Chronique ONU

Réduire la pauvreté au Cambodge


Le rôle des ONG et des OCV dans le développement du processus politique
Par Mitch Rosin

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L'article
Le Cambodge a changé à jamais le 17 avril 1975. Quand les Khmers rouges ont pris le pouvoir sous le leadership de Pol Pot, la population a été soumise à des règles strictes. Le pays a été rebaptisé Kampuchea démocratique et le régime a commencé une purge qui a duré quatre ans afin d'éliminer les classes instruites. Les Khmers rouges voulaient construire une société agraire.
© Photo Mitch Rosin
Le génocide a fait 20 % de morts parmi la population. Par l'emploi de la torture dans des centres tels que Tuol Sleng et les fameux champs de la mort de Choeng Ek, les Khmers rouges ont dévasté une nation déjà affaiblie par la pauvreté. Le régime a pris fin le 7 janvier 1979 avec l'invasion des forces vietnamiennes. Traduire les dirigeants khmers rouges en justice demeure un objectif de l'ONU. Selon le Secrétaire général adjoint du Département des affaires politiques de l'ONU (qui vent de prendre sa retraite), même si cela a été long, un tribunal a été créé à l'initiative « des Japonais, des Français, des Américains et d'autres . et nous allons tout faire pour que cela marche. »

L'éradication de la pauvreté et de la faim est le premier des objectifs du Millénaire pour le développement des Nations Unies (OMD). Le gouvernement royal du Cambodge, les organisations non gouvernementales (ONG) et les organisations de la société civile (OCS) réalisent d'importants progrès dans la lutte contre la pauvreté et la reconstruction de la société cambodgienne. Le soutien de la Banque mondiale, du Fonds monétaire international (FMI), de la Banque asiatique de développement et des centaines d'organisations qui travaillent à réduire la pauvreté et à créer un développement durable apporte au peuple cambodgien de nouveaux outils et de nouveaux espoirs pour construire son avenir.

En 1999, la Banque mondiale et le FMI se sont joints pour lancer une initiative visant à réduire la pauvreté, donnant lieu au Document de stratégie pour la réduction de la pauvreté (DSRP) - une nouvelle approche qui demande aux nations des prêts concessionnels pour développer leur propre programme de réduction. Ce document définit les mesures spécifiques à prendre pour réduire la pauvreté, y compris : établir un diagnostic de la pauvreté; créer des objectifs, des indicateurs et un système de surveillance; et mener des actions publiques prioritaires pendant une période de trois ans.

Au Cambodge, le DSRP est connu sous le nom de Stratégie nationale de réduction de la pauvreté (SNRP), approuvée en 2002 et mise en ouvre en 2003. Le gouvernement y a inclus les domaines sectoriels suivants : le développement agricole et rural; les droits de l'enfant; la décentralisation; l'incapacité et la rééducation; le désarmement et la démobilisation, l'éducation; la réforme électorale; les secteurs de la pêche et des forêts; les questions sexospécifiques et la participation des femmes; la gouvernance et la transparence; la santé et le VIH/sida; les mines terrestres et les engins non explosés dans les communautés touchées; la réforme foncière; la microfinance; la réinstallation et les droits des personnes affectées par la mise en place de projets; les droits des personnes âgées et leur prise en charge; et la politique commerciale. Au Cambodge, la plupart des ONG et des OSC travaillent dans de multiples secteurs et y jouent un rôle crucial. L'élaboration d'un programme de réduction de la pau-vreté est une entreprise difficile. Il existe de nombreuses définitions de la pauvreté qui varient selon les besoins d'une organisation ou d'un pays. Dans ce cadre de la SNRP, les ONG et les OCS prennent part au développement et participent activement à l'élaboration des politiques. Or, si leur participation à l'élaboration d'un DSRP peut sembler une tâche difficile, elle contribue à réduire la pauvreté. Ces organisations, souvent de petite taille, opèrent dans des régions éloignées et n'ont pas toujours la technologie nécessaire pour faire partie d'un plus large réseau. Il est important que les gouvernements reconnaissent que ces groupes locaux ont acquis une connaissance de première main des questions liées à la pauvreté dans leur communauté ainsi que des liens souvent nécessaires pour mettre en ouvre les politiques. Le manque d'informations sur les résultats obtenus, dont la diffusion a été requise il y a seulement cinq ans, complique encore la situation. De plus, la plupart des documents sont en anglais, quelle que soit la langue officielle du pays, sont souvent techniques et peuvent être difficiles à comprendre, en particulier pour les ONG et les OCS locales. Il est donc important de fournir une traduction des documents de travail. Quelques pays, tels que l'Albanie, le Ghana, le Rwanda et le Yémen ont pris l'initiative de faire traduire les documents dans leur langue. Alors que le DSRP du Cambodge n'était pas traduit en khmer, de nombreuses ONG et OCS ont cependant pu participer au processus d'élaboration d'un programme de réduction de la pauvreté grâce aux efforts des organisations participantes. Il arrive aussi que le lieu et l'heure des réunions posent un problème pour ces organisations. Par exemple, les groupes qui travaillent dans d'autres provinces n'ont souvent pas accès aux réunions qui ont lieu à Phnom Penh. Le coût est également un facteur. Pour les petites ONG et OCS, il est tout simplement difficile d'assurer le transport de leurs membres pour assister aux réunions.

Une autre question à laquelle sont confrontées ces organisations concerne la distinction entre la participation et la consultation. Pour une ONG ou une OCS, la participation implique la négociation et l'échange d'information entre les décideurs politiques et les membres de la communauté. En revanche, la consultation consiste à notifier les ONG et les OCS des décisions prises par des décideurs politiques. Le FMI et la Banque mondiale veulent que ces organisations participent à l'élaboration de ces politiques, mais ne fournissent pas de directives claires sur les modalités de leur participation. Au Cambodge, nombre de ces organisations ont l'impression que le gouvernement privilégie la consultation. Quelques-unes des grandes ONG ombrelles reconnaissent toutefois que leurs idées ont été intégrées dans les documents finaux.

Une étude récente a montré que le nombre d'années d'existence d'une organisation non gouvernementale ou de la société civile jouait un rôle dans sa conviction que le processus de développement de la SNRP du Cambodge était consultatif. Les organisations établies considéraient que le processus était moins participatif et, étant donné que les anciennes organisations avaient déjà créé des programmes de réduction de la pauvreté, celles-ci pouvaient être moins enclines à adopter les nouvelles directives. Les domaines abordés par la SNRP sont soutenus par des organisations ombrelles telles que le Forum des ONG au Cambodge et le Comité de coopération pour le Cambodge (CCC), composés chacun d'environ 75 membres. Comprenant des ONG et des OCS locales, nationales et internationales, elles renforcent la communication entre les divers programmes mis en place dans les 23 provinces du pays.

Le Forum des ONG sur le Cambodge, établi à Phnom Penh, s'est engagé à atteindre son objectif pour 2004-2005 : la reconnaissance des droits des pauvres et des groupes vulnérables dans le pays et leur soutien par le gouvernement, les bailleurs de fonds et l'ensemble de la communauté. L'organisation, créée dans les années 1980, oriente son action sur des questions diverses, telles que le développement, l'environnement, les droits de la propriété, les moyens d'existence, et de nombreuses autres questions ayant trait à la responsabilisation des communautés cambodgiennes. Mlup Baitong, qui membre du Forum des ONG, travaille pour améliorer les forêts et l'environnement. Près de 80 % de la population vivant dans les zones rurales et dépendant directement des ressources naturelles, Mlup Baitong s'emploie à sensibiliser la population par le biais de programmes d'éducation, de formation et de défense de l'environnement au niveau de la société civile.

Dans les provinces de Kpmpong Speu et de Kampong Thom, le Projet Bouddhisme et environnement a créé un réseau de plusieurs centaines de moines. S'appuyant sur l'éthique bouddhiste prônant une vie en harmonie avec la nature, le programme met l'accent sur la sensibilisation. Un projet unique regroupant différents domaines offre aux moines locaux une formation sur la germination des semis, la plantation d'arbres et la gestion de l'eau et du bois de chauffage. De leur côté, les moines éduquent les communautés locales sur les questions liées à l'environnement et l'importance des ressources naturelles.

Se concentrant sur l'objectif de la SNRP ayant trait aux questions sexospécifiques et à la participation des femmes, Nyemo, une ONG membre du CCC, a pour mission de donner aux femmes vulnérables les moyens nécessaires pour vivre avec dignité et participer activement au développement économique du Cambodge. L'organisation offre aux femmes vivant dans la pauvreté des programmes d'éducation et de formation en vue de leur autonomisation : groupes de soutien, cours d'éducation et d'alphabétisation, acquisition de compétences; éducation sur les questions liées au sexe et services pour les enfants. Elle travaille actuellement dans un restaurant à Phnom Penh, appelé Le Rit's, qui offre aux participantes du programme l'occasion de développer leurs compétences professionnelles. Une boutique et un atelier de couture sont attenants au restaurant. Le dispositif des DSRP mis en place par la Banque mondiale et le FMI est relativement nouveau et les résultats de cette stratégie de réduction de la pauvreté ne sont pas encore disponibles. Le Cambodge cherche à créer une économie solide et durable et à réduire la pauvreté qui touche pratiquement tous les aspects de la société. L'intégration des ONG et des OCV dans l'élaboration du DSRP a ouvert les voies de communication entre le gouvernement et les prestataires de service, chacun se montrant optimiste sur la mise en ouvre de la Stratégie de réduction de la pauvreté.

Les pays qui mettent actuellement en place un DSRP devraient noter l'importance d'utiliser des documents traduits, d'organiser des réunions pour encourager un plus haut niveau de participation et de donner aux ONG et aux OCV la possibilité de participer pleinement à l'élaboration des politiques. Le DSPR du Cambodge représente la volonté et la capacité de ces organisations, de la communauté internationale, des institutions de l'ONU et du gouvernement cambodgien de travailler en tant que partenaires avec l'objectif d'atteindre l'objectif commun visant à réduire la pauvreté.
Biographie
Mitch Rosin est rédacteur de publications sur l'éducation. Il a voyagé en Asie du Sud-Est, en particulier au Cambodge. Il a obtenu une maîtrise en gestion des services publics à DePaul University et une maîtrise en arts de l'éducation à New York University. Cet article est tiré de sa thèse « La participation et l'influence des organisations non gouvernementales et de la société civile dans l'élaboration de la Stratégie nationale de réduction de la pauvreté », 2004.
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