Chronique ONU
La lutte contre le VIH/SIDA à la croisée des chemins
La réunion de haut niveau 2006 :
" unir le monde contre le sida "

Par Amy Pont
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L'article

Vingt-cinq ans après le dépistage des premiers cas de VIH/sida, l'Assemblée générale de l'ONU a organisé une réunion intitulée " Unir le monde contre le sida " et a invité des centaines de participants, allant des chefs d'État ou de gouvernement à la société civile en passant par les chercheurs sur le sida et les personnes vivant avec le VIH, à faire un bilan des progrès réalisés dans la lutte contre l'épidémie. En 25 ans, plus de 65 millions de personnes ont été infectées par le VIH, 25 millions sont décédés et 40 millions vivent avec le virus.

Le Président de l'Assemblée générale, Jan Eliasson, a dit aux participants qu'" au moment où nous nous réunissons, plus de 20 000 personnes sont mortes du sida " et 30 000 autres viennent d'être infectées par le virus. Il a cependant fait l'éloge de la réponse unie face à la pandémie en reconnaissant " le niveau sans précédent et l'interaction importante entre les États Membres et la société civile. […] Nous venons d'horizons différents et avons des méthodes différentes, mais nous avons besoin les uns des autres. "

De nombreuses personnalités du monde des affaires et de l'industrie des loisirs engagées dans la lutte contre la maladie ont également assisté à la conférence, qui s'est tenue du 31 mai au 2 juin 2006 au siège de l'ONU, à New York. Afin de mettre en place une riposte commune à la pandémie, les participants ont passé en revue les rapports du Secrétaire général sur la Déclaration d'engagement sur le VIH/sida : cinq ans après, les Activités visant à développer la prévention, les soins, le traitement et les services d'accompagnement en matière de VIH, ainsi que le Rapport 2006 sur l'épidémie mondiale du sida publié par le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA). La réunion s'est conclue le 2 juin par l'adoption de nouvelles initiatives et de nouveaux objectifs qui ont été résumés dans la Déclaration politique sur le VIH/sida (voir encadré) adoptée par l'Assemblée générale.

La conférence a eu lieu cinq ans après l'adoption de la Déclaration d'engagement sur le VIH/sida lors de la session historique de 2001 de l'Assemblée générale, où les États Membres s'étaient engagés à atteindre des objectifs détaillés assortis de délais dans les domaines de la prévention, du traitement, des services d'accompagnement et de l'allocation des ressources. Les efforts déployés pour y parvenir ont été notés dans le Rapport 2006 d'ONUSIDA - le recueil de données le plus exhaustif jamais publié sur la riposte à la crise, présentant en détail les progrès accomplis par les pays depuis 2001 dans leur lutte contre l'épidémie. Pratiquement chaque indicateur cité dans le rapport montre des progrès dans plusieurs domaines. Le rapport aborde également de nombreuses questions qui se sont présentées lors de l'analyse de l'épidémie, notamment les violations des droits de l'homme et les inégalités entre les sexes concernant l'accès à un traitement et à la prévention. Il révèle également que 40 millions de personnes sont infectées par le virus, dont 95 % vivent dans les pays en développement. Le VIH/sida continue de ravager l'Afrique subsaharienne - actuellement l'épicentre de l'épidémie - et " ne montre aucun signe de fléchissement ". Aux Caraïbes, la deuxième région la plus touchée, le sida est la principale cause de décès parmi les adultes âgés 15 à 44 ans et se propage de manière alarmante en Europe de l'Est, en particulier en Russie et en Ukraine, ainsi que dans des pays d'Asie centrale et d'Amérique latine, comme au Honduras et au Belize.

Le rapport présente également des exemples d'actions positives, notant que " dans la plupart des pays, une base solide existe maintenant sur laquelle édifier une riposte efficace ". Il souligne les succès de certains pays en développement, comme le Kenya, le Zimbabwe, le Burkina Faso et Haïti déchiré par la guerre, qui connaissent une baisse de la prévalence du VIH, et attribue les tendances favorables aux changements sociaux et aux programmes de prévention. Toujours selon le rapport, le nombre de personnes infectées augmente dans d'autres pays, notamment en Chine (une puissance économique émergente), en Indonésie, en Papouasie-Nouvelle Guinée et au Viêt Nam. Il indique que les taux d'incidence de VIH dans le monde ont probablement atteint leur niveau optimal dans les années 1990 mais note qu'" il existe des faiblesses considérables dans la riposte ". Et les faits sont là : seulement une personne sur cinq reçoit le traitement antirétroviral dont elle a besoin et les programmes de prévention ne touchent pas ceux qui courent le plus de risques. L'ignorance des jeunes sur la transmission de la maladie pose également une menace pour les générations futures.

Malgré les progrès en matière d'éducation et de droits de la femme dans le monde, le rapport fait état que les femmes et les filles, qui doivent affronter la discrimination et la stigmatisation, sont infectées par le virus de manière disproportionnée par rapport aux hommes et aux garçons. Les efforts visant à fournir des traitements et des soins préventifs sont entravés par l'inégalité politique et le manque d'informations sur le virus. Par exemple en Zambie, pays ravagé par la pauvreté où neuf personnes sur dix vivent avec moins de 2 dollars par jour, on constate une prévalence de 23 % parmi les femmes âgées de 15 à 49 ans, soit plus du double que parmi les hommes du même groupe d'âge. Le révérend Cannon Gideon Byamugisha, représentant du Réseau africain des dirigeants religieux personnellement touchés par le VIH/sida ou vivant avec des personnes qui le sont, a déclaré lors de la conférence que " nous nous sommes engagés à mettre fin à la stigmatisation, à la discrimination et au déni afin que chacun puisse avoir accès à un traitement, à la prévention et à l'information ".

Concernant les questions liées à la discrimination, le rapport souligne que les droits de l'homme de certains groupes, c'est-à-dire les travailleurs du sexe, les hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes et les consommateurs de drogues injectables, sont bafoués. Ceux-ci ont plus de risques de contracter le virus et d'autres maladies sexuellement transmissibles. Pourtant, seulement 9 % des hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes et moins de 20 % des consommateurs de drogues injectables ont eu accès à un service de prévention en 2005. Soulignant la nécessité de toucher ces groupes vulnérables, le docteur Peter Piot, directeur exécutif d'ONUSIDA, a déclaré : " Je refuse d'accepter que la vie d'un migrant pauvre qui a des rapports sexuels avec d'autres hommes, d'un consommateur de drogues injectables ou d'un travailleur du sexe vale moins que celle de mes enfants. "

Selon ONUSIDA, le VIH/sida a fait plus de 15 millions d'orphelins en 25 ans. Une enquête récente réalisée auprès des ménages en Afrique subsaharienne a montré que les orphelins avaient 13 % moins de chances d'être scolarisés que les autres et que, dans la région, un enfant sur vingt a perdu ses parents à cause de la maladie. Le message qui se dégage du rapport est qu'" un quart de siècle après le début de l'épidémie, la lutte mondiale contre le sida est à la croisée des chemins ". Toujours selon le rapport, si cette lutte ne s'intensifie pas, les pays les plus touchés n'atteindront pas l'objectif du Millénaire pour le développement qui consiste à éradiquer la pauvreté et la faim et à réduire la mortalité infantile. " Les pays dont le développement est déjà en perte de vitesse en raison du sida continueront de voir leur situation s'aggraver et la stabilité sociale et la sécurité nationale menacées. "

L'avenir du monde en matière de lutte contre le VIH/sida
déclaration politique

Après avoir examiné en détail les progrès menés pour lutter contre l'épidémie du VIH/sida, l'Assemblée générale a adopté le 2 juin 2006 la Déclaration politique sur le VIH/sida, qui définit les mesures devant être prises au niveau mondial afin d'inverser l'épidémie d'ici à 2015. L'Assemblée réaffirme les engagements pris en vue d'atteindre les objectifs fixés par la Déclaration d'engagement de 2001 " Crise mondiale - Action mondiale ", tout en introduisant de nouvelles initiatives.

Dans la Déclaration politique, l'Assemblée générale de l'ONU s'est engagée à assurer l'autonomisation de toutes les femmes, en particulier de celles qui sont victimes de la violence et des inégalités, afin que les femmes et les jeunes filles puissent se protéger contre l'épidémie. Il y est indiqué que cela ne sera possible qu'en aidant les femmes à accéder à l'éducation, aux soins et aux autres services de santé et en protégeant leurs droits afin qu'elles puissent prendre des décisions librement, en particulier dans leurs choix sexuels. Elle signale des violations des droits de l'homme et exhorte les gouvernements à " éliminer toutes les formes de discrimination ", législatives ou de réglementation contre les personnes vivant avec le virus ou présentant des risques, à faciliter leur accès aux services de prévention et de soins de santé, à l'éducation et à l'emploi. Cette disposition importante s'adresse aux hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes, aux consommateurs de drogues injectables et aux travailleurs du sexe.

L'Assemblée générale s'est également dite très préoccupée par la situation des enfants et des jeunes de moins de 15 ans qui comptent pour la moitié des nouveaux cas d'infection; beaucoup ont été contaminés simplement parce qu'ils n'étaient pas informés. La Déclaration traite également de la défaillance des antirétroviraux pédiatriques dans de nombreux pays, ce qui entrave considérablement les efforts visant à protéger la santé et les enfants. Elle explique l'importance d'informer les enfants, de leur fournir un appui, un traitement et des soins par le biais de programmes. En outre, elle vise " à assurer une génération sans sida " par la mise en place de programmes d'éducation destinés aux jeunes, de programmes de prévention et de services de santé.

Comme le souligne la Déclaration, les ressources financières, humaines et médicales sont cruciales pour lutter contre l'épidémie et tous les obstacles aux ressources - légales, commerciales ou autres - doivent être éliminés afin de favoriser l'accès universel aux traitements. Elle reconnaît également que les pays à revenu faible ou intermédiaire nécessiteront un soutien financier mondial d'un montant estimé par ONUSIDA de 20 à 23 milliards de dollars d'ici à 2010 afin de poursuivre la lutte, par rapport aux 8,3 milliards de dollars disponibles en 2005. Elle reconnaît aussi que " la propagation du VIH/sida est une cause et une conséquence de la pauvreté et qu'il est essentiel de combattre ce fléau pour réaliser les buts et les objectifs convenus à l'échelon international, notamment les OMD ".

Elle demande d'engager une lutte plus soutenue et plus ferme contre le VIH/sida. Elle en souligne les points faibles mais donne aussi un espoir en réaffirmant l'engagement d'atteindre l'objectif de 2015, c'est-à-dire inverser l'épidémie. Il est nécessaire de " traduire cette Déclaration en actes, de sauver des vies et de donner à toutes les personnes touchées par VIH/sida la possibilité de vivre dans la dignité ", a déclaré le Président de l'Assemblée Jan Eliasson.

(Pour plus d'informations, veuillez visiter le site www.unaids.org)

 

 
 
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