Chronique ONU

L'interview de la Chronique : Dumitru-Dorin Prunariu

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Biographie
L'Ambassadeur Dumitru-Dorin Prunariu est président de l'Agence spatiale roumaine et président du Sous-comité scientifique et technique du Comité des utilisations pacifiques de l'espace extra-atmosphérique de l'ONU (COPUOS). En 1981, il a été le premier Roumain à voyager dans l'espace à bord du vaisseau spatial Soyouz 40 et de la station spatiale « Saliout 6 ». Né à Brasov, M. Prunariu a obtenu en 1976 un diplôme d'ingénieur en aérospatiale à l'université de Bucarest. Après avoir suivi pendant trois ans un programme de formation Intercosmos destiné aux cosmonautes à Star City, en Russie, il a passé plus d'une semaine dans l'espace à bord de la station spatiale Saliout 6 pour réaliser des expériences scientifiques dans les domaines de l'astrophysique, de la radiation, des technologies spatiales, de la médecine et de la biologie. Depuis 1995, il est vice-président de la Fondation EURISTIC (Institut européen pour la gestion du risque, de la sécurité et de la communication).

M. Prunariu s'est entretenu le 18 octobre 2004 avec Horst Rutsch et Belal Hassan de la Chronique ONU.

L'interview
Sur l'idée maîtresse de COPUOS en 2004
Lancement de la station spatiale Soyouz dans le complexe de Baïkonour, dans le Kazakhstan, le plus grand centre spatial au monde. Photo de la NASA
La Troisième Conférence des Nations Unies sur les utilisations pacifiques de l'espace extra-atmosphérique (UNISPACE III) a été organisée à Vienne en 1999. La Déclaration de Vienne, un document très important adopté lors de la Conférence, comprend de nouvelles approches des activités spatiales pour le développement humain. En 2004, à la demande de l'Assemblée générale, nous avons fait, conformément à la Déclaration de Vienne, un rapport complet des activités durant les dernières années qui a été présenté le 20 octobre 2004. Ce rapport est le fruit de travaux importants réalisés dans le cadre du Comité des utilisations pacifiques de l'espace extra-atmosphérique (COPOUS) et de ses organes subsidiaires et résume les activités durant les cinq dernières années du Comité et des États Membres des organes créés pour mettre en ouvre les recommandations d'UNISPACE III, c'est-à-dire les groupes d'action, les groupes de travail, etc.

Sur la technologie spatiale et l'environnement
L'ordre du jour d'UNISPACE III est principalement centré sur des questions telles que l'éradication de l'extrême pauvreté, la faim, l'éducation, la santé et la protection de l'environnement. Les membres de COPUOS sont organisés en groupes d'action et de travail. Ils prennent part à l'établissement de l'ordre du jour mondial, qui comprend les questions importantes pour le développement de leur pays et la manière dont l'espace peut contribuer à ce développement, ainsi que leurs approches des différents problèmes. Par exemple, l'un des principaux groupes d'action, composé de plus de 40 membres, s'occupe de la gestion des risques ou des catastrophes naturelles. Les États Membres ont recours à leurs experts pour financer et organiser les activités qui comprennent la promotion du soutien international pour appliquer les recommandations du Comité. Un autre groupe important s'occupe de promouvoir l'éducation sur l'espace extra-atmosphérique, utilisant des technologies spatiales spécifiques dans les régions éloignées. Un programme a, par exemple, été créé par l'Inde.
L'ambassadeur Dumitru-Dorin Prunariu avec (de gauche à droite) : Belal Hassan, Maria-Luisa Chavez, directrice de la section éducative, DPI, et Vikram Sura. Photo/Horst Rutsch

Sur les utilisations pacifiques de l'espace extra-atmosphérique pour le développement
D'autres institutions spécialisées s'intéressent également aux utilisations de l'espace. Par exemple, l'Organisation des Nations Unies pour l'agriculture (FAO) a recours à la technologie et à l'information spatiales pour améliorer l'agriculture dans plusieurs pays. Même en Roumanie, un programme a été mis en place pour déterminer le type de terre et les utilisations possibles pour diverses activités commerciales. Avec l'aide d'images spatiales, nous pouvons découvrir où se trouve l'eau, optimiser l'utilisation des installations sur terre et déterminer l'évolution de celle-ci dans différentes régions d'Afrique. L'accès des pays en développement à la technologie spatiale, par exemple, peut être facilité en leur donnant accès à la télédétection, ce qui leur permettrait d'obtenir les informations nécessaires pour résoudre leurs problèmes. Aussi, en obtenant un accord entre les organisations nationales et internationales en cas de catastrophes naturelles, par exemple, les pays peuvent avoir accès à des information gratuites.

Sur les retombées technologiques
Chaque pays publie chaque année des informations sur les retombées technologiques des programmes spatiaux. Par exemple, l'Administration nationale de l'aéronautique et de l'espace (NASA) publie un livre sur la mise en ouvre de la technologie spatiale dans l'économie et [dans] la vie privée ainsi que sur les inventions et les découvertes utilisant les technologies spatiales pour l'exploration spatiale et le grand public.

Sur le recours à l'énergie nucléaire
Un grand nombre de pays, comme la Fédération de Russie et les États-Unis, ont recours à l'énergie nucléaire pour alimenter en électricité les satellites envoyés dans l'espace ou mis en orbite qui nécessitent une quantité importante d'énergie sur une longue période, l'énergie solaire seule étant insuffisante. À cet égard, il faudrait normaliser ces technologies, les rendre sûres et connaître leurs effets. Au cas où ces satellites tomberaient sur Terre, il conviendrait de s'assurer que les conséquences sont minimales pour le pays ou le lieu concerné. Il est donc important d'étudier non seulement les problèmes techniques mais aussi les problèmes juridiques concernant la sécurité des satellites utilisant l'énergie nucléaire. Les États Membres ont convenu de le faire et des discussions sont en cours.

Sur le problème des débris spatiaux
Les débris spatiaux viennent de fragments inactifs de satellites qui ont été mis en orbite autour de la Terre. Avec les technologies plus anciennes, les fusées utilisaient du carburant et explosaient après des mois de vol incontrôlable. Ce carburant s'étant répandu dans l'espace, les petits débris deviennent plus dangereux pour les futurs lancements. Par ailleurs, un grand nombre de satellites tombent en panne après plusieurs années dans l'espace, la plupart incontrôlés. On sait que des milliers d'objets similaires en orbite autour de la Terre peuvent heurter et endommager les satellites et les vaisseaux spatiaux en opération. Un grand nombre de conférences et de colloques internationaux ont eu lieu pour examiner ce problème et ont conduit à la promotion de nouvelles technologies. Alors qu'il est impossible de collecter les débris spatiaux, on peut en limiter leur développement.

Sur l'utilisation de la technologie spatiale en médecine
La télémédecine est une nouvelle approche. Les problèmes que connaissent les pays qui n'ont pas d'infrastructure médicale sont urgents. La technologie spatiale et les communications dans l'espace sont essentielles pour organiser des consultations entre des groupes différents ou pour échanger des informations entre les institutions médicales dans des pays différents qui ont une expertise spécifique.

Sur votre rôle en tant que représentant de la Roumanie
Je participe depuis très longtemps aux activités spatiales roumaines. En tant que Président de l'Agence spatiale roumaine depuis ces six dernières années, j'ai favorisé la coopération internationale. L'exploration spatiale sans la coopération et la collaboration internationale n'a aucun sens. Qu'il s'agisse des États-Unis, de la Russie, de la Chine, du Japon ou de l'Agence spatiale européenne, un pays ne peut développer à lui seul des programmes mondiaux. L'espace devrait toujours être utilisé pour le bénéfice de tous. Des activités dans une partie du monde ont des répercussions dans une autre, et parfois négativement. Si nous ne nous associons pas pour protéger la Terre sur laquelle nous vivons tous, nous serons tous en danger. Nous n'avons donc eu aucune difficulté à passer d'une approche nationale à une approche internationale des activités spatiales. Le COPUOS est un cadre qui favorise la compréhension et la coopération, lequel, avec la Roumanie, a créé plusieurs programmes internationaux, principalement européens. Le processus de travail de ce Comité ne m'était pas inconnu.

Sur votre expérience de cosmonaute
J'ai fait mon premier voyage dans l'espace en 1981 à titre de représentant de la Roumanie dans le cadre d'un programme international appelé Intercosmos. J'ai pris part à de nombreuses expériences nationales et internationales menées par mon pays avec la coopération d'autres. Saliout 6, aujourd'hui une station spatiale internationale, a été mise en orbite autour de la Terre pendant plusieurs mois. Nous l'avons rejointe à bord de la navette Soyouz-40. Après y avoir travaillé pendant une semaine, nous sommes retournés sur Terre. La station spatiale a poursuivi ses activités, en orbite autour de la Terre, rejointe par d'autres vaisseaux et d'autres navettes. Mon expérience et la collaboration internationale pour mener à bien le programme spatial m'ont permis d'avoir une compréhension approfondie de ce que signifient l'espace extra-atmosphérique, la « coopération internationale », ainsi que la collaboration avec les pays pour avoir accès à la technologie ou l'utiliser non seulement pour leur bénéfice mais aussi pour le bénéfice de l'humanité.

Sur l'immensité de l'espace
Si je me souviens bien, seulement 435 hommes et femmes sont allés dans l'espace depuis 1961. Voler à de telles altitudes et vivre dans un tel environnement n'est pas facile. L'espace n'est pas habitable mais, à l'avenir, un environnement peut être créé à l'aide des technologies pour permettre d'y vivre pendant une ou plusieurs années. D'un point de vue psychologique, il est très important de savoir qu'on peut voyager dans l'espace, atteindre d'autres galaxies ou des lieux auxquels on n'aurait jamais imaginé pouvoir accéder. Dans un tel environnement, on éprouve un sentiment de supériorité, de pouvoir, le pouvoir d'être dans l'espace, de voler autour de la Terre à une vitesse supérieure à 28 000 km/h, de faire des expériences et d'acquérir des connaissances sur la Terre, notre planète à tous. En même temps, on se rend compte combien une navette est très petite et vulnérable et, qu'à tout moment, des débris spatiaux ou une météorite peuvent la heurter et vous envoyer vous perdre dans l'espace sidéral sans que personne ne sache jamais exactement ce qui est arrivé. Ce sont des sentiments confus mais, de retour sur Terre, ces émotions complexes vous donnent une nouvelle perspective de la vie.

Sur les plaisirs de la science-fiction
Bien sûr, je regarde parfois des films de science-fiction. Prenons les romans d'anticipation de Jules Verne écrits au XIXe siècle et voyons comment, à son époque, il a visualisé le voyage dans l'espace. La plupart des concepts dont il parle dans ces romans sont déjà appliqués, à l'exception du lancement d'une navette à l'aide d'un canon ! Bien sûr, le lancement des fusées que nous utilisons aujourd'hui comporte plusieurs étapes. Les calculs faits par Jules verne sont valables aujourd'hui. Par exemple, dans Star Trek ou dans les autres nouveaux films fantastiques qui montrent comment l'exploration spatiale pourrait être abordée au siècle suivant, la plupart des prouesses technologiques pourront être réalisées au cours des prochaines décennies. La science se développe rapidement, en particulier parce qu'il y a l'argent et un intérêt pour mettre au point ces technologies avancées. Je suis sûr que, dans vingt ou trente ans, les approches fantastiques de Star Trek deviendront réalité dans les vols spatiaux. Pas toutes bien sûr, mais la plupart des technologies utilisées pourront être disponibles dans les décennies à venir.
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