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NEPAD : Des négociations portant sur le développement de l'Afrique

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En novembre dernier, après des négociations " difficiles ", l'Assemblée générale a approuvé un programme pour le développement de l'Afrique.
Vikram Sura de la Chronique ONU rend compte des négociations.

Henri Raubenheimer (Afrique du Sud).
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Henri Raubenheimer a feuilleté et relu le texte une fois de plus, posé le paquet de feuillets sur la table et a dit : " On s'en est bien tiré. "

H. Raubenheimer, un diplomate sud-africain de longue date et un conseiller, représente les intérêts de son pays à l'ONU et s'intéresse particulièrement aux affaires économiques et sociales. À la fin de l'année dernière, il a élaboré avec un groupe d'experts en économie africains un projet de résolution qui a été immédiatement approuvé par l'Assemblée générale. La résolution demande le soutien international, y compris celui des Nations Unies, du programme national de l'Afrique pour le développement, appelé NEPAD, Nouveau Partenariat pour le développement de l'Afrique. Tant les cercles politiques que diplomatiques ont salué l'initiative du NEPAD. Une fois que les délégations ont examiné le projet, M. Raubenheimer a endossé le rôle de médiateur avec, pour objectif, la difficile tâche de faire approuver le NEPAD par quelque 150 nations.

" Ce n'est pas facile. Le NEPAD étant un programme africain, l'Afrique est responsable de sa mise en ouvre. Mais, en même temps, il ne peut fonctionner sans un support international et finalement sans le soutien de l'ONU ", a-t-il déclaré.

La résolution finale comptait 39 paragraphes et le titre " Révision et évaluation finales du nouvel ordre du jour des Nations Unies pour le développement de l'Afrique dans les années 1990 et soutien du Nouveau Partenariat pour le développement de l'Afrique ". Un texte précédent sur le NEPAD (résolution 57/2) avait été élaboré : la Déclaration des Nations Unies sur le Nouveau Partenariat pour le développement de l'Afrique.

" Si vous êtes en pleines négociations et que vous vous heurtez à un problème particulièrement difficile, il est préférable de faire machine arrière et de s'entendre sur la formulation du texte. Or, aucune terminologie n'avait été acceptée à propos du NEPAD ou de la coopération de l'ONU avec le NEPAD ". a-t-il ajouté.

Pia Starbaek Szczepanski (Danemark).
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Parmi les diplomates, deux ont joué un rôle important : Pia Starbaek Szczepanski (Danemark), représentant l'Union européenne, et Luis José Carpio Govea (Venezuela), Président du Groupe des 77 nations en développement et de la Chine pour 2002.

" Nous avions également des attentes par rapport aux résultats, et elles ont été satisfaites. Les objectifs étaient d'apporter un soutien solide au NEPAD, d'inclure certaines idées sur la manière de renforcer le système de l'ONU afin de soutenir le NEPAD ", a noté M. Szczepanski.

Ces négociations se sont déroulées comme le veut toute situation d'accommodement. En premier lieu, au nom du groupe africain, H. Raubenheimer a présenté le projet au groupe des 134 nations du G-77, qui inclut également le groupe africain, ajoutant qu'en principe, celui-ci avait toujours apporté son appui à toutes les initiatives africaines.

" Les difficultés ont été les mêmes. Le moindre point dans le texte qui semble favoriser un pays ou un groupe au détriment des autres, est immédiatement relevé, sans être critiqué ou commenté négativement, et il est immédiatement examiné à la loupe ", a-t-il expliqué.

Et c'est qu'a fait le G-77.

Luis José Carpio Govea (Venezuela).
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Carpio Govea a dit : " Le G-77 s'attache à trouver un équilibre en ce qui concerne les engagements à différents niveaux. " Le groupe a donc cherché à clarifier la terminologie, y compris celle ayant trait à l'accès aux marchés. " Dès qu'il s'agit de l'accès aux marchés, il est clair qu'on ne peut s'attendre à ce que le G-77 ait le même accès aux marchés que les pays développés. C'est ce que nous avons fait, nous avons clarifié cette position et la formulation ", a déclaré H. Raubenheimer.

Les délégations étaient en désaccord sur les paragraphes liés à l'aide publique au développement (APD) et à l'accès au commerce et au marché. Mais vu l'enthousiasme et l'engagement, bien que mesuré, dont tous les partenaires ont fait preuve, cela n'a pas été vraiment un obstacle.

" Nous avons passé plus de temps sur les paragraphes liés aux questions macroéconomiques, commerciales et de l'APD ", a renchéri Mme Szczepanski. La raison pour laquelle, l'année dernière, l'Union européenne avait préféré ne pas aller au-delà des documents de consensus des conférences de Monterrey et de Johannesburg sur le développement financier et durable était que l'" encre était encore fraîche sur ces documents " et que la Deuxième Commission est le " lieu le mieux approprié pour progresser " sur les questions macroéconomiques. " En ce qui concerne l'Union européenne, nous n'avions aucun intérêt à aller au-delà du langage de consensus adopté à Monterrey et à Johannesburg ", a-t-elle ajouté. " Je pense que sur ce point, une convergence des points de vue a fait défaut. "

Cela s'est manifesté, par exemple, quand le G-77 a proposé que la formulation du texte sur l'APD soit plus spécifique à l'Afrique. Mme Szczepanski a dit qu'au bout du compte, " nous avons ajouté la formule "engage une part importante de l'aide aux pays africains". Dans ce sens, on peut dire que le texte a été amélioré et adapté au contexte africain.

Devrait être ou ne pas être
Les cinq jours de négociations, avec boissons et cigarettes dans les salons, les salles de consultation et les salles de conférences au plafond bas, aux murs dorés et à l'éclairage incandescent, ont pris huit jours. Le premier jour, le 11 octobre, Carpio Govea, s'exprimant au nom des pays en développement, a présenté le projet à tous les partenaires dont l'Union européenne, les États-Unis, le Japon, le Canada, la Corée du Sud et la Norvège; deux jours plus tard, après que les diplomates ont consulté leur capitale, les négociations ont pu commencer, a commenté H. Raubenheimer. Le quatrième jour, jeudi à 18 h, on lui a demandé de produire un texte comportant les amendements proposés.

" J'ai élaboré un texte pour le vendredi matin ", a-t-il expliqué, " que tout le monde a accepté comme nouvelle base de négociations, après quoi nous avons procédé à la lecture du texte. Nous avons repris notre travail le lundi suivant. J'ai commencé alors à accélérer les choses parce que je me suis rendu compte que si nous ne finissions pas à temps, nous allions avoir des problèmes, ces experts étant les mêmes que ceux qui travaillaient avec la Deuxième Commission qui attendait avant de débuter ses travaux. "

Mais un problème linguistique s'est présenté. Le septième jour, mardi, H. Raubenheimer a remarqué qu'une partie du texte était lue et relue, les diplomates butaient sur une phrase. Le paragraphe disait : " [...[ que le NEPAD [...] soit le cadre politique autour duquel la communauté internationale, y compris le système de l'ONU, devraient concentrer leurs efforts pour le développement de l'Afrique. "

Les délégations des nations en développement ont proposé un amendement, ajoutant " que le NEPAD [...] devrait être le cadre politique autour duquel [...] ". " Certains ont considéré qu'il s'agissait d'un point de grammaire trop normatif. Mais l'argument était qu'il s'agissait d'un programme africain. L'Afrique a répondu : " C'est ainsi que nous voulons nous engager. N'essayez pas de nous forcer à accepter des choses qui ne font pas partie de notre programme ". Finalement, le terme " devrait " a été ajouté.

" Le groupe a été solidaire ", a dit Carpio Govea, coordinateur du G-77. " Ce n'est pas une question de victoire. Le NEPAD est une vision de l'Afrique par les Africains. C'est un engagement des leaders africains envers leur peuple, ainsi qu'indirectement envers la communauté internationale. Les intérêts africains sont les mots clés. "

Mais il restait certains points de friction. C'était le dernier jour, mercredi, et H. Raubenheimer a renvoyé ses collègues dans les salles de réunion, de consultation et de conférences.

" Pendant les pauses, le G-77 se réunissait dans un coin pour essayer de trouver une solution — je suis intervenu de temps en temps — c'était le dernier jour de mon travail de médiateur. Finalement, vers 18 heures, ils ont dit être parvenus — à peu près — à un accord. "

Les points de désaccord avaient porté sur les termes " un seul élément global " qui, dans le contexte, pouvaient vouloir dire que l'Assemblée générale était en mesure de réunir tout ce qui avait trait à l'Afrique et en discuter dans le cadre des progrès et de la mise en ouvre du NEPAD.

" Certains craignaient que le NEPAD ne serve de fourre-tout, alors que de nombreux problèmes ne lui étaient pas spécifiques ", a reconnu H. Rabenheimer. " Par exemple, une autre résolution concernant les "Causes de conflit et la promotion de la paix et du développement durables en Afrique", ne devrait pas être englobée dans le NEPAD. Elle a son propre objectif et sa propre importance. " Les termes " un seul élément global ", ont été, cependant, retenus dans la résolution finale.

Nous avons eu également des difficultés à trouver un titre pour la 58e session, s'est-il souvenu. Les pays en développement voulaient se concentrer sur le soutien international au NEPAD, alors que les donateurs voulaient inclure la manière dont l'Afrique mettrait en ouvre ce partenariat.

Une fois les négociations conclues, un compromis a été trouvé en incluant dans le titre de la résolution finale les deux concepts — le soutien international et la mise en ouvre. La prochaine session de l'Assemblée générale discutera donc du NEPAD dans le cadre de l'ordre du jour " Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique : progrès dans la mise en ouvre et le soutien international ".

" C'est un exemple classique des divisions Nord-Sud ", a souligné M. Rabenheimer. " Les pays développés [...] veulent évaluer les efforts de l'Afrique [...] voir s'ils sont suffisants [...] c'était un long débat [...] au bout du compte, on est arrivé à trouver un compromis.

Une auto-surveillance
Les divergences entre les pays développés et les pays en développement ont apparu très clairement sur l'interprétation de l'initiative africaine au sein du NEPAD. Il s'agit du mécanisme d'examen conduit par des pairs qui regroupe des personnalités africaines chargées de vérifier qu'un pays souscrit à ses engagements. La participation au mécanisme sera volontaire.

" La question essentielle pour le groupe des 77 consiste à ce que la communauté internationale établisse les conditions le plus tôt possible. Nous n'acceptons pas l'importance donnée à ce mécanisme ", a déclaré Carpio Govea.

H. Raubenheimer a dit avoir inclus le mécanisme d'examen par des pairs lors de l'élaboration du premier projet. " Mais l'importance qui lui est donnée actuellement engendre une réaction parce que cela tourne à un débat sur les conditions ", a-t-il estimé. " Il faut donc devenir membre du mécanisme d'examen des pairs pour obtenir des résultats, ce qui n'était pas du tout l'idée de départ. "

" Ils étaient à leur affaire ", a affirmé H. Rabenheimer, ajoutant que par " ils ", il entendait, évidemment, la communauté des donateurs. " D'une certaine façon [...], ils voulaient renforcer ce mécanisme, le développer davantage, ils voulaient y ajouter les questions de sécurité et les lier au mécanisme. Mais cela n'aurait pas été juste ! Parce que l'Union africaine possède son propre mécanisme de paix et de sécurité. Le mécanisme d'examen des pairs n'a donc aucune raison d'être. "

Mme Szczepanski, qui avait négocié pour l'Union européenne, a dit : " Nous étions particulièrement contents de voir mentionné dans les paragraphes l'engagement des pays africains ainsi que le mécanisme d'examen par des pairs propre à l'Afrique, ce qui, à notre avis, est un élément positif du NEPAD ".

Ce mercredi soir, à 18 heures pile, bien après les débats et les derniers changements minutieusement apportés au texte au cours des deux derniers jours, les délégations ont refusé en bloc les derniers paragraphes. À 21 h 15, le 17 octobre, 45 délégations approuvaient le trente-neuvième paragraphe. " Cette question me tenait particulièrement à cour dès le premier projet ", a renchéri Henri Raubenheimer. " Je suis fier des progrès accomplis par le groupe ainsi que de mon rôle ", a déclaré José Carpio Govea, qui arrivait à jongler avec son emploi du temps pour inclure trois réunions supplémentaires par jour. Pour sa part, Pia Szczepanski espérait " que cela débouchera sur un soutien plus efficace de l'ONU à l'Afrique ".

Selon les diplomates et les autres personnes interviewés par la Chronique ONU, cette résolution avait suscité un engagement exceptionnel de la part des pays développés, des pays en développement et même des pays moins développés. La Corée du Sud, la Norvège, le Canada, le Japon et les États-Unis étaient parmi les nombreuses délégations à avoir approuvé le NEPAD. On pourrait dire que la participation de la communauté des donateurs est une manière de soutenir une initiative à laquelle ils ont prêté la main, dans une limite raisonnable. Selon les diplomates, ce n'était pas un engagement aveugle mais un engagement motivé.

" Il est indiscutable que tout le monde s'accorde pour dire que j'ai fait de mon mieux pour que le NEPAD fonctionne ", a conclu H. Raubenheimer, " et cela inclut l'Afrique, la communauté des donateurs, l'ONU et les pays du G-77. Et aussi les pays les moins développés et les pays en développement sans littoral qui ont aidé d'autres pays. C'est formidable. C'est une sous-structure sur laquelle cette résolution pourrait prendre appui. "

La résolution (57/7) a été adoptée à l'unanimité le 20 novembre 2002 par l'Assemblée générale. L'un de ses principaux auteurs, Henri Raubenheimer, a dit que d'était une réussite pour tout le monde. " J'étais simplement là, à titre de participant. ", a-t-il ajouté.

—La section consacrée à l'Assemblée générale a été préparée par Vikram Sura et Jonas Hagen
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