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La politique en matière d'éducation
La Gambie et l'éducation : une expérience réussie
Par Crispin Grey-Johnson

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L'article

Située dans la partie ouest de l'Afrique, la Gambie a une superficie de 11 000 km2. Enclavée dans le Sénégal sauf sur sa façade atlantique, elle compte une population de 1,4 million d'habitants et son taux de croissance de 4,2 % est parmi le plus élevé au monde. Au total, 45 % de la population ont moins de 15 ans et plus de 65 % sont des jeunes à qui il faut fournir l'accès à l'éducation et aux services de formation. Avec un revenu par habitant de seulement 320 dollars, ce pays est classé parmi les pays les moins développés, un statut qui présente des défis pour le développement du pays.

En 1996, dans un document présentant les stratégies du développement intitulé « Gambie Vision 2020 », le gouvernement a résumé sa mission en ces termes :

« Faire de la Gambie un centre financier, un paradis touristique, un centre de commerce, une nation dont le secteur de produits manufacturés est orienté vers l'exportation, une nation soutenue par les politiques de marché libre et un secteur privé dynamique ainsi qu'une population dûment éduquée, formée, compétente, en bonne santé, indépendante et entreprenante et garantissant le maintien d'un écosystème équilibré ainsi qu'un niveau de vie adéquat pour tous ...»

Le gouvernement gambien a reconnu que sans une politique et une stratégie " cohérente et adéquate " en matière d'éducation, les objectifs de Vision 2020 ne seront pas atteints à moins qu'ils ne soient soutenus par une politique délibérée investissant dans les ressources du capital humain nécessaires pour produire, organiser, mobiliser et gérer les processus du développement qui seront indispensables au XXIe siècle. L'éducation et les secteurs de la santé ont donc un rôle central à jouer.

Depuis, les politiques et les programmes d'éducation du gouvernement ont été ancrés dans les objectifs de Vision 2020. Une nouvelle politique et un nouveau plan d'action ont été formulés, mettant particulièrement l'accent sur l'enseignement de base (les neuf premières années), l'amélioration de l'accès à un enseignement de qualité, la prolongation de la durée de l'enseignement secondaire de deuxième cycle de dix à douze ans afin d'améliorer les taux de transition, la réduction des écarts entre les sexes, la formation professionnelle, le développement des compétences scientifiques et technologiques, l'amélioration de l'alphabétisation et des habilités au calcul ainsi que l'amélioration de l'enseignement supérieur par la création d'une université nationale.

L'éducation de base est une stratégie importante pour atteindre les objectifs de Jomtien (Troisième Congrès mondial de l'Internationale de l'éducation, à Jomtien, en Thaïlande, juillet 2001), ainsi que les Objectifs du millénaire pour le développement, à savoir assurer l'éducation pour tous d'ici à 2015.
Photos UNICEF/Giacomo Pirozzi

L'objectif de la Gambie est d'assurer l'éducation formelle de qualité à tous les enfants gambiens d'ici la date prévue pendant une période minimale de neuf ans. Depuis que cet objectif a été fixé, il y a cinq ans, le taux d'inscription brut est passé de 44 à 87 %, plaçant la Gambie devant la majorité des pays de l'Afrique subsaharienne, dont les taux actuels sont de 69 %. Si ce rythme est maintenu, un taux de 100 % pourrait être atteint dans quelques années seulement, bien avant 2015.

La Politique et le Plan d'action avaient également comme objectif d'atteindre un taux de transition de 82 % en 2001 entre l'enseignement de base de premier cycle et celui de deuxième cycle, contre moins de 40 % en 1994. Or, à la date prévue, le taux avait dépassé 90 %, et le cycle primaire d'une durée de six ans a été abandonné au profit d'un cycle d'enseignement primaire de base d'une durée de neuf ans.

Atteindre l'objectif de réaliser l'éducation pour tous dépendra, dans une grande mesure, de la rapidité avec laquelle la Gambie augmentera le nombre de filles inscrites, encouragera la poursuite de leurs études et leurs performances scolaires. En 1996, les filles représentaient seulement 42 % des inscriptions pour les années 1 à 9, près de 35 % pour les années 10 à 12 et seulement 30 % pour la formation des enseignants. Avec la nouvelle politique, de nouvelles mesures innovantes ont été mises en place pour réduire les écarts entre les sexes, entraînant une augmentation du taux d'inscription brut qui est passé à 67 % en 1999, à 73 % en 2001 et à 82 % en 2003. Au niveau secondaire de deuxième cycle, les résultats ont été tout aussi importants. Les programmes scolaires ont été modifiés, l'accent ayant été mis sur le système d'évaluation afin que l'apprentissage soit mieux adapté aux besoins des enfants. Autre objectif visé : offrir une formation de qualité aux enseignants ainsi que des possibilités de perfectionnement et améliorer le taux élèves-enseignants. Le Directorat chargé des normes et de la qualité a également été créé afin de surveiller l'application des politiques, des normes et des règles gouvernementales, la qualité et la performance des enseignants ainsi que les points de référence dans le domaine de l'acquisition des connaissances.

La Politique et le Plan d'action ont également visé à augmenter la durée de l'éducation secondaire de deuxième cycle. Tandis que, de son côté, le gouvernement s'employait à construire de nouveaux établissements secondaires, de leur côté, les acteurs non étatiques étaient encouragés à prendre les choses en main. Le résultat s'est traduit par une augmentation importante du taux de transition dans l'enseignement secondaire de deuxième cycle, passant de 12 % en 1994 à environ 65 %. En 1994, 16 000 élèves étaient inscrits dans les écoles secondaires dans l'ensemble du pays. Aujourd'hui, ils sont environ 40 000.
Dans une école primaire des faubourgs ruraux de Banjul, en Gambie, de jeunes élèves travaillent sur un projet scolaire sur les jardins, financé par l'UNICEF.
Photos UNICEF/Giacomo Pirozzi


Des efforts ont également été menés pour améliorer l'alphabétisation des adultes. Un Programme d'éducation non formelle pour adultes a été créé au sein du Ministère de l'éducation avec, comme principal objectif, la réduction et l'éradication de l'analphabétisme des adultes d'ici à 2015. Cette initiative touche 4 000 adultes par an.

La politique du gouvernement a donné lieu au développement d'un programme complet de formation afin de fournir les ressources humaines nécessaires au développement des compétences scientifiques, technologiques et professionnelles requises dans les nouveaux concepts de croissance économique. L'accent a été mis sur la consolidation et l'expansion des établissements de formation professionnelle et technique, en particulier sur les technologies de l'information, le commerce et la formation des cadres. La première université du pays a également été créée - l'université de Gambie - préparant à des diplômes d'enseignement, d'infirmières et de personnel de la santé, de médecine, d'ingénierie, de technologie, de gestion hôtelière et touristique et d'art.

Beaucoup ont salué les résultats de la Gambie obtenus dans une période aussi courte. Considéré par la Banque mondiale comme l'un des quatre pays africains seulement à être " sur la voie " d'assurer l'éducation primaire pour tous d'ici à 2015, il a également été classé parmi les pays ayant réalisé les meilleures performances en matière d'accès. En fait, si l'on en juge la tendance actuelle, la Gambie devrait atteindre l'objectif d'assurer l'éducation primaire pour tous, au plus tard d'ici à 2008.

Comment un pays si pauvre en ressources a-t-il été capable de parvenir à de tels résultats en si peu de temps ? La première condition requise pour qu'un pays en développement puisse atteindre les buts fixés dans le secteur éducatif est l'engagement du gouvernement. Ceci est important car lorsqu'il y a peu de ressources, chaque secteur s'assigne un statut prioritaire de premier plan. Seul un engagement du gouvernement permet donc de s'assurer que l'attention et les ressources nécessaires seront allouées à l'éducation, première des priorités. Heureusement, le Président de la Gambie, son excellence Alhaji Yahya A.J.J. Jammeh, s'est engagé personnellement à participer au développement de l'éducation dans le pays. Il a déclaré, à maintes occasions, que l'avenir était entre les mains des jeunes du pays, lesquels devaient être prêts à relever les défis du XXIe siècle. Pour lui, l'éducation donnée aux jeunes Gambiens est un " ciel sans limites ". Cet engagement personnel a été pour beaucoup dans la réalisation des objectifs de l'éducation. Plus d'un quart du budget national est alloué à l'éducation.

Seul un engagement du gouvernement permet de s'assurer que l'attention et les ressources nécessaires sont allouées à l'éducation, la priorité des priorités. [...] Plus d'un quart du budget national est alloué à l'éducation.

Mais, surtout, le Ministère de l'éducation, qui élabore les politiques et les programmes d'éducation en Gambie, est doté d'un personnel très qualifié et de professionnels motivés qui ont veillé à leur mise en ouvre. De plus, malgré le nombre de partenaires qui ont été amenés à participer à l'effort national, le programme n'a pas été détourné pour servir des intérêts personnels et le secteur de l'éducation est resté aux mains de la Gambie.

La réalisation des objectifs n'aurait pas été si rapide sans Vision 2020, cadre général qui a servi à élaborer la Politique et le Plan d'action qui ont, à leur tour, permis d'établir les paramètres et les points de référence qui ont guidé la mise en ouvre du programme. Conjugués, ils ont exprimé les aspirations de la nation et défini les étapes importantes dans le développement de l'éducation. Ils ont également fourni un cadre au sein duquel les partenariats peuvent être plus facilement rationalisés.

Dans le secteur de l'éducation, la stratégie n'a aucune importance. On ne peut attendre d'un gouvernement d'un pays moins développé, comme la Gambie, qu'il fournisse à lui seul les moyens nécessaires pour transformer en profondeur le système éducatif. Le gouvernement a poursuivi des politiques de mise en ouvre qui ont encouragé la création de partenariats, particulièrement du secteur privé.

Les soins et le développement de la petite enfance, par exemple, sont entièrement confiés au secteur privé, qui finance également 50 % de l'enseignement secondaire du deuxième cycle. Les efforts communautaires sont également largement soutenus, ainsi que ceux des organisations non gouvernementales. Auparavant, les groupes religieux étaient en grande partie chargés du secteur de l'éducation. Ils continuent d'y jouer un rôle important et se sont associés au gouvernement pour améliorer le développement de l'éducation dans le pays.

Mais, surtout, la communauté internationale a apporté un soutien considérable aux efforts du gouvernement. Les institutions de Bretton Woods et le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) en particulier, ont été en première ligne pour aider la Gambie à répondre aux besoins financiers de la mise en ouvre des programmes. La Gambie est l'un des 18 pays choisis pour participer à " l'Initiative pour une mise en ouvre du programme Éducation pour tous ", qui préconise un plus grand soutien financier aux pays ayant démontré la volonté d'atteindre les objectifs du programme " Éducation pour tous " de manière rentable. Le but est d'aider ces pays à atteindre plus vite l'objectif d'une éducation primaire pour tous.

Les approches innovantes à des problèmes paraissant insolubles ont porté leurs fruits. Par exemple, les disparités entre les garçons et les filles. Dans la plupart des pays africains, les facteurs culturels ont joué contre l'éducation des filles. Si une famille a les moyens d'envoyer ses enfants à l'école, la priorité sera donnée aux garçons. S'il faut retirer des enfants de l'école à cause du manque de ressources, les filles seront les premières victimes. Pour remédier à ce problème, le gouvernement gambien a créé un Fonds d'affectation spéciale de bourses d'études pour les filles, permettant de couvrir les coûts d'éducation des filles que les familles pauvres ne peuvent assurer, et a éliminé de la sorte les excuses pour ne pas les envoyer à l'école.

Une initiative en faveur des filles a également été lancée en 2001. Dans ce cadre, les écoles doivent organiser leur environnement de manière à le rendre plus adéquat pour les filles. Elles doivent notamment installer des toilettes et l'eau potable. De plus, dans les régions où les taux d'inscription des filles étaient trop bas, des campagnes de sensibilisation intensives ont été menées pour aborder les questions culturelles, tels que les mariages précoces et la grossesse chez les adolescentes, qui mettent souvent un terme à leur scolarité. L'augmentation spectaculaire du nombre d'élèves inscrits dans le pays a nécessité la construction de nouvelles salles de classe et la formation d'un grand nombre d'enseignants. Mais les objectifs d'inscriptions étaient prioritaires.

En conséquence, un système d'école à mi-temps a été mis en place : le matin, de 8 h à 14 h, l'après-midi, de 14 h à 16 h, du lundi au vendredi, et de 8 h à 12 h le samedi. Ainsi, l'espace disponible était utilisé dans sa capacité maximale pendant la journée et permettait de répondre aux besoins de deux fois plus d'enfants.

La formation d'enseignants est un long processus. La pénurie d'enseignants aurait pu être problématique. Heureusement pour la Gambie, la main-d'ouvre n'a pas manqué : un grand nombre de réfugiés de pays en conflit, en particulier de la Sierra Leone, étaient arrivés dans le pays. Parmi eux se trouvaient un grand nombre d'enseignants qui avaient reçu une formation et avaient de l'expérience. Le gouvernement n'a pas hésité à les employer pour remplir les postes vacants. De plus, le salaire des enseignants en Gambie étant très attrayant par rapport à ceux pratiqués en Afrique de l'Ouest, il n'a pas été difficile d'attirer de très bons enseignants du Ghana, du Nigeria et d'autres pays de la sous-région. La Gambie a ainsi pu assurer le fonctionnement des écoles.

L'objectif d'éradiquer l'illétrisme sera réalisé dans plusieurs années, le taux brut d'inscription atteindra 100 %, de même que la poursuite des études jusqu'à la 9e année. Cependant, les résultats ne sont pas aussi satisfaisants parmi la population adulte, question qu'il faudra examiner. En plus des programmes d'éducation non formelle existants destinés à la population adulte, le gouvernement a entrepris un projet d'amélioration des compétences communautaires, financé par la Banque africaine de développement, dont l'objectif est de fournir l'alphabétisation fonctionnelle et les habilités au calcul à 40 000 femmes et jeunes filles non scolarisées dans 230 communautés rurales au cours d'une période de six ans. Une initiative similaire lancée par le gouvernement est déjà en cours dans les zones urbaines.

C'est par le biais de ces stratégies et de ces approches que la Gambie a été en mesure d'atteindre les taux de réussite élevés dans la mise en ouvre des politiques et des programmes d'éducation ainsi que dans l'amélioration de l'accès à l'éducation, la réduction des écarts entre les sexes et de l'illétrisme, l'amélioration du contenu des programmes et de la qualité de l'éducation, ainsi que l'augmentation du taux brut d'inscription et des taux de transition.

BIO


Crispin Grey-Johnson est représentant permanent de la Gambie auprès des Nations Unies. Il a été ambassadeur aux États-Unis, au Liberia et en Côte d'Ivoire. Il est vice-président de la 57e Assemblée générale et a terminé son mandat en tant que vice-président du conseil d'administration de l'UNICEF.
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