Chronique ONU
Retour de Ralph Bunche dans la ville où il a vécu
Une exposition commémorative à New York
Par Val Castronovo

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L'article
Martin Luther King Jr., Coretta Scott King et Ralph Bunche aux Nations Unies, en 1964. Photo ONU
La célébration, durant une année, de la naissance de Ralph Bunche, le 7 août 1903, a, d'une certaine façon, fermé la boucle avec la nouvelle exposition du Museum of Arts du Queens, Ralph Bunche: Diplomat for Peace et Justice, présentée à Flushing Meadows-Corona Park dans le Queens, à New York, du 11 avril au 4 juillet 2004. Elle a fermé la boucle parce que M. Bunche, lauréat du prix Nobel de la paix et ancien secrétaire général adjoint des Nations Unies, a vécu dans le Queens de 1947 jusqu'à sa mort, en 1971. En effet, il a habité près du Queens Museum, d'abord dans un logement de fonction de l'ONU, puis dans une maison à Kew Gardens. Il a travaillé dans le bâtiment qui a abrité l'Assemblée générale de l'ONU de 1946 à 1950, maintenant transformé en musée. C'est dans ce bâtiment, qui a été construit lors de l'Exposition mondiale de 1939, qu'a été ratifié le plan de partage de la Palestine qu'il avait élaboré. Le musée du Queens semble donc un lieu particulièrement bien choisi pour refléter la vie et le legs de cet extraordinaire Africain-Américain, issu d'une famille modeste (son père était coiffeur), qui est devenu un acteur majeur sur la scène internationale.

L'exposition, la plus complète de ce genre dans le pays, présente plus de 200 photos, documents, films, objets et souvenirs venant de trois expositions précédentes et des archives de l'université de Californie à Los Angeles (UCLA).

La documentation est organisée autour de trois questions qui lui étaient chères, à la fois sur le plan personnel et sur le plan professionnel : les relations raciales aux États-Unis, la décolonisation en Afrique et la paix au Moyen-Orient. La galerie principale est consacrée à la chronologie impressionnante des grandes périodes de sa vie et du siècle où il a vécu.

Bien que des parties de l'exposition aient été présentées dans d'autres lieux à New York (au siège de l'ONU, au Schomburg Center for Research in Black Culture et au Ralph Bunche Institute au CUNY Graduate Center), l'exposition du musée du Queens est la première à introduire à la fois des ouvres d'art thématiques d'artistes contemporains de M. Bunche - Archibald Motley, Augusta Savage, Charles White et Elizabeth Catlett - et d'artistes contemporains - Radcliffe Bailey, Doron Solomons, Brad McCallum et Jacqueline Tarry. Plusieurs ouvres ont été spécialement commandées pour le musée. Franklin Sirmans a organisé l'exposition.

La collection dans les galeries est principalement consacrée aux documents d'archives, un trésor pour les étudiants en histoire de toutes sortes : politique, sociale, culturelle, intellectuelle et diplomatique. Sir Brian Urquhart, son successeur au poste de Secrétaire général adjoint pour les Affaires politiques spéciales et auteur de la biographie An American Odessey (1998), a été conseiller historique pour l'exposition et guide les visiteurs, expliquant les complexités du plan de partage de la Palestine, les accords de paix au Moyen-Orient, les origines des forces du maintien de la paix et la genèse du mouvement de décolonisation, domaines dans lesquels M. Bunche a joué un rôle central.

Comme la chronologie le révèle, il est abonné aux premières places. Il a été le premier de la classe à Jefferson High School à Los Angeles, mais n'a pas reçu les honneurs de la ville à cause de sa race, puis le premier de la classe à UCLA. Il a été le premier Africain-Américain à obtenir un doctorat en sciences politiques et en relations internationales à l'université de Harvard, le premier Africain-Américain à diriger la division du Département d'état américain, et la première personne de couleur à recevoir le prix Nobel de la paix. Un grand nombre de souvenirs personnels et universitaires sont exposés, allant du manuel scolaire des années de lycée à son sweat-shirt d'université (c'était un athlète en base-ball, en football et en basket-ball) en passant par un relevé de notes de sa maîtrise en sciences politiques (il avait toujours d'excellentes notes) et son mémoire sur l'Administration française au Togoland et au Dahomey en 1934, ces deux derniers ayant été réalisés pendant ses années à Harvard.

Ce militant-diplomate-universitaire était un personnage influent par excellence. En lisant la chronologie, nous apprenons qu'il a fondé le Département de sciences politiques à l'université Howard à l'âge de 28 ans; a cofondé le Negro Congress en 1936; a publié son premier livre A World View of Race la même année; a été directeur de recherche et conseiller auprès de Gunnar Myrdal, directeur de l'étude révolutionnaire sur les races, An American Dilemma (1944); a été nommé analyste en sciences sociales au Bureau américain des services stratégiques (OSS) en 1941; a collaboré à l'élaboration de la Charte de l'ONU en 1945; et a été directeur de la Division de la tutelle de l'ONU en 1946. Le visiteur remarquera que sa plaque bleue de l'ONU, datant de 1947, a été conservée.

La visite continue, ponctuée de ses nombreuses réalisations et de ses objets personnels. On y trouve le fac-similé du vote de l'Assemblée générale de l'ONU sur le plan de partage de la Palestine qu'il a élaboré; l'étui en cuir de son prix Nobel de la paix ainsi que la Médaille de la Liberté des États-Unis et le certificat qu'il a reçus en 1963. On peut également voir divers articles datant de la Marche de Washington en 1963 avec Martin Luther King, Jr. ainsi que le registre de condoléances lors de ses funérailles à Riverside Church, à New York, daté de décembre 1971 (le Secrétaire général alors en poste, U Thant, avait fait l'éloge de son collègue et avait été le premier à le signer). Des diapositives sont projetées dans la galerie présentant la chronologie qui montrent M. Bunche, l'homme et l'homme d'État en compagnie de leaders mondiaux, de diplomates, de sa famille ou d'amis. Sur une table de lecture installée au centre de la salle, les visiteurs peuvent voir un exemplaire de ses écrits et de ses discours. Il maniait les mots avec une aisance extraordinaire, ce qui explique son succès en tant que médiateur. Il suffit de lire son discours du prix Nobel de la paix de 1950 Some Reflexions on Peace in our Time (voir Chronique ONU, numéro 3, 2003) pour s'en persuader ou bien son allocution à Brown University, Man in a Contracting World in an Expanding Universe, ou encore son discours à la mémoire de Dag Hammarskjöld.

Trois parties de la galerie satellite présentent des articles qui vont au-delà des grands thèmes de l'exposition. Ne manquez pas la peinture murale de Charles White, Progress of the American Negro (1939-1940), dans la salle consacrée aux relations raciales. Il s'agit d'un portrait expressif et très touchant de cinq figures emblématiques africaines-américaines : Sojourner Truth, Booker T. Washington, Frederick Douglass, George Washington Carver et Marian Anderson. Comme le conservateur l'a fait remarquer, « l'histoire de l'Amérique noire continue de se former. Aujourd'hui, un jeune artiste pourrait très bien ajouter Bunche à la généalogie... »

Les divers articles personnels exposés dans les salles à thème ajoutent une touche humaine. Dans la galerie consacrée à la décolonisation, j'ai particulièrement aimé le chapeau que Ralph Bunche portait dans les années 70 ainsi que son porte-documents. Nous apprenons qu'en plus de la paix et de la justice, il avait une passion pour les Borsalinos, qu'il achetait en Europe, et qu'il ne portait aucun autre modèle. Nous pouvons admirer sa magnifique collection de cartes postales africaines, acquises à la fin des années 1930 lorsqu'il faisait des recherches sur le colonialisme, ainsi qu'une sélection de 12 000 photos prises pendant son voyage de deux ans en Afrique.

Dans une vitrine de l'exposition, est exposé un guide qu'il a écrit lorsqu'il travaillait pour les OSS. Intitulé Union of South Africa, Soldier's Guide: What Americans Should Know about
South Africa
(entre 1941 et 1944), ce guide est une démystification intelligente et simple de l'expérience africaine : « On passe d'une Union des États-Unis d'Amérique à une autre - l'Union de l'Afrique du Sud [...] Ici, les gens sont blancs, bruns de peau et noirs, les mêmes types que l'on rencontre aux USA. Lorsqu'on se promène dans les rues du Cap, de Durban ou de Johannesburg, on pourrait se croire à Washington, à St. Louis ou à Atlanta - ou même à Harlem. »

La signature de l'accord d'armistice israélo-égyptien, le 2 février 1949. Photo offerte par le Queens Museum of Art
Une table de billard est installée dans la salle suivante consacrée au Moyen-Orient où les visiteurs sont invités à jouer. M. Bunche était un excellent joueur, nous dit-on, et une image du billard du légendaire négociateur pendant les pourparlers d'armistice israélo-égyptiens à Rhodes, en 1949, est projetée sur la table. Les divers accords d'armistice pour lesquels il a été le médiateur en 1948 et 1949 entre Israël et ses quatre voisins arabes lui ont valu le prix Nobel de la paix.

En 1966, quelques années avant sa mort, le super diplomate a confié son secret à un journaliste : « Je suis un optimiste de nature. Si je ne l'étais pas après 21 ans de travail aux Nations Unies, principalement consacré aux régions de conflit - en Palestine, au Congo, ici [à Chrypre] et au Cachemire - je serais devenu fou. Il faut être optimiste pour faire ce genre de travail ou bien il vaut mieux faire autre chose [...] L'optimisme, c'est assumer qu'il n'y a aucun problème [...] qui ne puisse être résolu et qu'il faut donc s'y attaquer sans relâche, avec la certitude qu'une solution est possible.
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