Chronique ONU
L'Alliance mondiale de la recherche
Un réservoir de connaissances pour le bien-être mondial
Par Vijoleta Braach-Maksvytis et Reinie Biesenbach

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L'article
Aucun pays n'a les moyens financier, ni les capacités opérationnelles et de recherche nécessaires pour pouvoir résoudre les problèmes mondiaux. Avec la mondialisation et les nombreux problèmes auxquels tous les pays sont confrontés et, en particulier, les pays en développement, il est clair que les alliances et le réservoir de connaissances jouent un rôle important dans le développement.
Photo/Horst Rutsch
Consciente de ce phénomène, la Bill and Melinda Gates Foundation a commissionné une étude sur l'importance des alliances, notamment dans le domaine de la santé. Les auteurs de l'étude ont notamment conclu que « la définition claire des objectifs permet aux alliances formées pour s'attaquer aux problèmes mondiaux de santé publique de parvenir à de meilleurs résultats ». C'est en s'inspirant de ce concept, et en l'appliquant à des secteurs autres que la santé, qu'a été créée l'Alliance mondiale de la recherche (Global Research Alliance [GRA]).

Pour définir son objectif général, la GRA a réuni neuf leaders d'organisations à forte concentration d'expertise dans le monde entier : le Batelle Memorial Institute, États-Unis; la Commonwealth Scientific and Industrial Research Organization (CSIRO), Australie; le Council for Scientific and Industrial Research (CSIR), Inde; le CSIR Afrique du Sud; l'Institut technologique danois; le Fraunhofer-Gesellschaft, Allemagne; l'Organisation pour la recherche scientifique appliquée (TNO), Pays-Bas; le Sirim-Berhad, Malaisie; et le Centre de recherche technique de Finlande, des organisations qui avaient déjà collaboré. Le concept ne vise à pas limiter l'Alliance à ces organisations mais à développer un nouveau type d'alliances dans le domaine de la science et de la technologie.

La première réunion, qui s'est tenue en Afrique du Sud en avril 2002, avait pour thème : comment exploiter le savoir et l'expertise de chacune de ces organisations. Elle s'est achevée avec la signature de la « Déclaration de Pretoria », qui sert de charte aux activités de plus de 50 000 chercheurs et experts en technologie. Sibusiso Sibisi, président directeur-général de CSIR Afrique du Sud, qui a animé de cette première réunion, a déclaré : « Tenant compte de la rapidité à laquelle évolue la société, de la convergence de plus en plus forte de nombreux domaines et de la transformation des marchés internationaux, il est devenu impératif d'explorer les synergies entre les différentes organisations de recherche à forte intensité de connaissances et de haute technologie. Nous sommes convaincus qu'une alliance mondiale de la recherche favorisera le dialogue au sein des diverses organisations internationales, et entre elles, et encouragera la coopération internationale dans le domaine de la science et de la technologie. »

« Il est essentiel que la science et la technologie aient un visage humain et que les efforts soient consacrés à améliorer l'humanité, non seulement la vie de quelques privilégiés mais celle de tous. » Photo/Horst Rutsch

Ramesh Mashelkar, directeur général de CSIR Inde, a indiqué que son Conseil « est fier que la réunion des organisations scientifiques et technologiques, qui a eu lieu à Delhi en janvier 2003 sous sa houlette, avait conduit au lancement formel de la GRA. Les membres de celle-ci ont eu le privilège d'avoir été reçu en audience par le Président technocrate indien (APJ Abul Kalam). Sa vision d'un monde pacifique, prospère et sûr était en parfaite harmonie avec la devise de la GRA Le savoir mondial pour le bien-être humain avec le financement international. « Les pays se disputent les ressources; la GRA contribuera à la conception d'un monde uni et non pas composé de pays individuels », a-t-il dit.

Dans le cadre de l'accord conclu à New Dehli, il a été décidé qu'un centre sera créé au CSIR Afrique du Sud pour coordonner la communication avec les institutions internationales de financement et promouvoir les activités de la GRA. Anthos Yannakou, responsable de la GRA pour le CSIR Afrique du Sud, a été chargé d'assurer la gestion quotidienne du Centre en se conformant aux normes reconnues de responsabilité et de gouvernance et en rendant compte chaque année au groupe de responsables de la GRA.

Les Objectifs du Millénaire pour le développement des Nations Unies (OMD) portent sur les défis sérieux auxquels fait face le monde : 1,7 million de décès, dont 90 % surviennent chez les enfants, sont imputables chaque année à l'eau insalubre et au manque d'assainissement et d'hygiène; entre 5 000 et 6 000 personnes meurent chaque année de tuberculose; environ 1,4 milliard de personnes n'auront toujours pas l'électricité en 2030; l'Internet connecte 120 millions d'ordinateurs, mais moins de 2 % de la population mondiale; et les systèmes de mobilité doivent devenir plus rentables, plus équitables et plus respectueux de l'environnement et du tissu social.

Ces statistiques soulignent l'importance des OMD visant à réduire de moitié la proportion de la population qui souffre de la faim et dont le revenu est inférieur à 1 dollar par jour; donner à tous les enfants, garçons et filles, les moyens d'achever un cycle complet d'études primaires; éliminer les disparités entre les sexes dans les enseignements primaire et secondaire d'ici à 2005, et à tous les niveaux de l'enseignement au plus tard en 2015; réduire de deux tiers le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans; réduire de trois quarts le taux de mortalité maternelle; stopper la propagation du VIH/sida, du paludisme et d'autres maladies; intégrer les principes du développement durable dans les politiques nationales et inverser la tendance actuelle à la déperdition des ressources environnementales; réduire de moitié le pourcentage de la population qui n'a pas accès de façon durable à un approvisionnement en eau potable; améliorer sensiblement la vie d'au moins 100 millions d'habitants de taudis; et mettre en place un partenariat mondial pour le développement.

C'est dans ce contexte que les principes directeurs de la GRA ont été définis, accordant une importance à la dimension humaine. « Il est essentiel que la science et la technologie aient un visage humain, et que les efforts soient consacrés à améliorer l'humanité, non seulement la vie de quelques privilégiés mais de celle de tous », a déclaré Murli Manohar Joshi, ministre du développement des ressources humaines, des technologies et des sciences ainsi que du développement de l'océan (Inde), lors de réunions des directeurs de la GRA en 2002. Ces principes sont les suivants : entreprendre des projets pour le bienfait de l'humanité; créer une synergie en réunissant l'expertise des participants; promouvoir des projets innovants et développer des réseaux du savoir mondial pour les secteurs industriels afin d'accroître leur concurrence.

Pour mettre en ouvre ces principes dans le contexte des OMD, la GRA a choisi cinq domaines d'intérêt initiaux : l'eau, l'énergie, les transports, le fossé numérique et la santé. Il est également reconnu que l'intégration entre ces thèmes permettrait de trouver des solutions pour résoudre les problèmes mondiaux. La GRA souligne l'importance de la mise en ouvre pratique des progrès scientifiques et technologiques ainsi que de la réunion de l'expertise dans chacun de ces domaines. Afin d'assurer que les experts techniques des organisations membres puissent identifier les domaines de coopération et de compétences, un processus a été mis en place pour permettre la fusion des technologies. Ce processus encourage les experts, dans le cadre d'ateliers, à explorer les domaines où la GRA aurait le plus grand impact dans la résolution des questions mondiales par la création de solutions innovantes. Selon Rosabeth Moss Kanter, professeur en management à la Harvard Business School, « il est très encourageant de voir que de grandes organisations de recherche scientifique et technologique se sont engagées à mener des projets communs pour aider à résoudre les problèmes les plus urgents dans le monde ».

Dans chacun de ces cinq domaines, les ateliers ont eu lieu successivement en 2003 et 2004, chacun organisé par une organisation différente de la GRA. Les enseignements tirés des trois premiers en 2003 ont été intégrés dans les suivants.

© Photo OMS/P. Virot
Le premier, consacré à l'eau, a débuté en Australie, peu après la réunion des directeurs de la GRA en Inde qui a officialisé l'Alliance. Quinze experts de six organisations membres se sont réunis en mars 2003 pour établir un cadre de travail afin de faire avancer le programme lié à l'eau de la GRA. « La question de l'eau est d'une importance extrême pour tous les pays et pour l'Australie, et j'ai hâte de voir le développement synergique des opportunités entre les partenaires de la GRA », a indiqué Peter McGauran, ministre australien des Sciences. S'attaquant à l'objectif visant à réduire de moitié la proportion de personnes n'ayant pas accès de façon durable à un approvisionnement en eau potable, les membres ont défini six thèmes où la GRA était le mieux placée pour traiter les questions intégrées autour de cet OMD : le développement de la gestion des eaux souterraines; le développement d'un savoir-faire mondial pour réaliser une analyse stratégique des systèmes aquatiques; le développement d'une infrastructure de l'eau en milieu urbain; les technologies de traitement de l'eau potable et des eaux usées; l'approvisionnement en eau potable; l'intégration des impératifs politiques, stratégiques et hydrologiques; et l'assainissement - mettre fin à la contamination par les matières fécales.

Le Conseil Action pour l'eau de la GRA, présidé par le CSIRO Australie, met l'accent sur la mise en ouvre des projets. Il a déjà créé un projet d'eau important : le développement du plan d'action stratégique en gestion des ressources aquatiques pour l'Association des nations asiatiques du Sud-Est.

© Photo OMS/P. Virot
Dix-huit représentants des huit membres de l'Alliance ont participé à l'atelier sur l'énergie organisé par Batelle, à Columbus, dans l'Ohio, en juin 2003. Cinq thèmes ont été définis : l'électrification rurale, la biomasse; la réduction de la demande; les conditions du marché et l'énergie décentralisée. La mise en ouvre des projets et le développement des stratégies ont été liés dans un plan élaboré par le Conseil de l'énergie de la GRA. Un an après le premier atelier, la nature intégrative des cinq thèmes a été mise en valeur dans un projet de la Banque mondiale chargeant la GRA d'évaluer le portefeuille d'énergie solaire dans quatre pays.

Treize représentants des six organisations membres se sont réunis en octobre 2002 à Durban, en Afrique du Sud, pour établir un cadre pour le programme de la GRA consacré aux transports. Quatre domaines d'intérêt correspondant le mieux aux capacités de la GRA ont été identifiés pour répondre aux défis liés aux transports dans les pays développés, les pays en transition et en développement :

  • l'aménagement de corridors, la logistique du fret (y compris l'avenir du rail), la sécurité routière ainsi que la connectivité et l'accessibilité rurales;


  • le développement de comptes clés avec les institutions multilatérales telles que la Banque mondiale;


  • la mise en place de réponses rapides aux opportunités actuelles de financement et de l'infrastructure des transports publics;


  • la mise en place de mécanismes tels que la création de bases de connaissances, des systèmes de soutien aux décisions pour les projets importants et des documents de base.


  • Fondé sur le principe de la fusion de la technologie jugée nécessaire pour traiter les systèmes de transport complexes, le groupe a identifié les besoins et les applications scientifiques et technologiques pour répondre aux objectifs de l'accès durable, qui comprennent les infrastructures logistiques, l'avenir du chemin de fer, l'amélioration des outils de modélisation et de soutien aux décisions. Une communauté de pratiques a été établie, et le TNO Pays-Bas prendra la tête de cette initiative afin de guider et d'orienter l'engagement de la GRA dans le domaine des transports. M. Mashelkar et Vijay Bhatkar, un expert en technologie de l'information, ont préparé deux exposés qui ont souligné les défis et les besoins dans ce domaine. Ces deux documents font état du fossé entre les particuliers, les entreprises et les zones géographiques à différents niveaux socio-économiques dans leurs opportunités d'accès à la technologie de l'information et des communications.

    L'atelier sur la fusion des technologies, organisé à Kuala Lumpur en juin 2004 par Sirim-Berhad, a coïncidé avec le Sommet national sur l'innovation en Malaisie, le lancement de la deuxième phase de l'initiative supercorridor multimédia, et avec un appel du Premier ministre malaysien Datuk Seri Abdullah Ahmad Badawi à son peuple pour intégrer l'innovation dans la culture. L'atelier a présenté la contribution de la GRA à l'éducation et au transfert du savoir, à l'accessibilité au savoir, au contenu et aux applications au niveau local, ainsi qu'à la gestion durable de l'environnement avec des références spécifiques à la sécurité alimentaire. Le Groupe d'experts sur l'avenir du numérique de la GRA a été créé et des projets tels que « L'Afrique sans fil », impliquant la communauté et le secteur privé, sont à l'étude.

    L'atelier sur la technologie, le dernier en date, organisé par le CSIR Inde, a eu lieu en juillet 2004. Un exposé présentant les questions de santé et les opportunités qui concernent la GRA a identifié les questions essentielles en matière de santé mondiale, en particulier à la lumière des OMD. La mondialisation a augmenté l'intérêt de la communauté internationale aux causes et aux conséquences possibles de la propagation des maladies, en particulier des maladies infectieuses émergentes, ce qui a mis en valeur l'importance de réduire les disparités mondiales en matière de santé. La GRA formule actuellement de nouvelles approches pour combiner et intégrer le savoir autochtone, la médecine traditionnelle, la médecine moderne, les sciences modernes et la nutrition dans la mise au point de médicaments et de traitements plus rapides, plus efficaces et plus sûrs. Les instituts de la GRA en Malaisie, en Inde, en Afrique du Sud et en Australie ont joué un rôle prédominant pour aider la GRA à mieux comprendre les besoins et les opportunités dans ces domaines.

    La GRA s'engage dans la nouvelle phase de l'intégration et de la mise en ouvre des initiatives intersectorielles dans les cinq domaines d'intérêt afin de promouvoir des synergies innovantes. Par exemple, les initiatives liées à l'eau, à l'énergie, aux transports et au fossé numérique, qui ont toutes un impact sur la santé, sont fondamentales pour apporter des solutions et constituer une base pour la mise en ouvre de nouveaux projets.

    Le lien entre l'énergie et la réduction de la pauvreté est à l'étude. On sait que l'activité économique locale durable peut fournir l'« énergie d'activation » nécessaire pour sortir les communautés pauvres de la pauvreté. Des services abordables peuvent donc être utilisés comme catalyseur de ce développement afin de mettre en place des activités économiques productives et améliorer la qualité de la vie. Ce type d'intégration et de synthèse nécessite cependant que les autres défis auxquels sont confrontées les communautés, tels que l'accès à l'eau, à la santé, la connectivité, les transports et les contraintes logistiques, soient également inclus. Il faut également être informé de l'histoire de la population, de la culture et de l'économie régionales, des contraintes en matière de ressources et de la biodiversité; ce qui détermine les modes de vie de la population; son taux de croissance et les données démographiques; les raisons de l'augmentation (ou de la diminution) du taux démographique; et les facteurs qui influencent ce phénomène.

    Graham Harris, président du Conseil Action pour l'eau de la GRA, CSIRO Australie, a déclaré : « Il est clair que ces programmes intégrés à impact élevé proposent de nouveaux projets scientifiques engagés sur le plan social ainsi que des projets intersectoriels liés par le climat spatial, temporel, social et économique dans lequel ils sont créés. Il existe un contexte émergent essentiel pour la science et la technologie qui aura des connotations multiples. Au cours de notre entreprise, nous le modifierons par le développement et le transfert de nouvelles connaissances, et il donnera lieu à de nouvelles solutions scientifiques et technologiques.» Cette approche intégrée, ainsi que les nouvelles façons d'envisager le rôle de la science et de la technologie dans la réalisation des OMD, ont été mises en avant lors de la Réunion des directeurs de la GRA organisée en mars 2005 par le CSIRO Australie.
    Biographies
    Vijoleta Braach-Maksvytis (à gauche) est directrice du développement mondial au CSIRO Australie (Commonwealth Scientific and Industrial Research Organization), l'une des institutions de recherche scientifique traitant le plus grand éventail de questions mondiales. Elle a récemment dirigé l'Office of The Chief Scientist of Australia et a été présidente du Réseau national de nanotechnologie. Elle est titulaire d'un doctorat en biophysique.
    Reinie Biesenbach est directeur du Centre d'opérations de l'Alliance mondiale de recherche (GRA) au CSIR Afrique du Sud (Conseil pour la recherche scientifique et industrielle), l'organisation de recherche et de développement la plus importante en Afrique. Il est titulaire d'un doctorat en génie industriel.
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