Chronique ONU | Apprendre à construire l'avenir : Scoutisme et education sur l'environment

Apprendre à construire l'avenir
Scoutisme et education sur l'environment
Par Eduardo Missoni

L'article

Photo de l'OMMS

Alors que le monde entre dans la première décennie du XXIe siècle, les problèmes lies à l'environnement auxquels est confrontée l'humanité sont au premier rang des préoccupations. Il est vrai que la sensibilisation sur la protection de l'environnement et la survie des générations futures pour répondre aux besoins et aux demandes de la génération actuelle a pris de l'ampleur ces dernières années. Il est cependant tout aussi important de reconnaître qu'aucune société ni aucun pays n'a encore réussi à mettre pleinement en place des stratégies de remplacement qui rendront « durables » les sociétés d'aujourd'hui. La raison est triple : ces stratégies sont difficiles et chères et doivent donc être appliquées par les gouvernements avec le soutien des populations; elles impliquent un changement des valeurs, donc un changement des comportements, ce qui nécessite non seulement une conviction rationnelle mais aussi un engagement moral. Et pour ce faire, non seulement les débats politiques mais aussi l'éducation jouent un rôle important. Or, l'éducation est un long processus, particulièrement en ce qui concerne l'acquisition du savoir ou des compétences et le changement des comportements.

L'éducation est un domaine qui concerne le scoutisme. Depuis ses débuts, le scoutisme a mis systématiquement l'accent sur l'importance d'observer la nature, de la comprendre et de la protéger. Peut-être que ce paragraphe destiné aux routiers de 18 à 22 ans est ce qui résume le mieux le respect que le fondateur du scoutisme, Robert Baden-Powell, portait à l'éducation. Parlant de la forêt, il a écrit : « Et cependant, dans tout cela, vie, sensation, reproduction, mort et évolution poursuivent leur chemin sous la même grande loi qui nous gouverne. L'homme a ses compagnons parmi les plantes et les animaux de la forêt. Pour ceux qui ont des yeux pour voir et des oreilles pour entendre, la forêt est à la fois un laboratoire, un club et un temple. »

Par ces activités en plein air, le scoutisme vise un triple objectif :

un laboratoire : un lieu où les jeunes peuvent découvrir notre planète comme un système d'interactions complexes et fragiles qui soutient la vie et doit donc être protégé et sauvegardé pour notre bénéfice et celui des générations futures;

un club : un lieu où les jeunes peuvent participer à la création et au développement d'une société à échelle réduite avec ses objectifs et ses règles dans une relation harmonieuse avec l'environnement, comme c'est le cas, par exemple, dans un camp scout;

un temple : une occasion pour les jeunes de découvrir les merveilles de l'univers et sa dimension spirituelle.

Au début du scoutisme, lors de la deuxième révolution industrielle, camper était un moyen de respirer le bon air de la campagne, loin des villes polluées. Camper en plein air offre cependant d'autres opportunités pédagogiques, la plus intéressante étant, sans aucun doute, la possibilité pour les jeunes d'apprendre à vivre et à travailler ensemble, à construire leur propre société démocratique, à prendre des décisions et à vivre en harmonie entre eux, avec l'environnement et les communautés voisines. Ils apprennent également comment tirer le meilleur parti des ressources naturelles et comment les préserver.

Depuis le début de l'Organisation mondiale du mouvement scout (OMMS), les scouts ont appris comment camper en ayant un impact minimal sur l'environnement. Ceci nécessite de la motivation, le respect des valeurs, du savoir et des compétences techniques ainsi que des compétences sociales et d'encadrement. Un camp est une petite démocratie formée d'équipes qui collaborent, élisent des chefs et prennent des décisions de groupe. Les jeunes apprennent ainsi à devenir des citoyens et à gérer la vie communautaire pour le bénéfice de tous ses membres tout en respectant l'environnement. C'est une façon concrète d'apprendre le développement durable.

Cependant, cette expérience ne s'arrête pas là. Un camp est une sorte de « détour » qui prépare les jeunes à développer leurs compétences sociales et à trouver leur place dans la société élargie. Par définition, le scoutisme est, et a toujours été, profondément ancré dans la communauté. D'ailleurs, tous les écrits de Baden-Powell évoquent le rôle qu'il peut jouer pour améliorer la qualité de vie dans la société. Dans son dernier message aux jeunes, il a résumé sa philosophie en ces termes : « Essayez de laisser cette planète dans un meilleur état que celui où vous l'avez trouvée. »

Les termes « développement durable » et « objectifs du millénaire pour le développement » sont relativement nouveaux, mais les concepts qui y sont associés font partie du scoutisme depuis longtemps. Prenons, par exemple, ces quelques phrases tirées de sa Constitution : « Le Mouvement scout s'est donné comme mission de contribuer à l'épanouissement des jeunes en les aidant à réaliser pleinement leur potentiel physique, intellectuel, social et spirituel et à devenir des citoyens et des membres responsables de leur collectivité au niveaux local, national et international »; « la loyauté envers un pays dans la perspective de la promotion de la paix, de la compréhension et de la coopération au niveaux local, national et international »; et « la participation au développement de la société dans le respect de la dignité de l'homme et de l'intégrité de la nature ».

Photo de l'OMMS

La coopération avec le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) existe depuis le début des années 1970. En 1989, le PNUE a fourni des fonds pour préparer du matériel éducatif sur neuf sujets ayant trait à l'environnement qui n'étaient pas abordés dans les programmes de scoutisme. Ceci a conduit à la publication de « Le scoutisme : agir pour l'environnement », une brochure traduite en plusieurs langues. En 2004, un « Protocole d'accord » a été signé entre l'OMMS et le PNUE.

Les jamborees sont une institution du scoutisme qui rassemblent un grand nombre de jeunes du monde entier. En 1991, les Villages mondiaux du développement ont été introduits dans chaque programme de jamborees. Ces initiatives sont devenues populaires et on estime qu'un million de jeunes y ont participé directement. Ces villages constituent un espace d'information orienté vers l'action pour promouvoir l'éducation sur le développement, la paix et l'environnement par le principe de l'« apprentissage par l'action ». Les organisations de scouts ont créé des activités basées sur leurs projets de développement et des ateliers ont été proposés par des institutions de l'ONU (PNUE, Fonds des Nations Unies pour l'enfance, Organisation mondiale de la santé, Organisation mondiale du Travail) et de nombreuses organisations non gouvernementales sur des questions telles que la drogue, la prévention du sida, la nutrition et l'hygiène, le logement, l'assainissement, le recyclage, la conservation de la faune et de la flore, etc.

Partout dans le monde, les jeunes entreprennent des milliers de projets pour protéger l'environnement et répondre aux besoins de leur communauté. Ces projets devraient toutefois être plus connus et reconnus afin de montrer aux jeunes et à l'ensemble de la communauté que le changement est possible. Dans le cadre des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), le Mouvement scout lance la campagne « Jeunesse du monde », en vue de sensibiliser et de mobiliser les jeunes sur les questions liées au développement durable et à la paix, de les encourager à y réfléchir et à en débattre, ainsi qu'à agir dans leur communauté et de les aider à faire entendre leur voix pour faire reconnaître leurs projets.

Nous pensons que le développement durable et la paix ne peuvent seulement être réalisées qu'en responsabilisant les jeunes, parce qu'ils représentent l'avenir. Nous cherchons actuellement de nouveaux moyens pour former des partenariats entre les organisations de jeunes, le secteur public, y compris les gouvernements et les pouvoirs locaux ainsi que le secteur privé, notamment les entreprises et les médias, afin de constituer un catalyseur du changement. Par la campagne Jeunesse du monde, nous avons comme objectif de : mobiliser les jeunes de 15 à 26 ans, soutenir les OMD et encourager les jeunes à créer des projets qui répondent aux besoins de leur communauté; produire du matériel éducatif pour les aider à acquérir la motivation, le savoir et les compétences afin de contribuer à la réalisation des OMD, ainsi que la capacité de mener à bien des projets; et les soutenir en utilisant les médias ou créer d'autres moyens d'information pour sensibiliser et informer les autres membres de la communauté, ainsi qu'un public plus large, sur les OMD et les questions liées au développement durable et à la paix.

Dans le cadre de la campagne, le brevet Scouts du monde sera décerné aux jeunes qui auront terminé avec succès le stage « La découverte Scouts du monde », un cours de formation axé sur l'environnement, le développement et la paix, et réalisé un service volontaire afin de soutenir et de créer un projet lié aux OMD. En septembre 2005, le premier « prix Jeunesse pour le développement » sera décerné par un jury mondial aux équipes de jeunes qui auront réalisé un projet innovant dans les domaines de l'environnement, du développement et de la paix. Les institutions de l'ONU seront représentées dans ce jury.

Du premier camp scout organisé en 1907 sur une île avec vingt garçons, le scoutisme s'est développé pour devenir une organisation mondiale comprenant plus de 28 millions de garçons et de filles. C'est le plus large réseau de jeunes existant dans le monde et un merveilleux outil éducatif qui permet aux jeunes de toutes les cultures et de tous les pays de regarder vers l'avenir et d'appredre à le construire.

Biographie

Eduardo Missoni est secrétaire général de l'OMMS depuis le 1er avril 2004 et dirige 28 millions de membres issus de 216 pays et territoires. Médecin spécialisé en médecine tropicale, il a été volontaire au Nicaragua puis a travaillé à l'UNICEF, au Mexique. Pendant 16 ans, il a été responsable des programmes de coopération et de santé du gouvernement italien en Amérique latine et en Afrique subsaharienne.

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