Chronique ONU
Outils statistiques d'analyse
De simples cercles expliquent des chiffres complexes
Par Nguyen Tang Le Huy Quoc-Benjamin, pour la Chronique

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L'article
Tableau offert par Anna Rosling Ronnlund
Dans un cours sur les problèmes de santé en Afrique rurale, Hans Rosling, professeur en santé internationale à l'Institut Karolinska de Stockholm, a fait part à ses étudiants d'un constat ironique : alors que les données de recherche et les statistiques sont évidemment plus facilement accessibles dans les pays riches que dans les pays pauvres, ceux qui ne souffrent pas connaissent moins bien leurs « voisins » que ceux qui souffrent. « Comment pouvons-nous mettre à la disposition du public les données numériques compilées par la plupart des pays et l'ONU et les rendre plus attrayantes et plus compréhensibles », s'est-il demandé. Réalisant qu'il serait plus judicieux de conceptualiser les statistiques par des images visuelles, il a eu l'idée de réaliser un graphique illustrant la relation entre la santé et la richesse des pays symbolisée par des « bulles » dont la taille est proportionnelle à leur population. Avec un tel graphique, les lecteurs pourraient voir immédiatement où et dans quelles conditions la majorité des populations vivent.

Un de ses étudiants a écrit un logiciel pour intégrer les données statistiques au graphique. Le professeur, également intrigué par une question que ses étudiants lui posaient souvent : « Comment les pays les moins avancés évoluent-ils ? », s'est alors dit qu'avec des bulles mobiles, ce graphique démontrerait mieux le développement progressif de chaque pays. Un jour, son fils, alors étudiant en histoire économique et en art à l'université de Gothenburg, lui a demandé s'il pouvait « emprunter » et utiliser l'idée pour fournir une analyse visuelle de l'évolution des pays au fil des ans. Il a accepté, et en automne 1998, le premier prototype est sorti. Il se souvient comment son fils, quelques autres et lui-même ont été surpris de voir la quantité d'informations données à partir de ces bulles mobiles : vingt ans de progrès en matière de développement dans le monde en vingt secondes.

Après avoir testé le prototype auprès de divers publics, ils ont décidé de promouvoir cette idée innovante et d'en faire profiter tout le monde. Une demande de financement auprès du Fonds suédois pour les technologies de l'information au service de l'éducation leur ayant été refusée, ils ont alors décidé de puiser dans leurs propres fonds. Au printemps 1999, un nouveau prototype présentait un tableau de la santé mondiale qui permettait d'utiliser les données pour l'éducation, la mobilisation et la formulation d'hypothèses.

Une fois la première partie du tableau terminée, Hans Rosling l'a présentée au Département des statistiques de l'Organisation mondiale de la santé. L'OMS s'est montrée intéressée et a accepté de parrainer le reste du projet, ce qui leur a permis d'achever la première version bêta. Forts de l'appui de l'OMS, ils ont obtenu une aide de l'Agence suédoise pour le développement international, qui est devenue par la suite le principal contributeur aux autres programmes. En mars 2003, Hans Rosling a rencontré la Division des statistiques du Programme des Nations Unies pour le développement. Grâce aux fonds collectés, les Rosling ont pu produire de nombreux prototypes sur divers sujets tels que l'éducation, la santé et les revenus, la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement ou les tendances du développement humain. Hans Roslin a dit à la Chronique de l'ONU que le développement du logiciel était compliqué et avait nécessité la création d'une société à but non lucratif composée de programmeurs informatiques et de graphistes. L'objectif de la nouvelle initiative, appelée Gapminder, était de proposer une visualisation graphique des écarts entre les pays.

Dans une interview à la Chronique, Paul Cheung, chef de la Division des statistiques de l'ONU, a soutenu l'idée de rendre la base de données des Nations Unies plus visible et plus accessible au public : « Nous sommes toujours contents de voir que nos données sont utilisées à des fins d'analyse. Mais avec ce logiciel, Hans Rosling a touché un public international, et nous sommes particulièrement satisfaits de voir que ce logiciel est populaire et utilisé aujourd'hui par un grand nombre ». Il ajouté que produire une base de données précise était la première priorité de la Division, mais que les universitaires et les organismes de recherche étaient encouragés à créer leurs propres outils innovants pour rendre ces statistiques plus accessibles au public.

Gapminder est, sans aucun doute, l'un des premiers outils mis au point dans le cadre de cette initiative. On peut visualiser et télécharger le logiciel sur le site Internet (www.gapminder.org). Hans Rosling et ses collègues ont constaté un échec en matière d'accès aux données mondiales : beaucoup de pays souhaitent avoir plus de données mais n'ont pas les moyens de le faire. Les compétences nécessaires pour analyser les statistiques ont encore réduit davantage le nombre de personnes ayant accès aux données et étant capables de les analyser. Grâce à Internet et au concept des biens publics mondiaux, cet échec pourra être surmonté.

Pour Hans Rosling, l'objectif du logiciel de Gapminder, ou d'un autre logiciel plus sophistiqué développé par d'autres, était d'établir un lien crucial entre les données statistiques fournies par les Nations Unies, les gouvernements ainsi que les organisations non gouvernementales et la société civile. Faire en sorte que le public soit informé des objectifs et des progrès des projets mondiaux est un pas essentiel dans leur réalisation. Équipés d'outils éducatifs tels que celui de Gapminder, le public et les décideurs politiques pourraient convertir ces multiples bases de données en un beau « jardin fleuri » d'objectifs mondiaux réalisés, rêve que caresse Hans Rosling depuis longtemps.

Des outils statistiques pour mesurer le développement humain
Le bien-être d'une nation va au-delà de la stabilité économique caractérisée par un taux de chômage bas et un niveau de revenus élevé. La richesse financière est seulement un instrument pour réaliser l'objectif ultime du développement humain - le bien-être des peuples qui implique davantage la liberté de choix, la réalisation de soi-même par le biais de l'éducation et de la carrière professionnelle, le niveau élevé de santé publique et le respect mutuel entre les nations.

Le Rapport du développement humain (RDH), publié par le Programme des Nations Unies pour le développement, est un guide pratique qui permet de comprendre quels indicateurs sont utilisés pour évaluer le développement humain et les critères utilisés pour définir la position actuelle et le classement d'un pays ou d'une région. Il fournit également des données statistiques qui ont des implications importantes dans divers domaines scientifiques et est largement utilisé à la fois par le public et les responsables politiques.

Le Rapport 2004 va même plus loin; il fournit des données et des statistiques afin d'évaluer les progrès réalisés pour mettre en ouvre les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) dans chaque pays. Lancé pour la première fois en 1990, le RDH présente chaque année ses résultats sur plus de 100 pays. Depuis, quatre indices de développement humain ont été créés : l'indicateur du développement humain (IDH); l'indicateur de la participation des femmes; l'indicateur sexospécifique du développement humain; l'indicateur de la pauvreté humaine. Le Rapport présente des tableaux indicateurs du développement humain basés sur l'IDH et des analyses statistiques.

L'IDH est un outil d'évaluation du bien-être humain plus objectif et plus réaliste que le niveau du revenu national. Il représente trois éléments du développement humain : la longévité (l'espérance de vie à la naissance), le savoir (l'alphabétisation des adultes et le niveau moyen d'instruction) et le revenu (le produit national brut par habitant en parité du pouvoir d'achat exprimé en dollars américains).

Les statistiques sont l'outil principal du RDH, et leur qualité est de mise (voir Chronique ONU, numéro 4, 2003, page 12). Ce ne sont pas seulement des données collectées mais plus un moyen de combler les manques en matière de statistiques, de réduire l'incohérence des estimations des données nationales et internationales, de les interpréter correctement et de créer le plus objectivement possible des modèles statistiques efficaces. Elles sont précises et fiables grâce au soutien et à la coopération de nombreux centres de données et d'experts. Le RDH doit également être conçu de manière à ce que les données soient comprises par le public, grâce à des images visuelles qui illustrent l'évolution des indicateurs principaux dans le temps. Des graphiques animés représentant les progrès des OMD et les tendances du développement humain ont été inclus dans le Rapport 2003, alors que le Rapport 2004 contient un nouvel outil important - un graphique à deux dimensions avec les indicateurs de l'IDH en axe - qui permet de suivre l'évolution des pays en matière de développement. Les graphiques, créés et fournis par Gapminder, une organisation à but non lucratif établie en Suède, sont accessibles au public gratuitement. -Oksana Kim
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