Chronique ONU
Célébrer le courage humain
Des artistes contre les mines terrestres
Par Rasna Warah

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L'article
Une bombe humaine de l'artiste Kioko (à gauche) et sa représentation d'une femme Samburu victime de mines terrestres (ci-dessus).
Il y a dix ans, plusieurs membres de l'équipe médicale du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) ont contribué à sensibiliser le public sur les mines terrestres. Confrontés à un nombre toujours croissant de victimes civiles qu'ils devaient soigner, ils ont déclaré le problème des mines antipersonnel une « épidémie ». Les campagnes de mobilisation lancées par le CIRC et la Campagne international pour l'interdiction des mines terrestres ont débouché sur l'adoption de la Convention de 1997 sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et de leur destruction, connue aussi sous le nom de Convention d'Ottawa, qui a été ratifiée par 143 gouvernements. Depuis son adoption, leur emploi et le nombre des victimes ont considérablement diminué.

Shattered But Not Broken
Brisé mais pas vaincu Sculpture en résine, fibre de verre et acier de Gakunju Kaigwa. Photo/Rasna Warah
À Nairobi, un groupe d'artistes a changé la façon dont les victimes des mines terrestres sont perçues. Lors du Sommet de Nairobi pour un monde sans mines, qui s'est tenu en novembre 2004 au siège des Nations Unies dans la capitale du Kenya, les délégués ont été accueillis par une pyramide de chaussures - une seule chaussure par paire - symbolisant la dévastation causée par les mines terrestres. Sur une pelouse, près du hall d'entrée, les sculptures en métal de l'artiste kényan Kioko représentant des personnes ayant été amputée d'une jambe se dressaient avec un air de défi, l'une portant une fausse bombe autour du buste (voir photo). À l'intérieur, les délégués ont pu découvrir une magnifique sculpture en résine, en fibre de verre et en acier de Gakunju Kaigwa représentant un handicapé avec des béquilles, intitulée Shattered but not Broken (Brisé mais pas vaincu) (voir photo). « S'appuyant tant bien que mal sur ses béquilles, le jeune homme s'avance avec dignité, détermination et une forte volonté de survivre », commente Gakunju Kaigwa. « La sculpture montre les capacités de résistance de l'esprit humain, même lorsque celui-ci est enfermé dans un corps fragile, mutilé, de chair et de sang. »

L'idée d'une exposition d'artistes contre l'emploi des mines terrestres a vu le jour en octobre 2004, un mois à peine avant le Sommet de Nairobi, suite à la participation de Handicap International (cofondateur de la Campagne internationale pour l'interdiction des mines terrestres) à un projet destiné à promouvoir la sensibilisation parmi les artistes installés à Nairobi afin de faire connaître le problème des mines terrestres au public kényan. Coordonné par l'artiste belge Xavier Verhoest, le projet a réuni 16 artistes qui ont été invités à créer des peintures et des sculptures « évoquant le problème des mines ».

Les artistes ont eu trois semaines pour présenter deux travaux. Selon M. Verhoest, un grand nombre d'artistes ont été inspirés par les photos des victimes qu'ils ont pu voir à leur première rencontre. Le tableau initulé « Still Standing » (Toujours debout) (voir photo) de Beatrice Wanjiku, par exemple, a été inspiré par une jeune fille du Kosovo, amputée d'une jambe, s'apprêtant à sauter dans une piscine. La photographe Claudine Doury a commenté plus tard : « J'ai remarqué ses yeux pleins de bonheur lorsqu'elle voit la piscine. [...] Elle court, jette ses prothèses et saute dans l'eau. Pendant quelques instants, je crois qu'elle oublie tout. »

Still Standing
Toujours debout
Peinture à l'huile de Beatrice Wanjiku. Photo/Rasna Warah
La plupart des travaux exposés reflètent les capacités de résistance de l'esprit humain. « J'ai choisi de montrer ce qu'on ne peut tuer ni détruire », explique l'artiste Wainaina Kimani. Pour l'artiste suisse Laurent Meierhans, qui est installé à Nairobi, son art représente le présent où le chaos, les guerres, la pollution et l'égoïsme ont causé un mal irréversible aux plus vulnérables. « Il est urgent de comprendre que nous ne pouvons pas fonder nos sociétés uniquement sur le capitalisme sauvage, la performance et l'individualisme. Nous faisons tous partie d'un monde fragile où chacun dépend l'un de l'autre. »

Malgré cette initiative et d'autres efforts, il reste cependant beaucoup à faire. Selon le Rapport de suivi 2004 sur les mines terrestres, 83 pays dans le monde sont touchés par ces engins, y compris 52 États parties à la Convention. Il reste aussi à régler la question de leur production. Des pays comme la Chine, la Fédération de Russie, l'Inde, le Pakistan et les États-Unis ne sont toujours pas parties au traité et continuent à en produire et à en fournir à d'autres pays.
Biographie
Rasna Warah fait partie de l'équipe de rédaction de la publication d'ONU-HABITAT, Rapport 2006 sur l'état des villes dans le monde qui sera lancé lors du Troisième Forum urbain mondial à Vancouver, au Canada, en juin 2006. Elle est membre du conseil d'administration du Bureau de l'Afrique de l'Est de la Société pour le développement international.
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