Chronique ONU

Les prêts du pnue pour l'énergie solaire en inde
Une approche qui intéresse les banques indiennes

Par Jyoti Prasad Painuly et Eric Usher

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L'article

En moins de trois ans, près de 100 000 habitants des zones rurales dans le sud de l'Inde ont eu accès à des services d'énergie propre et fiable grâce aux emprunts que les familles ont pu faire auprès des banques traditionnelles, ce qui était jusqu'alors impossible. Plus de 16 300 familles ont participé au programme de prêts pour l'énergie solaire en Inde créé par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUE), qui travaille depuis quelques années avec le secteur de la finance afin d'élaborer de nouvelles approches pour financer les énergies renouvelables.

Les prêts destinés aux systèmes solaires ménagers (SHS) ont été accordés par deux des plus grandes banques indiennes, la Canara Bank et la Syndicate Bank. Il n'y a pas eu de subventions de capitaux mais une bonification des taux d'intérêt, ce qui a permis de gagner la confiance des banques qui se sont montrées mieux disposées à augmenter leurs services de prêts pour une technologie qu'elles ne trouvaient pas intéressantes sur le plan financier. En Inde, le secteur de l'énergie solaire en expansion a un marché potentiel qui représente

Un technicien installe un système d'énergie solaire sur le toit d'une maison. Photo/Selco

65 % des foyers ruraux n'ayant pas accès à un approvisionnement en électricité fiable. Si certains ont peut-être accès à l'électricité, mais de manière intermittente, la plupart utilisent le kérosène pour s'éclairer et la bouse de vache et le bois pour se chauffer - une énergie de mauvaise qualité qui a des conséquences sur leur santé dues aux maladies respiratoires et qui entrave leur développement économique et social.
Sans financement, cependant, le coût initial élevé d'un système photovoltaïque exerce des contraintes sur la croissance du marché indien. Un meilleur accès au crédit permet aux foyers ruraux d'acheter des services d'énergie plus propre avec l'argent qu'ils dépensent pour des formes d'énergie moins efficaces et souvent plus polluantes (voir le tableau ci-dessus). L'Inde dispose d'une infrastructure bancaire développée, mais les liens au secteur des énergies renouvelables ont été peu développés, quand ils existent.

L'objectif principal du programme de prêts est d'aider les banques indiennes à créer des portefeuilles de prêts pour les systèmes d'énergie solaire ménagers dans les régions mal approvisionnées du sud de l'Inde. Les études montrent que, sans ces programmes, les ménages pauvres vivant dans les régions rurales et semi-rurales sont les plus touchés par les coupures de courant et ont un accès limité aux autres solutions meilleures et plus chères. Ces programmes contribuent aussi aux efforts du gouvernement pour augmenter le financement local des groupes de solidarité de la Grameen Bank, la version indienne du microcrédit, dont les clients potentiels sont les ménages et les petites entreprises qui cherchent à utiliser les SHS pour générer des activités domestiques ou des revenus.

Au cours de la première phase du programme, un grand nombre de parties intéressées ont été consultées, notamment des fournisseurs de SHS, des banques et d'autres institutions de financement à petite échelle, des organisations gouvernementales et non gouvernementales. Ces consultations ont permis de faire le point sur l'industrie de l'énergie solaire dans le sud de l'Inde, de déterminer le financement nécessaire pour les SHS et les meilleurs mécanismes pour augmenter le financement. Même si les banques disposaient de capitaux suffisants et cherchaient généralement à développer de nouveaux services de prêts, elles n'étaient pas prêtes à traiter les prêts destinés aux SHS comme un portefeuille normal dans leurs portefeuilles de prêts. En raison de la nouveauté de la technologie et de la qualité du produit et du service offert, les banques se montraient réticentes à accorder des prêts aux groupes de solidarité, bien que certaines, ce qui est d'ailleurs tout en leur honneur, aient accepté de tenter l'expérience et de chercher des moyens d'augmenter les prêts.


Cette femme utilise l'énergie solaire pour l'éclairage de sa cuisine. Photo/H.V. Kumar

Après des consultations avec trois États indiens du sud, le Karnataka a été initialement choisi. Des accords de partenariat ont été signés avec la Canara Bank et la Syndicate Bank, qui ont toutes deux des réseaux d'agences rurales dans la plupart des régions du sud de l'Inde. La Canara Bank, par exemple, a lancé un projet de 300 agences dans l'État du Karnataka. Ces banques innovantes sont largement implantées dans les régions rurales et accordent des crédits aux foyers pauvres par l'intermédiaire de groupes de solidarité, en grande partie par leurs propres réseaux et leurs banques rurales régionales ou par les banques Grameen.
Le modèle de financement adéquat est intéressant à plusieurs titres : il favorise la croissance du marché et encourage les entreprises à offrir des produits et des services innovants; il n'entraîne pas une distorsion importante du marché; et il comprend une stratégie de sortie prédéterminée. Les subventions de capitaux ont tendance à " majorer " et à fausser le prix réel des systèmes solaires ménagers sur le marché. La nécessité d'un service de prêts garantis a été également écartée, étant donné que les banques étaient disposées à assumer les risques de remboursement des prêts. Les deux banques ont préconisé l'adoption d'une bonification des taux d'intérêt qui leur permettrait d'offrir des conditions bancaires préférentielles à leurs clients d'une manière efficace et transparente, bien qu'ils n'en bénéficient pas directement.

Les subventions - un taux d'intérêt escompté - ont permis aux banques partenaires d'offrir des prêts aux consommateurs à des taux d'intérêt qui étaient 7 % inférieurs aux taux de prêt de base de 12 %. Ce mécanisme a permis de réduire le montant des subventions nécessaires par système et a été utilisé efficacement dans le secteur des énergies renouvelables en Inde. Il a été également utilisé pour les systèmes de chauffe-eau solaires par le Ministère indien des sources d'énergie non traditionnelles (MNES), ainsi que sur une petite échelle dans le secteur du solaire photovoltaïque directement par Selco, l'une des plus grands fournisseurs d'énergie solaire.

La mesure d'incitation sous la forme de bonification des taux d'intérêt a représenté une petite partie du financement total, les banques fournissant la plus grande partie des capitaux et assumant 100 % du risque lié au crédit (risque de défaut). Ces banques étaient donc motivées pour maintenir des portefeuilles de prêts de qualité. La distorsion des prix était également minimale, parce que le coût du financement était subventionné, mais pas les capitaux. L'octroi de prêts à un taux d'intérêt escompté permettait de régler à la fois le problème du " coût de départ élevé " et celui du coût du crédit élevé.

Un élément important de ces plans est la stratégie de sortie, qui peut être simple et directe dans le cas de prêts à des taux d'intérêt bonifiés. Alors que le remboursement des prêts augmente, les subventions peuvent être progressivement supprimées, les taux d'intérêt rejoignant ceux du marché à la fin du programme. C'est un élément unique de l'initiative du PNUE : le taux d'intérêt pour les systèmes d'énergie solaire est le même que ceux du marché. Au lieu de faire un appel d'offres, le PNUE a décidé d'offrir le programme à tous les fournisseurs pouvant satisfaire à un ensemble de critères de qualité des produits et de service après-vente et de garder le processus de qualification ouvert pour que de nouveaux fournisseurs puissent être candidats par la suite. La qualité et la fixation des prix des produits étaient donc principalement déterminées par les forces de la concurrence, et pas par les réglementations du programme.

L'autre possibilité était de faire un appel d'offres direct, le fournisseur le moins offrant étant celui qui obtenait le marché. Toutefois, quand un fournisseur est choisi parmi d'autres, un marché, où un nombre d'entreprises expérimentées sont déjà présentes, peut être facilement faussé. Même s'il permet de faire baisser les prix à court terme, l'appel d'offres généralement réduit le nombre de fournisseurs actifs et contribue peu à promouvoir les marchés à long terme. Il est préférable de concevoir un programme qui s'appuie sur le leadership des novateurs du marché, tels que Selco, tout en permettant aux fournisseurs crédibles d'accéder à ces nouveaux marchés du crédit.

Le programme de prêts de la Canara Bank a été mis en place en avril 2003, et celui de la Syndicate Bank quelques mois plus tard, en juin. Un objectif initial de prêts pour
5 000 systèmes a été fixé pendant les deux premières années. Plus de 16 300 ont été financés au 31 mars 2006. Une banque a mis fin à ses subventions et l'autre est en cours de le faire. Le marché du crédit a répondu aux incitations de manière positive, 50 % de tous les systèmes d'énergie solaire étant actuellement financés, alors que pratiquement aucun ne l'était en 2003. Le plus grand succès est cependant le lancement de programmes de prêts compétitifs par plus de 20 banques en dehors du programme du PNUE, ce qui a entraîné une augmentation des ventes.

Un système solaire pour une maison typique dans le Karnataka Photo/H.V. Kumar

L'avenir du secteur de l'énergie solaire photovoltaïque dans le sud de l'Inde semble prometteur. Les banques ont fixé des objectifs de portefeuilles de prêts très ambitieux et ont œuvré en vue de leur réalisation. Il est intéressant de noter que les subventions totales accordées par la bonification d'intérêt est très inférieur à celui atteint avec d'autres méthodes, et pourtant les banques se mobilisent. C'est une bonne leçon pour le développement des programmes futurs, qui peut déterminer les impacts positifs (ou négatifs) globaux. Le PNUE s'est servi du succès du Programme de prêts pour l'énergie solaire en Inde pour l'appliquer dans d'autres domaines, notamment les programmes de prêts pour les chauffe-eau solaires en cours au Maroc et en Tunisie. Le programme n'est pas, bien sûr, une panacée pour le secteur de l'énergie photovoltaïque, mais c'est une approche qui sera nécessaire pour motiver les marchés à investir dans le secteur de l'énergie propre.

En coopération ave le Fonds des Nations Unies pour les partenariats internationaux (FNUPI), la Fondation des Nations Unies et la Fondation Shell ont apporté leur appui au Programme de prêts pour l'énergie solaire en Inde. Pour en savoir plus, veuillez visiter le site http://www.unep.fr/energy/act/fin/india/index.htm.

Biographie

Jyoti Prasad Painuly (à gauche) travaille avec le Centre PNUE-Risoe, au Danemark, en tant que planificateur dans le domaine de l'énergie. Il s'intéresse en particulier à l'énergie renouvelable, à l'efficacité et à la politique énergétiques et aux changements climatiques.

Eric Usher (à droite), responsable de l'Unité Énergie renouvelable et finances au PNUE, cherche à engager le secteur financier dans des projets liés à l'énergie propre.

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