Chronique ONU
L'esclavage au XXIe siècle
Par Howard Dodson

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L'article
© Photo/P. Virot
Un épisode récent de la série télévisée américaine Law and Order: Special Victims Unit débutait par une enquête sur le meurtre d'un jeune Africain au corps démembré, probablement tué lors d'un sacrifice rituel. Au cours de l'enquête, le meurtre est relégué au deuxième plan pour révéler l'existence d'un important commerce d'esclaves à New York, au XXIe siècle. Dans cet épisode, les victimes, des jeunes Africains et Africaines, sont achetées et vendues à des fins d'exploitation sexuelle ou pour assurer des travaux domestiques dans la capitale commerciale du monde. Bien entendu, à la fin de l'épisode, une clause stipulait que les faits étaient fictifs et que toute ressemblance avec des faits et des personnages réels étaient pure coïncidence. Cependant, la fiction imite la réalité.

Le commerce d'esclaves a fait un retour en force. Et, ce commerce moderne ne touche pas seulement les jeunes Africains et les jeunes Africaines : des femmes et des enfants sont également enlevés et exploités comme esclaves dans chaque continent. On estime qu'il y a plus de 27 millions de victimes dans le monde, soit plus du double du nombre de personnes qui ont été déportées au cours des 400 ans d'histoire du commerce transatlantique des esclaves vers l'Amérique. Ce qui est incroyable, c'est que cette traite d'êtres humains sans précédent passe pratiquement inaperçue. Les 27 millions de victimes de ce commerce moderne sont plus invisibles que les 12 millions d'Africains qui ont été envoyés de force en Amérique du XVIe au XIXe siècle. Comment expliquer un tel phénomène à une époque où les médias et les moyens de communication sont plus nombreux que jamais et où la transparence est à l'ordre du jour ?

Le premier problème est lié aux différences majeures entre le commerce transatlantique des esclaves et le commerce moderne. Le premier était fondé sur une idéologie raciale. Les victimes étaient africaines; elles étaient capturées et vendues comme esclaves en Afrique et envoyées dans les colonies européennes pour travailler principalement dans les champs et les gisements de minerai. Les efforts conjugués des mouvements abolitionnistes ont conduit à l'abolition du commerce des esclaves dans l'Empire britannique et dans les Amériques puis celle de l'esclavage lui-même en Occident au XIXe siècle.

Aujourd'hui, la traite des esclaves revêt un caractère très différent. Tous les groupes raciaux sont visés. Bien que les femmes et les enfants soient les principales victimes, ceux qui sont achetés et vendus comme esclaves viennent de presque tous les continents et sont envoyés dans pratiquement tous les pays. Contrairement au commerce transatlantique, ces personnes ne sont pas recrutées pour travailler dans une région géographique spécifique, ou dans un industrie ou un secteur particulier. Certes, un grand nombre de femmes sont vendues comme prostituées ou concubines, et de nombreux enfants comme travailleurs agricoles, mais il existe peu de routes ou de marchés établis et relativement stables. Alors que le commerce transatlantique était légal et pratiqué comme un commerce légitime, la traite moderne est illégale. Les transactions de ce commerce clandestin sont, en grande partie, cachées au public comme, d'ailleurs, la traite d'êtres humains, qui s'exerce en ce XXIe siècle. Étant donné l'ampleur et la nature illégale et relativement invisible de ce phénomène, il est difficile de définir et de mettre au point une stratégie. La question qui se pose est de savoir comment.

S'il y a des leçons que nous devrions tirer des expériences de ceux qui se sont battus pour abolir la traite atlantique des esclaves, c'est de reconnaître, en premier lieu, les millions de personnes asservies comme des êtres humains, membres de la famille humaine. Dans leur empressement à éliminer les horreurs de l'esclavage de leurs sociétés, les abolitionnistes ont embrassé et parfois propagé l'idée que les esclaves africains étaient une « race inférieure ». Et c'est aussi le cas des victimes de l'esclavage moderne. Celles qui sont désignées comme prostituées risquent particulièrement d'être perçues comme des êtres inférieurs.

Si nous voulons épouser pleinement leur cause, nous devons d'abord reconnaître que ces personnes sont des êtres humains qui se trouvent dans une situation difficile et essaient d'en sortir. Elles ont des choix limités et tentent de réunir les ressources économiques, psychologiques, spirituelles et émotionnelles pour se sortir de ces situations complexes. Alors que certaines ont accepté leur statut d'« esclaves », la plus grande majorité ne l'ont pas accepté. Tant qu'elles résistent à leur condition et cherchent à s'en sortir, on peut dire qu'elles sont maintenues en état d'asservissement, plutôt qu'esclaves.

Vu les formes diverses que revêt l'esclavage moderne dans les sociétés et les communautés du monde entier, les abolitionnistes du XXIe siècle sont obligés de travailler avec les gouvernements locaux, régionaux et nationaux, les organismes religieux et les citoyens afin de mener des enquêtes et organiser des débats sur l'état actuel de l'esclavage et la traite des esclaves. Au vu des millions de personnes en état d'asservissement dans le monde, nous devons créer un mouvement abolitionniste mondial. Parmi les premiers activistes devraient prendre place ceux qui ont bénéficié des mouvements organisés pour mettre fin au commerce transatlantique d'esclaves et à l'esclavage dans les Amériques. J'ai, pour ma part, rejoint le mouvement.
Biographie
Howard Dodson, conférencier remarqué, éducateur et consultant, est directeur du Schomburg Center for Research in Black Culture of The New York Public Library, est un spécialiste de l'histoire afro-américaine, un Il a été membre de la Commission présidentielle pour la création d'un Musée national de l'histoire et de la culture afro-américaines et a fait partie du Comité scientifique et technique du projet de l'UNESCO La Route des esclaves.

L'esclavage des enfants
Un problème mondial

Chaque année, des centaines de millions d'enfants dans le monde sont victimes de l'exploitation, d'abus et de violence. Ils sont enlevés et recrutés dans l'armée, vendus à des réseaux de prostitution, asservis pour dette ou victimes d'autres formes d'esclavage.

Le travail forcé et servile. Selon l'Organisation internationale du Travail, 246 millions d'enfants sont engagés dans un travail forcé, dont près des trois quart travaillent dans un environnement dangereux, tels que des mines ou des usines, ou manipulent des substances dangereuses comme des produits chimiques et des pesticides agricoles.

La traite des êtres humains. L'exploitation des enfants à des fins de travail et à des fins sexuelles est un commerce international lucratif. On estime que chaque année 1,2 million d'enfants dans le monde sont victimes de la traite, certains étant parfois arrêtés et détenus comme immigrants illégaux. Des filles, qui n'ont parfois que treize ans, sont vendues comme « épouses par correspondance ». Jusqu'à 10 000 femmes et filles des pays pauvres voisins ont été attirées par la ruse dans des établissements de prostitution. Comme les autres formes d'activités criminelles, la traite est une activité dissimulée et difficile à combattre.

L'exploitation sexuelle. Environ 1 million d'enfants, la plupart des filles, mais aussi un nombre important de garçons, sont exploités chaque année dans l'industrie du sexe qui rapporte des milliards de dollars. Ces abus sont alimentés par la demande locale, le tourisme sexuel ne représentant qu'une petite partie du problème. L'activité sexuelle étant généralement considérée comme une affaire privée, les gouvernements et les communautés sont souvent réticentes à intervenir dans les cas d'exploitation sexuelle.

Les enfants soldats. Plus de 300 000 enfants soldats, qui n'ont parfois pas plus de huit ans, sont exploités dans les conflits armés dans plus de 30 pays. On estime qu'au cours de la dernière décennie, plus de 2 millions d'enfants sont morts des conséquences directes d'un conflit armé, et au moins 6 millions ont été gravement blessés ou handicapés à vie. De plus, entre 8 000 et 10 000 enfants sont, chaque année, tués ou mutilés par des mines terrestres.

Source: UNICEF
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