Chronique ONU
Le rôle de l'éducation dans la promotion de la santé et des droits de l'homme
Par Alex Otieno

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L'article
Dessin de Phoo Pwint Phyu, 12 ans, Myanmar, l'un des lauréats du concours d'affiches organisé par le Sommet mondial sur la société de l'information, en collaboration avec le Cyberschoolbus de l'ONU
Depuis déjà un certain temps, les professionnels de la santé ouvrant à la promotion de la santé considèrent que les politiques gouvernementales sont des éléments importants d'une approche structurelle pour obtenir des résultats aux niveaux individuel et communautaire. Cependant, la plupart d'entre nous n'ont pas encore identifié les liens entre maladie et prévention, mortalité prématurée et droits de l'homme. En fait, il n'est pas étonnant que les professionnels de la santé considèrent les droits de l'homme comme étant du ressort des avocats, des spécialistes en sciences politiques et des activistes. Pour ma part, je soutiens que les développements qui ont lieu dans le monde moderne indiquent qu'il faut remédier de toute urgence à cette situation si nous voulons atteindre les objectifs de santé nationaux et mondiaux.

Le lien entre la santé - définie par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) comme « un état de bien-être physique, mental et social total et non simplement comme une absence de maladie ou d'infirmité » - et les droits de l'homme a été largement reconnu dans les années 1990 dans les universités et parmi les groupes de défense. Cette question a été abordée dans les conférences nationales et internationales, dans des revues académiques et des cours universitaires, ainsi que dans des centres comme le Centre François-Xavier Bagnoud pour la santé et les droits de l'homme de l'université Harvard. Elle a également fait partie des directives et des mandats de l'OMS et du Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) et a donné lieu à des actions telles que celle intentée par la Campagne d'action pour le traitement du sida en Afrique du Sud contre le gouvernement sud-africain afin que les citoyens aient accès aux médicaments antirétroviraux.

Par sa nature même, le lien entre la santé et les droits de l'homme appelle un travail sur deux fronts : la recherche et l'enseignement universitaires d'une part et l'engagement à créer des services et des politiques d'autre part. Le docteur Jonathan Mann, chercheur de renom et défenseur des droits de l'homme aujourd'hui disparu, et ses collègues, ont abordé cette question en confrontant les défis engendrés par la pandémie du VIH/sida et les abus perpétrés par les acteurs étatiques et non étatiques. Les analyses réalisées à partir d'études de cas en Irak, au Afghanistan, au Timor-Leste, au Guatemala, en Colombie, au Rwanda et en Haïti montrent que les abus des droits de l'homme ont eu des conséquences graves sur la santé. Ce lien apparaît également dans les questions comme les droits de reproduction des femmes; la mutilation génitale féminine, le traitement des réfugiés et des personnes déplacées dans leur pays, ainsi que les droits des groupes ethniques et minoritaires. La mission d'étude et les activités d'institutions telles que Physicians for Human Rights, Global Lawyers et Physicians, Human Rights Watch et Amnesty International indiquent également que le plaidoyer en faveur des individus et des communautés dont la santé et le bien-être sont affectés par les politiques gouvernementales est une stratégie adéquate.

Parallèlement, il faut reconnaître la responsabilité des professionnels de la santé complices d'abus, tels que les pratiques eugéniques et les pratiques d'exclusion des malades mentaux et d'autres personnes stigmatisées, ce qui a perpétué les disparités en matière de soins de la santé. Les procès de Nuremberg ont également mis en évidence la complicité des médecins nazis et sont en quelque sorte les précurseurs des protocoles stricts mis en place par les comités chargés de l'examen des institutions afin de protéger les sujets de recherche. Il faut cependant rappeler que ces professionnels ont été aussi des victimes parce qu'ils ont travaillé avec des adversaires aux régimes de dictature. Il leur faut donc être très conscients de l'influence qu'ils peuvent avoir dans le domaine des droits de l'homme sur les politiques gouvernementales.

La conception et la mise en ouvre des systèmes de santé efficaces peuvent améliorer la santé et soulager les souffrances humaines. L'action de l'État visant à atteindre les objectifs du millénaire pour le développement de l'ONU (OMD), tels que la réduction de la pauvreté, l'amélioration de l'accès à l'eau et à l'assainissement et la réduction de la mortalité maternelle et infantile, est liée à la santé. Chaque OMD nécessite un engagement, une collaboration entre les diverses parties concernées, ainsi que la priorité des gouvernements. Au niveau international, le système de traité des droits de l'homme illustre le lien entre la santé et les droits de l'homme. L'article 25 de la Déclaration universelle des droits de l'homme1 et la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale abordent les politiques qui autorisent les pratiques discriminatoires, telles que celles dans l'étude sur la syphilis à Tuskegee, aux États-Unis2. Ces questions de santé sont également abordées dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels3 et la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes4.

La Commission des droits de l'homme des Nations Unies a reconnu le droit de jouir pleinement du meilleur état de santé physique et mentale et a défendu le droit à l'éducation. Elle a également lancé une action pour garantir le droit à l'alimentation et à un logement adéquat, lutter contre la pauvreté extrême, les causes et les conséquences de la violence à l'égard des femmes ainsi que les conséquences néfastes des déplacements illicites et du déversement des produits et des déchets toxiques et dangereux sur la jouissance des droits de l'homme. Il est clair que le travail de la Commission peut soulager la souffrance humaine, prévenir les dommages physiques et psychologiques et donc améliorer la santé des individus et des populations. Associé aux instruments des droits de l'homme et aux solutions apportées par des organisations régionales telles que l'Union africaine et l'Union européenne, ceci démontre les effets potentiels que la promotion des droits de l'homme a sur la santé.

Améliorer la prise de conscience reste un défi à relever. Selon des sondages réalisés auprès d'étudiants qui suivent des cours sur la santé et les droits de l'homme, il est clair que les instruments des droits de l'homme sont peu connus. L'éducation peut donc permettre d'intégrer ce lien aux politiques locales, nationales et régionales. Les efforts de diffusion de l'information entrepris sous l'égide de la Décennie des Nations Unies pour l'éducation en matière de droits de l'homme (1995-2004) peuvent constituer un point de départ, tandis que les cours enseignés dans les universités et les séminaires, ainsi que les efforts des médias, peuvent être un moyen d'améliorer la prise de conscience de la société.

Des efforts sont entrepris pour que les gouvernements prennent leur responsabilité en matière de logement, d'alimentation et de fourniture des soins de santé ainsi qu'en matière de torture et autres actes de violence qui résultent des dommages physiques subis par des personnes. Les réunions annuelles de la Commission des droits de l'homme peuvent être le lieu adéquat pour présenter des recommandations en vue d'améliorer les questions qui touchent à la santé, telles que la stigmatisation et la discrimination des personnes séropositives, leur accès aux thérapies disponibles, ainsi que la situation des réfugiés et des personnes déplacées dans leur pays. Il incombe donc aux défenseurs des droits de l'homme et aux professionnels de la santé d'intensifier leurs efforts pendant cette dernière année de la Décennie pour l'éducation en matière de droits de l'homme, afin de fournir un travail de base qui permettra l'élaboration de stratégies à long terme pour lier la santé et les droits de l'homme de façons créatives et durables. Les universités peuvent jouer un rôle de premier plan en la matière, en ayant pour objectif la promotion de la santé et l'émergence d'une culture de la paix.

Notes
1.(1) Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que les services sociaux nécessaires; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d'invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté.

(2) La maternité et l'enfance ont droit à une aide et à une assistance spéciales. Tous les enfants, qu'ils soient nés dans le mariage ou hors mariage, doivent jouir de la même protection sociale.
2.Les détails de ce traitement des Afro-Américains contraire à l'éthique sont documentés dans Bad Blood de James Jones.
3.Dans les articles 11 et 2 de la Convention, les États parties reconnaissent le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y compris de la nourriture, des vêtements et un logement suffisants; le droit fondamental d'être à l'abri de la faim et le droit de jouir du meilleur état de santé physique et mentale.
4.Les Nations Unies ont noté que « la Convention est le seul traité des droits de l'homme qui affirme les droits de reproduction des femmes et qui donne à la tradition et à la culture un rôle primordial en matière d'égalité des hommes et des femmes et de relations familiales ». (http://www.un.org/womenwatch/daw/cedaw/)
Biographie
Avant d'enseigner la sociologie et l'anthropologie, ainsi qu'un cours sur la paix internationale et la résolution des conflits à Arcadia University, en Pennsylvanie, Alex Otieno a travaillé avec des organisations gouvernementales pour la lutte contre le VIH/sida et l'aide aux sans-abri à Philadelphie (États-Unis) et à Nairobi (Kenya).
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