Chronique ONU

LA LUTTE CONTRE LES CULTURES ILLÉGALES EN COLOMBIE: Une responsabilité mondiale partagée

Par Guillermo García Miranda

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L'article
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Les gains économiques réalisés par la Colombie au cours des deux dernières années sont gravement menacés par le trafic de drogues et les cultures illicites. La culture du coca et du pavot a eu des conséquences néfastes sur l'environnement, causant une perte annuelle de plus de 200 000 hectares de forêts. Ces cultures, pratiquées dans les écosystèmes fragiles du pays, ont causé l'extinction de nombreuses espèces végétales et animales endémiques de la région andine, comme le magnifique ours à lunette.

En plus de l'impact négatif sur l'environnement, les conséquences sociales sur les communautés en général, et en particulier sur les groupes autochtones, sont inquiétantes. Dépendre du trafic de drogues brise l'unité des familles, déforme les valeurs culturelles et génère des processus qui déstabilisent l'ordre public. Cela a, par exemple, corrompu les institutions publiques. Pour mener à bien leurs activités, les trafiquants ont versé des pots-de-vin et des commissions.

La recrudescence de la violence dans le pays a également coïncidé avec la participation des Colombiens au trafic de drogues et aux cultures illicites. Le secteur de la drogue a soutenu la violence en finançant des groupes armés, comme les guérilleros et les groupes paramilitaires. Selon une étude du Bureau national de planification en Colombie, 60 % des revenus des Forces révolutionnaires armées (FARC) provenaient du trafic de drogues, et certains chefs paramilitaires des Forces unies d'autodéfense (AUC) ont reconnu que la plus grande partie de leurs fonds en dépendaient. Pour chaque dollar dépensé en cocaïne dans les rues de n'importe quelle ville du monde, environ 10 % vont dans les poches des groupes armés colombiens pour financer la violence.

En Colombie, la production du pavot à opium a augmenté. Elle est devenue le premier producteur mondial de coca après que les trafiquants de drogue ont réduit leur importation de coca à partir du Pérou et de la Bolivie à cause de l'augmentation du nombre de saisies par les contrôles aériens et aux frontières. Les cultures illicites en Colombie, dont la situation est considérée comme l'une des plus complexes dans le monde, sont situées dans les zones soustraites au contrôle de l'État, où les titres fonciers sont pratiquement inexistants et où l'infrastructure pour la commercialisation des produits légaux est minimale. L'absence d'une réglementation de l'État dans de nombreuses parties du pays permet aux trafiquants de convaincre les petits paysans et les résidents autochtones de cultiver le coca et le pavot à opium et de s'entendre avec les groupes armés pour qu'ils protègent leurs cultures. Contrairement à la perception populaire, un certain nombre de paysans et de Colombiens autochtones qui cultivent le coca ou le pavot à opium ne sont pas mal intentionnés, ni dépourvus d'une éthique. En fait, ils y sont amenés pour des raisons économiques, recherchant des opportunités de marché afin d'atteindre une qualité de vie minimale. On estime qu'environ 100 000 familles colombiennes prennent part aux cultures illicites.

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La culture du coca ou du pavot à opium ne génère pas de revenus importants pour ces paysans. On a calculé qu'ils recevaient seulement moins de 1 %, soit environ 0,6 % du total des profits. Étant donné que le prix de la cocaïne ou de l'héroïne est beaucoup plus élevé que les coûts de production, les trafiquants touchent la majorité des profits. Généralement, les raisons qui poussent les paysans à cultiver le coca ne sont pas tant les revenus que la certitude de la commercialisation.

Au cours des années, on a réalisé que les petits exploitants agricoles et de nombreux groupes autochtones acceptaient d'abandonner les cultures illicites s'ils étaient assurés d'avoir d'autres moyens de gagner leur vie et si leurs revenus leur permettaient de vivre dans la dignité. Dans certains cas, cependant, les cultures licites ne rapportent pas autant que celle du coca. Les petits exploitants, cherchant à fuir la violence et à réduire les problèmes sociaux qui touchent leur famille, préfèrent cependant se tourner vers les cultures licites. C'est pourquoi nous travaillons depuis plusieurs années à identifier et à promouvoir les cultures alternatives en remplacement du coca et du pavot, appelées en Colombie " les produits de la paix " en raison de leurs effets positifs.

Si les entreprises rurales produisaient des cultures traditionnelles, comme le café, les haricots, le cacao, les bananes vertes, les fruits et les cœurs de palmier, et si le secteur privé se chargeait de la commercialisation de ces produits légaux, des politiques plus durables et plus efficaces seraient adoptées contre les drogues illicites en Colombie. L'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime a conclu plusieurs accords de commercialisation avec des supermarchés dans le monde, comme Carrefour et Éxito-Casino et, en même temps, compte sur le soutien de certaines organisations commerciales européennes comme Andines pour aider à l'élimination des cultures illicites de coca et de pavot.

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La drogue n'est pas seulement un problème colombien. D'autres pays ont également leur part de responsabilité : ceux où la consommation de drogues est importante, ceux qui facilitent les filières de la drogue et ceux qui blanchissent l'argent ou qui produisent les produits chimiques de base pour la production de cocaïne ou d'héroïne. La collaboration mise en place pour commercialiser les cultures alternatives ou les " produits de la paix " sera d'une grande importance car elle permettra de réduire les fonds destinés aux groupes armés et ralentira les avancées des cultures illicites dans les écosystèmes qui sont indispensables à l'humanité.

Biographie
Guillermo García Miranda est administrateur de programmes aux Nations Unies. Économiste, il dirige le programme de développement alternatif et de substitution des cultures illicites en Colombie. Il a enseigné à l'université, est coauteur d'ouvrages sur le développement rural en Colombie et a écrit pour des journaux colombiens.
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