux sur lesquels ils exercent une grande influence. Ils donnent le feu vert à la communauté et servent de catalyseur à la diffusion du concept Mosaic.

Le Mosaic Program réunit des leaders d'ethnies différentes et les guide au travers d'un processus d'un an où ils apprennent à développer des relations et à établir la confiance, ce qui les encourage à aller au-delà de leur environnement et de se lier avec des personnes qu'ils ne rencontraient pas habituellement, étant issues de groupes ethniques différents. Cela leur permet de voir le monde au travers le regard d'un autre leader, dont les points de vue sont probablement très différents des leurs, et change la manière dont ils construisent leurs relations dans leur vie. Ils apprennent à reconnaître, à comprendre leurs points communs et même à se rallier autour d'eux, au lieu de laisser leurs différences entraver le développement des relations. Lorsqu'une relation de confiance s'instaure, les leaders ouvrent leurs réseaux sociaux les uns aux autres, ce qui permet l'intégration des groupes ethniques qui vivaient auparavant en vase clos.

Le processus Mosaic a réussi à connecter divers groupes de personnes au sein d'une communauté et a renforcé les " faibles liens " qui sont à la base du progrès social et économique d'une communauté. Ces relations sont plus distantes, tandis que les liens forts sont établis avec des personnes partageant un milieu sociologique semblable au leur, comme la famille, les amis intimes, les associés. Alors que les relations étroites présentent des avantages dans une communauté car elles soutiennent la solidarité, ce sont les relations épisodiques, irrégulières qui sont les mécanismes essentiels pour mobiliser les ressources, les idées et l'information, que ce soit pour rechercher un emploi, résoudre un problème, répondre à une crise, lancer un nouveau produit, rechercher un service, établir une nouvelle entreprise, etc. Ce type de relations est également essentiel à l'environnement créatif d'une communauté, car elles facilitent l'intégration rapide des nouvelles personnes et l'absorption des nouvelles idées. La cohésion sociale engendrée par les liens faibles réduira les risques de conflits ethniques et favorisera le développement économique durable.

Nous ne pouvons plus accepter le désengagement social et la séparation sociale des divers éléments de la société. Les sociétés composées de plusieurs ethnies sont sujettes aux troubles civils et à l'instabilité, ce qui entrave le processus social et économique de nos communautés ainsi que le développement durable. Pour résoudre ce problème social fondamental, il faut un changement organique qui repose sur la reconnaissance commune de notre unicité humaine. L'objectif de Mosaic Partnerships est d'encourager cette reconnaissance et de construire l'unité dans la diversité, deux par deux, en tant que base de la transformation sociale. Pour réaliser ce projet, il faut combler la distance sociale et émotionnelle qui existe entre les personnes appartenant à des ethnies différentes par une association étroite et la création de liens entre les individus. Les communautés qui renforcent intentionnellement et systématiquement les liens de confiance entre les peuples issus d'ethnies différentes élèvent leur niveau de cohésion sociale, ce qui leur permet de tirer profit des avantages de la diversité tout en réduisant les risques de conflit destructeurs.

Les décideurs politiques ne peuvent pas légiférer la cohésion sociale et les relations de confiance. En même temps, on ne peut ignorer le fait que la cohésion sociale prévient les risques de conflit et encourage le développement durable. La mise en place des politiques visant à promouvoir le développement du capital social doit donc être une priorité. Il faut que les législateurs intègrent dans la planification du développement des communautés des manières innovantes de construire le capital social afin qu'il soit étroitement intégré dans tous les aspects de la vie de la communauté.


Notes

1. Grootaert, C. 1998. Social Capital: The Missing Link? Dossier de travail n° 3 sur l'initiative du capital social, Banque mondiale.

2. Robert Rosenfeld, président et président-directeur général d'Idea Connection Systems, Inc. a créé et conçu Mosaic Partnerships.

Biographie

Directeur de Mosaic Partnerships Program, Dash Douglas a pour mission de fournir un leadership, une vision et une direction pour tous les aspects de ce projet. Avocat en droit civil de formation, il a plaidé dans des affaires de logement pour le Département américain du logement et du développement urbain et a mené d'importantes recherches sur les questions raciales et leur relation avec le développement social et économique des quartiers déshérités.

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