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L'INTERVIEW de la Chronique

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La biographie
Ibrahima E. Sall est directeur du Programme de coordination et d'assistance pour la sécurité et le développement (PCASED), un projet régional en Afrique lancé par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) pour lutter contre la prolifération des armes légères et mettre en ouvre l'instrument du moratoire sur l'importation, l'exportation et la fabrication d'armes légères, signé par 15 chefs d'État et de gouvernement de la CEDEAO. Diplômé de l'École des hautes études commerciales (HEC) et de la Sorbonne à Paris, ainsi que de la Wharton School of Finance de l'université de Pennsylvanie, M. Sall a été ministre de la planification, du développement économique et de la coopération internationale au Sénégal et membre du personnel de la Société financière internationale. Il a également été conseiller auprès d'organisations internationales telles que l'Organisation de coopération et de développement économiques.

L'interview
Sur la prolifération des armes légères et de petit calibre
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, des dizaines de milliers de personne ont été tuées par des armes conventionnelles, principalement des armes légères et de petit calibre, telles que les carabines, les mitraillettes et les lance-grenades propulsés par roquettes. Faciles à acheter, à transporter et à utiliser, ces armes de type militaire sont les armes de choix dans les conflits de faible intensité et celles des trafiquants de drogue, des terroristes, des rebelles et des criminels, corrodant le tissu même de la société civile.

Il y a actuellement plus d'un million d'armes légères en circulation. Plus de 50 % des armes en Afrique, estimées à 8 millions en Afrique de l'Ouest seulement, ont été utilisées pour alimenter les conflits meurtriers dans cette sous-région, ainsi que dans le bassin de la rivière Mano, en Guinée-Bissau, en Casamance et, plus récemment, en Côte d'Ivoire. Les cycles récurrents de violence, l'érosion de la légitimité politique et la perte de la viabilité économique sont des facteurs qui privent les gouvernements de leur autorité et de leur capacité à lutter contre l'accumulation, la prolifération et l'utilisation des armes légères. La prolifération des armes dans les sociétés alimente les cycles de violence, le désespoir et finit par provoquer l'effondrement de l'État.

La première mesure à prendre pour briser ce cycle vicieux est de reconnaître et de comprendre ce problème qui, jusqu'ici, ne faisait l'objet d'aucune attention particulière de la part des diplomates et des experts en désarmement. La première Conférence internationale des Nations Unies sur les armes légères et de petit calibre sous tous leurs aspects, qui s'est tenue en juillet 2001, est une avancée considérable. De même, la réunion du 18 mars 2003, consacrée à " la prolifération des armes légères et de petit calibre, et le phénomène des mercenaires : menaces pour la paix et la sécurité en Afrique de l'Ouest ", a été une autre occasion opportune de sensibiliser davantage et de mieux comprendre l'accumulation excessive et déstabilisatrice du trafic des armes légères et de petit calibre en Afrique de l'Ouest, ainsi que de promouvoir les efforts internationaux pour traiter ce problème.

Sur le moratoire de la CEDEAO sur les armes légères
Reconnaissant les menaces que posent la prolifération et le trafic des armes légères et de petit calibre pour la sécurité nationale et régionale, et convaincus de la nécessité de mettre en place un mécanisme sous-régional afin d'assurer la sécurité collective en Afrique de l'Ouest, les 15 membres de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) ont signé un moratoire sur l'importation, l'exportation et la fabrication des armes légères en Afrique de l'Ouest. L'approche " sécurité d'abord " est tirée des objectifs du PNUD qui visent à éradiquer la pauvreté et à assurer le développement durable en Afrique, conditions préalables à une meilleure sécurité dans et entre les États. Cette nouvelle approche permettant de répondre pendant et après les périodes de crise, articulée par l'admi-nistrateur du PNUD, Mark Malloch, en janvier 2001, est désormais considérée comme une proposition valide pour les sociétés brisées par les guerres civiles et les conflits armés, et où les impératifs humanitaires et de développement ne peuvent pas être dissociés de la primauté du droit et de la bonne gouvernance. Cette approche intégrée des problèmes auxquels font face les pays qui se trouvent dans des cas de développement spéciaux est exprimée de manière pratique et concrète dans le protocole de la CEDEAO relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de résolution des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité, adopté en décembre 1999, dans une tentative d'institutionnaliser le règlement des conflits et la consolidation de la paix en Afrique de l'Ouest. Un protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance a été ratifié en décembre 2001 pour renforcer la complémentarité entre la paix, la sécurité, la démocratie et le développement durable.

Sur les efforts de désarmement du PNUD en Afrique de l'Ouest
Faisant partie intégrale de nos efforts continus menés pour promouvoir une culture de paix et de sécurité humaine en Afrique de l'Ouest, notre principal objectif en matière de désarmement est d'aider, en vertu de l'article 13 du Code de conduite régissant le moratoire, à renforcer la capacité des États membres de la CEDEAO à procéder à la collecte et à la destruction du surplus d'armes et des armes non autorisées. Avec le moratoire et le Code de conduite comme point d'entrée principal, le PCASED aide les États membres à contrôler le mouvement des armes légères et de petit calibre dans la sous-région et apporte un soutien en consolidant les objectifs du moratoire par le biais du désarmement, de la prévention des conflits et de la consolidation de la paix, activités destinées à créer un environnement sûr afin d'assurer le développement durable dans la sous-région. Les activités du PCASED sont guidées par un plan d'action approuvé par le Conseil des ministres des Affaires étrangères de la CEDEAO en mars 1999 et mis en ouvre par le Bureau des services d'appui aux projets des Nations Unies, en étroite collaboration avec le Secrétariat exécutif de la CEDEAO.

Sur la création d'incitations pour le désarmement
Les activités du PNUD visent à limiter la disponibilité des armes légères et de petit calibre en Afrique de l'Ouest de nombreuses façons. Travaillant avec les commissions nationales et la société civile des États membres de la CEDEAO en vue d'arrêter la propagation des armes légères, le PCASED entreprend les travaux de désarmement pratique en incitant la population à remettre leurs armes aux autorités ou à d'autres personnes agissant au niveau international. Ces incitations sont généralement des micro-projets qui offrent des opportunités d'acquérir des moyens d'existence durables, solution souvent choisie par les communautés qui participent à la remise des armes.

Avant l'établissement du projet en 1999, 3 000 armes légères non autorisées ont été détruites dans la sous-région de la CEDEAO. À la fin de 2002, 35 000 armes supplémentaires avaient été collectées et détruites dans plusieurs États membres, une réussite modeste mais systématique dans la réduction des armes disponibles et la consolidation de la sécurité dans la sous-région. Depuis 2001, nous avons formé plus de 600 membres des forces de sécurité et douanières - armée, gendarmerie, police et douane - afin de renforcer la capacité du secteur chargé de la sécurité dans tous les pays de la CEDEAO. Des succès modestes ont également été enregistrés en matière de renforcement du contrôle des frontières au Mali et une assistance similaire est prévue pour améliorer la coopération transfrontalière entre le Bénin, le Niger et le Nigeria ainsi que pour renforcer la frontière occidentale entre le Ghana et la Côte d'ivoire.

Photo ICEF
Sur l'impact du PCASED
Après quatre années d'opérations de soutien aux objectifs de sécurité et de développement du moratoire, le projet a eu un impact important dans les pays des États membres, principalement par le biais de la création de commissions nationales contre la prolifération et le trafic des armes légères et de petit calibre dans la région. À ce jour, 13 États sont dotés de commissions nationales, la Côte d'ivoire et le Liberia devant établir les leurs d'ici à la fin de l'année. Nos efforts menés pour améliorer l'efficacité des forces armées et de sécurité, la collecte et la destruction du surplus d'armes et des armes non autorisées ainsi que le lancement de plusieurs campagnes de sensibilisation avec la société civile afin de promouvoir une culture de paix ont eu un impact considérable tant chez les acteurs des États membres que chez les citoyens. Au Mali, en particulier, ceci s'est traduit par une réduction des tensions sociales, du nombre d'armes non autorisées en circulation et de l'usage des armes dans certaines parties de la sous-région.

Sur les défis du régime du moratoire
L'un des sujets d'inquiétudes concerne les allégations selon lesquelles certains membres ne respectent pas le Code de conduite et que ces États alimentent les conflits en important et en exportant des armes légères en violation avec le Code de conduite, ce qui pose un grave défi à l'intégrité du moratoire. Le Groupe d'experts des Nations Unies sur le Liberia et la Sierra Leone confirme ces inquiétudes. Dans leur rapport d'octobre 2002, il a été établi qu'entre le 1er juin et le 25 août 2002, huit certificats d'utilisateur différents émanant de pays membres de la CEDEAO avaient été utilisés pour importer plus de 210 tonnes d'armes au Liberia, en violation non seulement avec le Moratoire mais aussi avec l'embargo sur les armes imposé à ce pays. Dans le cadre du régime du moratoire, le PCASED travaille étroitement avec le Secrétariat exécutif de la CEDEAO afin de garantir une stricte conformité avec l'article 9 du Code de conduite, y compris en ajoutant des clauses stipulant que le document d'utilisateur final doit contenir l'engagement de ne pas revendre ou de ne pas transférer les armes sans la permission de l'autorité qui délivre la licence d'exportation et sans celle du Secrétariat de la CEDEAO.

Le commerce des armes devient moins transparent lorsque les transactions ne sont pas sanctionnées publiquement par les gouvernements. C'est le cas lorsque les transactions clandestines sont réalisées dans le " marché gris ". Les acteurs autres que les États, tels que les courtiers, sont un lien vital dans le trafic d'armes. Tandis que la plupart des États membres de l'ONU possèdent des lois sur l'exportation d'armes, tel n'est pas le cas des courtiers et des intermédiaires dans le commerce d'armes. Il est impératif de solliciter également le soutien d'autres acteurs, tels que les principaux fournisseurs et producteurs d'armes.

Un nouveau point important du régime du moratoire a porté sur la reconnaissance qu'un engagement et un dialogue constructifs avec les fournisseurs et les producteurs d'armes serait crucial pour la mise en ouvre du Moratoire. C'est ainsi qu'un accord régional visant à limiter le flux d'armes a été négocié, en vertu duquel les États fournisseurs s'engageaient à respecter ses clauses et à contribuer à sa mise en ouvre. Un accord a donc été conclu avec les Arrangements de Wassenaar, auxquels ont participé 33 États producteurs et exportateurs d'armes. Depuis, le groupe s'est engagé à respecter le Moratoire et a maintenu un dialogue sur le renforcement de ce cadre de coopération.

Sur le financement continu du Programme
Les activités sont financées par des sources multilatérales et bilatérales, dont le PNUD et les gouvernements de la Belgique, du Canada, de la France, du Royaume-Uni, des Pays-Bas, de la Norvège, de la Suède et de la Suisse. Le PCASED a dû développer une stratégie adéquate de mobilisation de ressources qui vise à fournir une position financière saine. Cette stratégie s'est appuyée sur un effort systématique afin de maintenir la confiance des donateurs et d'assurer l'engagement des autres donateurs potentiels intéressés. Cependant, le financement du soutien à la paix et à la sécurité en Afrique de l'Ouest nécessite un plan plus ambitieux. À la dernière réunion d'examen tripartite du 27 février 2003, il a été prévu d'organiser une table-ronde avec les donateurs en décembre, avec la totale coopération d'autres institutions multilatérales, telles que la Banque mondiale.
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