Chronique ONU
Relever le défi du tabagisme
Par Namrita Talwar, pour la Chronique

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L'article
© Photo OMS/P. Virot
Toutes les huit secondes, une personne est victime du tabagisme qui tue 4 millions de personnes par an. La demande mondiale en tabac, spécialement dans les pays en développement, devrait continuer d'augmenter pendant au moins une autre décennie.

Selon un rapport intitulé Projections relatives à la production, à la consommation et au commerce du tabac d'ici à 2010, publié récemment par l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), alors que dans les pays développés le tabagisme est en déclin, la consommation de tabac dans les pays en développement devrait augmenter.

Durant les quarante dernières années, la recherche médicale, les campagnes anti-tabac, la sensibilisation aux risques pour la santé et les initiatives menées par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) pour promouvoir la santé et encourager la mise en place de politiques de contrôle du tabac a mis en évidence les dangers du tabac. Dans les pays industriels, la consommation est passée de 34 % en 1998 à 29 % en 2004. Pourtant, malgré les preuves scientifiques, la consommation de cigarettes dans les pays en développement devrait poursuivre sa progression pour atteindre 71 % d'ici à 2010, indique le rapport.

« Les niveaux démographiques et les revenus augmentent plus rapidement dans les pays en développement, ce qui entraîne une augmentation de la consommation », a dit Brian Moir, spécialiste des produits à la Division Produits et commerce à la Chronique ONU. L'une des raisons pour laquelle la consommation n'a pas diminué vient du fait que la diminution des subventions à la production aux États-Unis et dans l'Union européenne a engendré une baisse de la production, ce qui a eu pour effet de pousser l'industrie à délocaliser ses activités dans les pays en développement.

Source: Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture
« L'aide à la production agricole dans les pays développés fait généralement l'objet de pressions dans les négociations en matière de commerce international et en raison du budget interne », a expliqué M. Moir.

Surtout en ce qui concerne le tabac, « les gouvernements et les contribuables sont concernés par le fait qu'ils soutiennent la production d'un produit dangereux pour la santé, ce qui impose des coûts supplémentaires dans le système de soins de santé. » Selon les projections, la production mondiale de tabac devrait dépasser 7,1 millions de tonnes en 2010, contre 5,9 millions de tonnes en 1997/99. Bien que l'on reste en deçà de la production record de 1992, qui avait atteint 7,5 millions de tonnes, le nombre de fumeurs est appelé à augmenter de 1,5 % par an, indique le rapport de la FAO. Durant les dernières années, les sociétés multinationales se sont tournées vers de nouveaux marchés à l'étranger. À elle seule, la Chine représente plus de 35 % de la production mondiale et quelque 320 millions de consommateurs. Tirant parti des nouvelles tendances dans le domaine du commerce avec la libéralisation et la mondialisation, les sociétés multinationales ont eu accès aux marchés en Asie et Afrique, jusqu'alors restreints.

Selon le rapport, l'offre devrait augmenter dans les pays où les coûts de production sont faibles et où l'infrastructure routière et l'accès aux marchés internationaux favorisent la production de cigarettes.

© Photo OMS/P. Virot
Il existe diverses façons de freiner cette épidémie. L'OMS prend de nouvelles initiatives pour diminuer la consommation, telles que la Convention-cadre sur le contrôle du tabac (CCCT), qui offre un réseau multilatéral de contrôle et de réglementation. En 2003, l'Assemblée mondiale de la santé a adopté le traité qui a été ouvert à la signature et à la ratification en juin 2003. Pour entrer en vigueur, il doit être ratifié par 40 pays. Cependant, comme l'indique clairement le rapport de la FAO, malgré les efforts de prévention, la consommation mondiale continuera d'augmenter dans les années à venir du fait de l'accroissement démographique et de l'augmentation des revenus dans un grand nombre de pays.

Heather Selin, conseillère en matière de contrôle du tabac à l'Organisation panaméricaine de la santé/OMS, a dit à la Chronique : « D'un côté, le rapport de la FAO apporte des conclusions positives. Les pays peuvent adopter des mesures de contrôle du tabac strictes, sachant qu'il n'y aura pas d'importants remous à moyen terme dans l'économie du tabac. » En fait, cela permettra aux pays de réduire le fardeau des soins de santé. « La productivité économique augmentera du fait qu'il y aura moins de personnes malades et de décès liés au tabac », a-t-elle ajouté.

Mais cela est plus facile à dire qu'à faire. La publicité pour le tabac et le financement de la mise en ouvre de la convention ont été les questions sur lesquelles les pays ont eu le plus de difficultés à s'entendre. « La publicité a été une sujet de divergence : certains pays en souhaitaient l'interdiction totale alors que d'autres invoquaient certains droits constitutionnels », a expliqué Mme Selin. Finalement, un accord a été négocié : la publicité était autorisée dans les limites prévues dans la constitution de certains pays et interdite, dans les cinq ans suivant la ratification, pour les autres pays.

De nombreux pays craignaient également qu'à moins d'être examinés par la CCCT, les accords de l'Organisation mondiale de la santé et d'autres accords commerciaux étouffent la convention si les entreprises de tabac contestaient les mesures de contrôle prises en vertu de ces accords. « En fin de compte, cette question n'est pas mentionnée dans la convention, mais le débat sur la santé et le commerce a fait prendre conscience du défi que représente la libéralisation de plus en plus importante du commerce international concernant un produit qui tue », a commenté Mme Selin. De même, « le financement pour la mise en ouvre de la convention reste un défi ». Aucun mécanisme de financement obligatoire n'est établi dans la CCCT.

Selon Mme Selin, un grand nombre de pays en développement estiment que les pays développés doivent prendre la responsabilité de financer le contrôle mondial du tabac, non seulement en raison de leur capacité à le faire mais aussi parce que l'épidémie du tabac a été causée en grande partie par les multinationales du tabac des pays développés. Cependant, « les pays développés ne voulaient pas être liés à une formule de financement obligatoire », a-t-elle ajouté.

Des travaux récents ont été centrés sur l'industrie du tabac elle-même. Dans ce contexte, Mme Selin a souligné que des efforts devraient être entrepris pour « créer des politiques publiques qui ne coûtent pratiquement rien et qui ont un impact immédiat, comme l'interdiction de la publicité, l'interdiction de fumer dans les lieux publics et l'adoption de taxes plus élevées ». Pour comprendre la force motrice qui sous-tend la consommation et pour combattre son omniprésence, « il faut arriver à ce que tous les pays, riches comme pauvres, reconnaissent que le contrôle du tabac est un bon investissement ».

Faits et méfaits du tabac
  • Plus de décès liés au tabac surviennent dans les pays en développement que dans les pays développés.


  • D'ici à 2030, 70 % de tous les décès liés au tabac auront lieu dans les pays en développement.


  • Au Bangladesh, les foyers les plus pauvres dépensent la moitié de ce qu'ils dépensent en soins de santé, et presque dix fois plus en tabac qu'en éducation.


  • Au Bangladesh seulement, plus de 10,5 millions d'enfants pourraient être sauvés de la malnutrition si leurs parents dépensaient leur argent pour acheter de la nourriture au lieu du tabac.


  • Dans de nombreux pays, les terrains rares sont utilisés pour la culture du tabac au lieu des cultures vivrières.


  • Le revenu net de la culture de tabac est inférieur à celui des cultures vivrières. De plus, le bois est utilisé comme combustible dans le traitement des feuilles de tabac, ce qui entraîne le déboisement. Ceci représente un problème important dans certaines régions d'Afrique. Par exemple, en Afrique australe seulement, on estime que 140 00 hectares de forêts disparaissent chaque année pour sécher les feuilles de tabac.


  • La plupart des cigarettes consommées dans le monde sont des marques internationales, et dans bon nombre de pays les recettes en devises étrangères dues à l'exportation du tabac sont inférieures aux dépenses dues à l'importation de tabac. Par exemple, en 1997-1998, le Bangladesh a engrangé 5,5 millions de dollars en devises étrangères pour l'exportation du tabac, mais a dépensé 20,5 millions de dollars pour l'importation du produit, soit une perte nette de 15 millions de dollars.
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