Chronique ONU
Première personne
« MON CHEMIN VERS UN BUT »
Par Kenneth E. Behring

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L'article
M. Behring et Bui Thi Huyen, la petite fille vietnamienne qu'il a rencontrée en 2000, dont la joie d'avoir un fauteuil roulant l'a convaincu à créer la Wheelchair Foundation.
Je sais ce que souffrance veut dire, et je sais ce qu'espoir veut dire.

En 2000, je suis allé au Vietnam pour distribuer des fauteuils roulants à des handicapés. Notre équipe s'est rendue dans un petit village en dehors de Hanoï pour remettre un fauteuil roulant à une petite fille, Bui Thui Huyen. À cause de son handicap, elle n'a jamais pu se déplacer seule. Assise sur une pile de vieux vêtements dans la maison de ses parents, elle pleurait, l'air terrifié. Je lui ai donné des sucettes, mais cela n'a rien changé. Nous sommes sortis, l'avons installée sur un fauteuil roulant, et je lui ai montré comment placer ses mains sur les roues pour avancer. Elle était effrayée et en pleurs, mais elle a finalement réussi à le faire. Son visage s'est alors illuminé du plus grand sourire que j'aie jamais vu. Nous avons tous applaudis chaleureusement. En quelques instants, nous avions transformé une petite fille grabataire en une petite fille qui pouvait se déplacer seule, lui ouvrant une nouvelle vie. Nous lui avions donné la mobilité, la liberté - et l'espoir.

Ce n'était pas la première fois que je voyais la souffrance, et ce ne sera pas la dernière. Ayant grandi aux États-Unis pendant la Grande dépression, j'ai vu des familles souffrir de la faim et vivre sans abri. Mes parents ont perdu leur ferme. Mais ce n'est qu'en rencontrant la souffrance physique dans le monde que j'ai décidé de faire quelque chose. La Dépression a fait de moi un jeune homme déterminé et motivé.

J'ai été élevé à la campagne, dans le Wisconsin. Pour aider mes parents, je coupais de l'herbe, distribuais les journaux et travaillais dans des magasins du coin. Après l'université, j'ai commencé à travailler en vendant des voitures. J'ai réussi à mettre suffisamment d'argent de côté pour ouvrir une concession de voitures d'occasion. En peu de temps, en travaillant dur, j'en ai ouvert d'autres et j'avançais vers une carrière réussie. À 30 ans, j'ai vendu mon entreprise, ce qui m'a rapporté beaucoup d'argent, et j'ai vécu le rêve américain. Mais ce n'était que le commencement. Recherchant un climat plus chaud, j'ai déménagé en Floride où j'ai fait construire une maison pour ma femme Pat et mes cinq fils. Quand quelqu'un m'a proposé de l'acheter à un très bon prix avant qu'elle ne soit terminée, je l'ai vendue et j'ai découvert les possibilités qu'offrait la construction immobilière. En Floride, puis plus tard en Californie, j'ai fait fortune dans la construction immobilière. À l'âge de 65 ans, j'étais propriétaire d'une immense maison, possédait mon propre jet privé ainsi qu'une équipe de football américain, les Seattle Seahawks. J'avais tout - c'est ce que tout le monde pensait.

Pour le monde extérieur, j'étais un homme d'affaires riche, qui avait réussi, mais à l'intérieur, je me sentais vide. J'avais tout l'argent dont on pouvait rêver, j'avais réalisé tous les succès possibles et, pourtant, il me manquait quelque chose. Les possessions matérielles et les succès ne me rendaient pas heureux ni épanoui. Je sentais que ma vie n'avait aucun sens, aucun but. En même temps, je faisais le tour du monde dans mon jet privé, me rendant fréquemment en Afrique pour des safaris. Pendant ces voyages, mes guides me faisaient visiter des écoles et des dispensaires qui fonctionnaient souvent dans des conditions déplorables. J'ai alors commencé à apporter du matériel médical et scolaire lors de mes visites. Lorsque les organisations caritatives en ont pris connaissance, l'une d'elles m'a demandé d'apporter des vivres et des fournitures en Europe de l'Est. Cet envoi comprenait environ une douzaine de fauteuils roulants.

Lors d'une visite en Roumanie, des secouristes m'ont invité à assister à leur distribution. Le directeur m'a présenté à un homme âgé qui avait eu une attaque cérébrale et ne pouvait plus marcher. Je lui ai dit que je lui avais apporté un fauteuil roulant pour qu'il puisse de nouveau se déplacer seul. Quand je l'ai aidé à s'installer sur le fauteuil, il s'est mis à pleurer. À travers ses larmes, il expliquait qu'il serait libre de sortir pour aller voir ses voisins. Tout ce que je pouvais dire, c'était « je suis heureux que nous ayons pu vous aider », J'étais profondément ému. J'étais stupéfait que cet homme, et d'autres comme lui, ne puissent pas sortir, s'asseoir au soleil, parler avec des amis, à cause de leur handicap. Ce simple don d'un fauteuil roulant a transformé la vie d'un homme.

Et la mienne. Après un voyage au Vietnam et un autre au Guatemala pour distribuer des fauteuils roulants, j'ai décidé de créer la Wheelchair Foundation. Contre un petit don, nous fournissons des fauteuils roulants aux handicapés dans le monde entier. J'ai donné un but dans ma vie. Aujourd'hui, avec l'appui du gouvernement américain et de nombreuses organisations à but non lucratif, y compris le Rotary Club et les Knights of Columbus, nous sommes la plus grande organisation caritative internationale à faire ce travail. Depuis 2000, nous avons fourni près de 400 000 fauteuils roulants dans plus de 30 pays.

Cette mission m'a permis de rencontrer les personnes les plus étonnantes, les plus inspirantes, les plus courageuses : Xie Yanhong, un Chinois né sans l'usage de ses jambes, est allé en Angleterre, en voyageant avec son fauteuil roulant, et fut le premier handicapé à traverser la Manche à la nage; un Afghan, qui avait perdu ses jambes dans une explosion de mines terrestres, voulait un fauteuil roulant pour retourner travailler afin de nourrir sa femme et leurs six enfants; Angel, un jeune mexicain aveugle qui, après avoir reçu un fauteuil, a dit, me laissant sans voix, « on se verra au paradis »; et, en Afrique du Sud, Nelson Mandela, qui est membre de notre Groupe de conseillers, de même que le roi d'Espagne, Juan Carlos, et Mikhail Gorbachev, de la Fédération de Russie. [Vous trouverez de plus amples détails sur ces personnes, leur histoire et les activités de la Wheelchair Foundation dans mon autobiographie, Road to Purpose, publiée en 2004].

Avec la Wheelchair Foundation maintenant bien établie (http://www.wheelchairfoundation.org), ma nouvelle cause philanthropique est l'eau salubre. L'eau est indispensable à la vie, et l'eau potable est une condition préalable à la santé et au bien-être de tous. Nombre de personnes dans les pays en développement finissent sur un fauteuil roulant à cause de l'eau insalubre. Selon les Nations Unies, près de 1,1 milliard de personnes n'ont pas accès à des sources d'eau de bonne qualité et 2,6 milliards n'ont pas accès à des services d'assainissement. En termes réels, cela signifie que 4 personnes sur 10 dans le monde n'ont pas accès à des services d'assainissement de base et près de 2 personnes sur 10 n'ont pas accès à une source d'eau potable.

Reconnaissant que les gouvernements ne peuvent répondre seuls à la crise croissante de l'eau et de l'assainissement dans le monde, j'ai créé la WaterLeaders Foundation (http://www.waterleaders.org), dont l'objectif sera de porter les questions de l'eau et de l'assainissement à l'attention de la communauté internationale afin d'attirer des fonds importants et soutenus des donateurs, des fondations et des secteurs public et privé. Elle s'attachera aussi à mobiliser les ressources et les organisations afin de maximiser son impact. Par exemple, elle axera initialement ses efforts pour fournir les technologies de purification de l'eau aux écoles qui en ont besoin. Actuellement, elle cherche à créer des petits systèmes de traitement de l'eau, utilisant l'ultra-filtration, la distillation et l'osmose inverse et soutient la conception et le développement de prototypes.

Au cours de l'année prochaine, WaterLeaders prévoit la mise au point de technologies légères, durables, à basse énergie et à bas coûts, qui seront déployées de manière rentable dans les communautés adéquates. Ces projets pilotes seront lancés en Chine, puis au Mexique, en Afrique ainsi que dans d'autres régions du monde où les besoins sont prioritaires. Enfin, WaterLeaders travaillera en collaboration avec les institutions ouvrant dans le domaine de l'eau et de l'assainissement pour inclure des projets communs de développement et de partenariats publics et privés et offrir un bureau central des meilleures pratiques dans le domaine. Cette initiative consistera à relier les organisations entre elles, telles que les donateurs, les fondations, les organisations non gouvernementales, les communautés et autres parties prenantes, afin de les aider à atteindre leurs buts.

Notre travail de distribution de fauteuils roulants est, malheureusement, loin d'être fini. Et celui de fournir de l'eau salubre ne fait que commencer. Mais je poursuis mon « chemin vers un but ». J'espère que vous vous joindrez à moi dans ce voyage.
Biographie
Kenneth E. Behring est fondateur de la Wheelchair Foundation, la WaterLeaders Foundation, le Blackhawk Museum et le Behring-Hohmann Educational Institute. Propriétaire d'une équipe de football américain, il a également créé la Seattle Seahawks Charitable Foundation, qui a soutenu des associations venant en aide aux enfants. Il a versé des millions de dollars au Smithsonian Museum, ce qui lui a valu le prix prestigieux James Smithson en reconnaissance de sa générosité et de sa vision. Il s'est personnellement engagé à aider les personnes démunies, faisant don de vivres, de fournitures médicales, de vêtements et de matériel scolaire aux nations les plus pauvres.
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