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Un problème national, un problème international
Le " système " de la migration ne marche pas
Par Russell Taylor, pour la Chronique

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En moins de vingt ans, le nombre de migrants a plus que doublé dans le monde. Actuellement, 175 millions de personnes résident dans un pays autre que le leur, dont la plupart sont en Europe (56 millions), en Asie (50 millions) et en Amérique du Nord (41 millions) — chiffres impressionnants qui soulignent la nécessité de recueillir des informations exactes et de procéder à une analyse des tendances qui auront un impact sur les décisions politiques à venir. Comme l'a fait remarquer le Secrétaire général, Kofi Annan, la migration est une question nouvelle qui aura " un effet profond sur les efforts que nous menons pour répondre aux défis du développement et de la mondialisation ". Ceci implique une action concertée des leaders politiques tant des pays développés que des pays en développement en matière de coopération.

Le défi est triple, a-t-il déclaré : " Mieux protéger les droits de l'homme des migrants, partager les difficultés et les responsabilités liées à l'assistance aux réfugiés et accepter l'idée du potentiel représenté par la migration internationale — pour les migrants, les pays de transit et les pays d'accueil. "

Les personnes émigrent pour diverses raisons : pour rechercher de meilleures opportunités économiques, mais aussi pour fuir la guerre, la persécution, la violence et les catastrophes. Dans les pays de destination, la demande de main-d'ouvre étrangère dans les secteurs des entreprises formelles, informelles et clandestin existe, et pourtant les États sont de plus en plus nombreux à imposer des conditions d'entrée dans leur pays de plus en plus restrictives. Ceci a pour effet d'augmenter le trafic illégal de personnes, le recrutement malhonnête, les enlèvements forcés et la prostitution ainsi que le commerce des adultes et des enfants.

La question dépasse de loin " la fuite des cerveaux " ou " le gain des cerveaux ". En fait, la migration internationale entraîne un grand nombre de questions de nature délicate, telles que les préoccupations de plus en plus nombreuses concernant les conséquences économiques, sociales, démographiques et politiques. Elle concerne les affaires de sécurité nationale et internationale, les changements sociaux et culturels et l'allocation des ressources déjà surexploitées.

Face à l'augmentation de la migration internationale, les gouvernements sont forcés de réexaminer leur politique. Environ 40 % des pays ont une politique visant à diminuer les quotas d'immigration. Mais bien que traditionnellement les pays développés aient toujours tendance à limiter l'immigration, les pays en développement imposent aussi maintenant des politiques de restriction. Les choix qui seront faits détermineront si la migration sera gérée pour maximiser ses bénéfices ou si elle sera une source de perturbation sociale et de tensions entre les États.

Pour examiner ces questions, l'Institut mondial de recherche sur les aspects économiques du développement (WIDER), qui fait partie de l'Université des Nations Unies, a organisé les 27 et 28 septembre 2002 une conférence internationale à son siège, situé à Helsinki, en Finlande. Il a rassemblé plus d'une centaine d'experts venant des toutes les parties du monde afin de discuter de l'impact et des conséquences politiques des tendances de la migration internationale pour les migrants et les réfugiés, les pays d'origine, les pays d'accueil et pour l'économie mondiale.

Que les personnes concernées soient des réfugiés, des migrants économiques ou forcés, les participants de la conférence ont convenu que les pratiques actuelles de gestion de la migration étaient inadéquates. Les pratiques et les politiques ne traitent pas les causes profondes de la migration et ne fournissent pas la sécurité adéquate dont ont besoin les réfugiés.

Plusieurs facteurs sont en cause. L'établissement de mesures de demandes d'asile et de migration restrictives a eu pour effet d'amplifier les phénomènes de la traite et du trafic de personnes, ont estimé plusieurs experts présents à la Conférence du WIDER. D'autres ont noté le déséquilibre et l'injustice du système où les personnes aisées avaient beaucoup plus de chances de demander asile et d'être acceptées dans un pays plus prospère.


La gestion actuelle de la migration a été décrite comme étant " dysfonctionnelle " et inefficace. De très importantes sommes d'argent sont dépensées pour aider un nombre relativement restreint de demandeurs d'asile qui réussissent à gagner les pays industrialisés, alors que les réfugiés et les personnes déplacées dans d'autres parties du monde, notamment en Afrique sub-saharienne, bénéficient d'une assistance limitée de la communauté internationale.

Stephen Castles et Sean Loughna, qui travaillent au Centre d'études sur les réfugiés de l'université d'Oxford, ont dit aux participants que les " indicateurs de conflit ", tels que la répression des minorités, les conflits ethniques et les guerres internes, étaient les meilleurs facteurs de prévision du nombre de migrants forcés, mais qu'il était impossible de tenir compte individuellement de ces facteurs déterminants, bien qu'ils soient utiles pour les analyses, " chaque mouvement migratoire étant le résultat d'une interaction dynamique entre une multitude de facteurs. Les causes économiques et politiques ne sont pas opposées mais forment un continuum ". De même, il fallait remettre en cause la distinction entre les indicateurs de conflit et de développement, les conflits étant souvent l'expression d'un échec à assurer le développement économique et social, à instaurer des institutions démographiques et à sauvegarder les droits de l'homme, ont-ils expliqué.

De plus, il existe des contradictions entre les diverses politiques. Certains États, en particulier pendant les périodes de chômage et de croissance économique faible, ferment les yeux sur le départ de leurs citoyens à l'étranger. Le fait que les ressortissants de leurs pays vivent à l'étranger peut parfois même avoir un rôle positif, par le biais d'envois de fonds à leur famille ou en tant que mouvement agissant comme soupape politique.

Les participants ont également convenu que la migration n'était plus uniquement un problème des États d'origine, des pays de transit ou des pays d'accueil mais un problème international qui nécessitait des solutions internationales. Comme l'a fait remarquer le Secrétaire général, Kofi Annan : " Il n'y a pas de choix faciles ou de solutions simples dans ce domaine. " Mais il est temps ne plus utiliser les migrants comme des boucs émissaires et de considérer les avantages qu'un système de migration internationale mieux géré peut apporter.

Des statistiques vitales
Migrants — Environ 175 millions de personnes, soit environ 3 % de la population mondiale, résident actuellement en dehors de leur pays natal. Le nombre de migrants a plus que doublé depuis 1975, 60 % résidant dans des régions plus développées et 40 % dans des régions moins développées. La plupart des migrants résident en Europe, en Asie et en Amérique du Nord. Dans les régions plus développées, presque une personne sur dix quitte son pays pour aller vivre à l'étranger contre presque une personne sur soixante-dix dans les pays en développement.

Réfugiés — Le nombre de réfugiés dans le monde à la fin de 2000 s'élevait à 16 millions, dont 12 millions dépendaient du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et 4 millions de l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). L'Asie compte le plus grand nombre (9 millions), suivie de l'Afrique (4 millions) et des pays développement (3 millions).

Migration nette — Les régions les plus développés ont accueilli environ 2,3 millions de migrants venant des régions moins développées ou près de 12 millions entre 1995 et 2000. C'est en Amérique du Nord qu'on compte le plus grand nombre de migrants (1,4 million par an) suivi de l'Europe (800 000) et de l'Océanie (90 000).

Envois de fonds des immigrants — Pour un grand nombre de pays, les envois de fonds représentent une source importante de recettes en devises et un ajout important au produit intérieur brut. Par exemple, en 2000, les envois de fonds de l'étranger ont augmenté le PIB de plus de 10 % dans des pays tels qu'El Salvador, l'Érythrée, la Jamaïque, le Nicaragua et le Yémen. Ces fonds peuvent être utilisés pour importer des biens de production et fournir des fonds d'investissement aux chefs d'entreprise. Tout aussi important, ils viennent augmenter les revenus et les épargnes des ménages et sont utilisés pour l'achat de produits de consommation et de services.

Le cadre juridique
En matière de droit international, il n'existe pas de cadre juridique général pour la migration, qui est une question complexe liée à des domaines tels que les droits de l'homme, les marchés du travail et le développement. Les normes juridiques et la migration fournissent une vue d'ensemble analytique des aspects légaux fondamentaux de la migration, abordés dans de nombreuses parties des législations nationales et internationales.

Les instruments de l'ONU:
  • La Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, ratifiée par 141 pays, établit les protections juridiques et une définition claire du statut de réfugiés. Elle interdit l'expulsion ou le retour forcé des personnes ayant le statut de réfugiés.


  • Le Protocole de 1967 relatif au statut des réfugiés, ratifié par 139 pays, complète la Convention de 1951 qui ne s'appliquait qu'aux personnes qui étaient devenues réfugiées avant le 1er janvier 1951. Il s'applique aux personnes qui sont devenues réfugiées après cette date.


  • La Convention internationale de 1990 sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et les membres de leur famille, ratifiée par 19 pays, établit une définition des différentes catégories de travailleurs migrants. Les pays d'accueil sont tenus de faire respecter les droits des migrants et d'assurer leur protection.


  • Ratifié par 18 pays, le Protocole de 2000 visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, complétant la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale, vise à prévenir et à combattre la traite des personnes, particulièrement des femmes et des enfants, protège et aide les victimes contre celle-ci et encourage la coopération entre les États parties afin d'atteindre ces objectifs.


  • Ratifié par 17 pays, le Protocole de 2002 contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, complétant la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale, vise à combattre et à prévenir le trafic de personnes, réaffirmant que la migration en soi n'était pas un crime et que les migrants pouvaient devenir des victimes nécessitant une protection.


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