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Les enfants soldats en Ouganda : une crise humanitaire

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L'article
Dans le nord de l'Ouganda, les enfants sont devenus les machines à tuer des rebelles. Certains n'avaient que huit ans lorsqu'ils ont été enlevés par l'Armée de résistance du Seigneur (LRA) et enrôlés dans le mouvement de rébellion. Depuis la rébellion contre le gouvernement, qui dure depuis 18 ans, quelque 30 000 enfants ont été enlevés pour en faire des soldats et des porteurs. Les rebelles s'approprient les jeunes filles qui mettent au monde leurs enfants. Au cours des 18 derniers mois, 10 000 enfants ont été enlevés suite à une offensive militaire ougandaise contre la LRA.


Pour échapper aux rebelles ainsi qu'aux attaques et aux massacres, de nombreux enfants fuient leur maison, souvent avec leur mère, pour rejoindre des camps sordides et surpeuplés. Quelque 40 000 « passagers de la nuit » dorment sous des vérandas, dans des écoles, dans des cours d'hôpitaux et dans des parkings. Le nombre de personnes déplacées à l'intérieur du pays a pratiquement triplé depuis 2002. La poursuite de la guerre met en péril les progrès économiques réalisés par l'Ouganda, dont le produit intérieur brut (PIB) a augmenté de plus de 8 % durant ces trois dernières années. L'instabilité dans le Nord et l'Est du pays a provoqué le déplacement sans précédent des populations.

Dans ses efforts continus visant à combattre l'utilisation des enfants comme soldats, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté le 22 avril la résolution 1539 (2004), rappelant aux États qu'il leur incombe de « mettre fin à l'impunité et de traduire en justice les responsables de génocide, de crimes contre l'humanité, de crimes de guerre et d'autres crimes graves perpétrés contre les enfants ». La résolution a également demandé aux parties de « préparer dans les trois mois un plan d'action concret afin de mettre fin au recrutement et à l'utilisation des enfants en violation des obligations internationales qui les lient. En vertu du Statut de Rome de la Cour criminelle internationale, le recrutement des enfants de moins de quinze ans ou leur utilisation en vue de participer activement aux hostilités sont considérés comme un crime de guerre. Par ailleurs, le Protocole facultatif à la Convention sur les droits de l'enfant établit un âge minimum de 18 ans pour le recrutement et la participation directe aux hostilités.

Malgré des développements positifs concernant la protection des enfants touchés par les conflits armés, en particulier en matière de sensibilisation, la résolution fait état d'un manque de « progrès sur le terrain », où les parties en conflit continuent de violer les normes du droit international en matière de protection des enfants.

Malgré la gravité de la situation en Ouganda, moins de 10 % des 130 millions de dollars demandés par la communauté internationale pour 2004 ont été reçus.

Dans certaines régions, le taux de malnutrition parmi les enfants atteint jusqu'à 30 %. La peur des attaques des rebelles a sérieusement compromis la saison des semailles cette année, menaçant d'aggraver dans les mois à venir le manque de nourriture déjà problématique.

Alors qu'un processus de paix est en bonne voie dans l'un des pays voisins le Soudan, la paix reste précaire en Ouganda où le conflit dans le Nord et dans l'Est du pays ne montre aucun signe d'affaiblissement.    —Namrita Talwar

L'innocence perdue
L'Armée de résistance du Seigneur, dont l'effectif est composé de 90 % d'enfants, est devenu un cas classique de guerre qui révèle l'aspect le plus alarmant d'une crise humanitaire. Les enfants sont brutalisés et forcés de commettre des atrocités sur d'autres enfants enlevés ou même sur leurs frères et sours. Ceux qui tentent de s'échapper sont tués.

Selon une étude récente publiée par la revue scientifique britannique, The Lancet, les enfants soldats qui ont fait partie du groupe de rebelles de la LRA et qui ont été forcés de tuer et d'assister à des exécutions, seront probablement traumatisés pendant des années après avoir retrouvé leur liberté. Toujours selon l'étude, parmi les 300 anciens enfants soldats qui ont été interrogés, plus de la moitié de ceux qui ont été enlevés à un âge moyen de douze ans ont été battus, 77 % ont assisté à une exécution, 39 % ont tué une autre personne et 39 % ont enlevé d'autres enfants. Plus d'un tiers des filles ont été violées et 18 % ont mis au monde leur enfant pendant leur captivité. « Ces anciens enfants soldats étant souvent tenus responsables et stigmatisés pour les innombrables atrocités qu'ils ont commises - le plus souvent contre leurs proches ou leur communauté -, leur rétablissement psychologique et leur réintégration seront probablement très compliqués », indique l'étude.

Sur 71 enfants qui ont répondu au questionnaire mis au point pour évaluer les souffrances post-traumatiques, 69 présentaient des signes cliniques graves. Selon l'étude, presque tous ont été exposés en moyenne à six événements traumatiques. Environ 6 % ont vu leur mère, leur père, leur frère ou leur sour assassinés sous leurs yeux et 2 % ont participé à l'exécution de leur père, de leur frère ou d'un proche. Plus d'un tiers des enfants étaient sans mère, et deux tiers sans père, souligne Le Lancet.
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