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À voix haute
L’éthique, le chaînon manquant ?

Par Yolanda Kakabadse

Photo/IFAD

Un grand nombre de gouvernements estiment que la libéralisation du commerce et l’ouverture des marchés sont la voie vers la prospérité. Et il est vrai que la mondialisation a profité à de nombreux pays dans toutes les parties du monde. Mais ces avantages ont été inégalement distribués. Un milliard de personnes dans le monde vivent avec moins d’un dollar par jour. Il n’est pas surprenant que des tensions sociales surviennent alors que certains pays sont si pauvres que leurs habitants doivent partager une télévision avec leurs voisins et regarder des émissions où est célébrée la consommation ostentatoire de quelques privilégiés.

Dans le domaine de l’environnement, la mondialisation présente également des problèmes qui passent inaperçus. Tout au long de l’histoire, les peuples ont dû tenir compte des limitations environnementales, conscients qu’une utilisation excessive des ressources locales aurait des conséquences négatives immédiates sur leur vie. D’un autre côté, le respect des ressources et l’exploitation rationnelle des terres agricoles contribuent à améliorer le comportement en matière d’environnement. Mais avec le commerce mondialisé, les consommateurs, ou du moins ceux qui ont les moyens suffisants pour consommer, n’ont aucune idée des dégâts occasionnés sur l’environnement par leur consommation. Il est facile de justifier financièrement la surexploitation dans une partie du monde en fournissant des biens bon marché aux marchés en développement dans une autre partie. Mais lorsqu’une mangrove est détruite pour construire une ferme de crevettes en Thaïlande, en Inde ou en Équateur, les consommateurs de salades de crevettes à New York, de crevettes grillées à Paris ou de tempuras de crevettes à Tokyo n’ont aucune idée que les écosystèmes productifs de mangrove ont été détruits, désorganisant la vie des populations côtières. Pis encore, une fois que les bassins ne sont plus rentables après quelques années, la population ne dispose plus des ressources de la zone côtière sur lesquelles elle peut compter. Et de nouvelles fermes de crevettes sont alors créées au Viet Nam, au Mozambique ou au Nicaragua, la population locale étant la première à souffrir de cette situation. Peut-être s’agit-il, au fond, d’un problème éthique. Pour Francisco Sagasti (Pérou), nous faisons tous partie d’un ordre mondial désintégré, fragmenté, liés les uns aux autres, et en même temps divisé entre les populations, les groupes ethniques et religieux, chacun avec des opinions différentes sur ce que signifie la qualité de la vie, l’égalité ou le développement.

Les gens sont contraints de traiter leur environnement comme une valeur marchande et non pas comme un lieu où ils vivent. Les avocats sont devenus les nouveaux prêtres de la société moderne qui négocient les « droits de la propriété intellectuelle » qui, avant, étaient sacrés mais librement partagés.

Peut-être que le concept de durabilité pourra-t-il nous aider à établir une relation plus équilibrée avec l’environnement. Il nous faut trouver les moyens d’accorder une plus grande importance à notre vie et non à ce que nous possédons; de consommer de manière responsable; de prévenir les dégâts environnementaux plutôt que de résoudre les problèmes que nous avons créés; d’utiliser la science et la technologie pour créer et non pas pour détruire; de valoriser certaines valeurs telles que la solidarité entre les générations, spécialement à l’égard des groupes les plus vulnérables - les femmes et les enfants - et de promouvoir le concept de la diversité comme une valeur aussi importante que la liberté. Dans cette perspective éthique, ce type de changements seront nécessaires pour assurer le développement durable.

Nous devons redéfinir le concept de la mondialisation de façon à ce qu’elle ne réponde pas seulement aux besoins des marchés mais aussi qu’elle fournisse un cadre favorable à l’égalité sociale, à la diversité culturelle et à un environnement sain. Ces idéaux doivent, bien entendu, être redéfinis localement, et aider à répondre aux besoins et aux aspirations de ceux dont le bien-être dépend des politiques des gouvernants. Il faut que tout le monde se sente concerné par les intérêts de la planète dans toute sa diversité et crée un code mondial d’éthique et de principes comme celui contenu dans la Charte de la terre. Cela ne signifie pas que le développement durable doit être le même partout. Au contraire, cela doit être un phénomène local qui célèbre la diversité des valeurs culturelles, encourage la participation des premiers intéressés et favorise les formes de gouvernement où les autorités élues prennent en compte les voix du grand nombre et où la solidarité, la coopération, l’équité et le respect remplacent l’égoïsme, l’antagonisme, l’injustice et la domination. En d’autres termes, le développement durable est porteur d’une autre vision où les systèmes naturels sont étroitement liés aux systèmes créés par les hommes afin que la vie continue de s’épanouir de nombreuses façons. Les valeurs de la durabilité sont les valeurs de la vie. C’est ce que nous devons célébrer à l’approche du Sommet mondial du développement durable, qui se déroulera du 26 août au 4 septembre 2002 à Johannesburg (Afrique du Sud).


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L’Union mondiale de conservation


Yolanda Kakabadse Navarro est la Présidente de l’Union mondiale de conservation et membre du Bureau de directeurs de l’Institut des Ressources mondiales. D’août 1990 à janvier 2000, elle a été Ministre de l’environnement de l’Équateur et a reçu, en 1991, le prix Global 500 attribué par le programme de l’ONU sur l’environnement.

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