Chronique ONU

Chanter la pauvreté et les moyens de s'en sortir
Les jeunes urbains d'afrique trouvent une voix

Par Rasna Warah

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L'article
 

Il y a six ans, Joseph Oyoo - connu sous le nom de Gidigidi - était un jeune habitant de taudis sans espoir d'avenir ou de trouver un emploi. Sa préoccupation principale était de trouver à manger alors que son père, retraité, et sa mère, au foyer, avaient des difficultés à élever leurs dix enfants.

Malgré les problèmes d'argent de sa famille, Gidigidi a résisté à la tentation de rejoindre les gangs de jeunes urbains qui dominaient son quartier de Dandora à Nairobi, la capitale du Kenya. Il a décidé de se tourner vers la musique et de s'associer à un ami, Julius Owino - un musicien connu sous son nom de scène Majimaji - pour former Gidigidi Majimaji, l'un des groupes hip-hop les plus connus du pays.

Mais ce n'est qu'en 2002 que la chance a vraiment tourné. Le Kenya était alors en pleine euphorie électorale et le groupe venait de sortir un succès appelé Unbwogable (imbattable, en argot), qui louait quelques-uns des leaders de l'opposition dont la popularité était en hausse. La chanson est devenue l'hymne de la National Rainbow Coalition (NARC), une alliance politique qui a gagné les élections et qui fait actuellement partie du gouvernement.

Avec leur chanson placée en tête du hit-parade, ils sont devenus des célébrités du jour au lendemain. En 2004, le Programme des Nations Unies pour les établissements humains les a nommés Messagers de la vérité, une position honorifique accordée à d'autres jeunes comme K'naan, du Canada, et Awadi, du Sénégal. Gidigidi et Majimaji ont même donné un concert lors des deuxième et troisième Forums urbains mondiaux, respectivement à Barcelone en septembre 2004 et à Vancouver en 2006. " Si je n'avais pas eu la musique, je serais devenu un voyou à Dandora ", a admis Gidigidi pendant l'entretien. " Grâce à la musique, j'ai réussi à envoyer mes frères et mes sœurs à l'école et à payer mes études universitaires. Mon rêve est de créer un studio et une école de musique pour la nouvelle génération de musiciens qui vivent dans les taudis de Nairobi. "

Moses Mbasu, créateur du premier site hip-hop sur Internet (http:www.kenyahiphop.com), estime que " depuis sa création dans le South Bronx à New York dans les années 1970, le hip-hop a toujours eu une influence positive sur les enfants vivant dans les grands centres urbains du monde entier. L'exemple de Gidigidi Majimaji montre bien qu'être né dans un taudis ne signifie pas qu'il est impossible de changer la société. Cela montre au monde que faire de la musique n'est pas seulement du show-business. C'est aussi mettre l'argent gagné au profit de la communauté. "

Les groupes de musique de jeunes urbains ont vu le jour non seulement dans les taudis de Nairobi mais aussi dans d'autres parties de l'Afrique, offrant à des milliers de jeunes la possibilité de faire entendre leur voix et de gagner leur vie. En République unie de Tanzanie, les jeunes de Dar es Salaam ont créé une industrie locale de hip-hop connus sous le nom de Bongo Flava, qui domine les chaînes de télévision locales et qui a gagné une grande popularité au Kenya, le pays voisin.

En Afrique du Sud, un nouveau style de musique, le kwaito, créé par la population noire urbaine, est né au début des années 1990. Le Kwaito (qui a emprunté son nom au mot afrikaans qui signifie " en colère ") utilise l'isicamtho, l'argot des townships pour créer un son unique qui incorpore la musique africaine traditionnelle, le jazz, le gospel et le rock. L'un des genres musicaux les plus populaires aujourd'hui en Afrique du Sud, il a été présenté comme faisant partie de la renaissance du pays. " À l'instar du hip-hop aux États-Unis, le kwaito n'est pas seulement de la musique ", écrit la journaliste Sinome Swink. " Il exprime et valide un style de vie - la manière dont les Sud-Africains s'habillent, parlent et dansent. C'est un style de vie influencé par la rue, où la musique reflète la vie dans les townships, comme le hip-hop reflète la vie dans les ghettos américains. "

Que le kwaito soit une force de changement social est discutable, mais nombre de musiciens pensent que la musique aide les Sud-Africains à s'éloigner des paroles révolutionnaires de l'apartheid et à exprimer l'énergie et l'optimisme d'une nouvelle époque. En 2003, un groupe de kwaito, Natizea, a dit à un magazine établi à Johannesburg : " Le kwaito est notre façon de changer ce pays. C'est aussi une manière de rappeler à l'opinion publique ce que le ghetto attend du changement : des emplois, de meilleures écoles et la sécurité dans les rues. "

 
 
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