Chronique ONU | Edition en ligne

 
Opinion
Ce que l’ONU devrait faire en matière de vieillissement de la population mondiale


Accueil
Dans ce numéro
Archives
Abonnez-vous
Vos réactions
La Deuxième Assemblée de l’ONU sur le vieillissement s’est conclue le 12 avril 2002, au moment où ce numéro est mis sous presse, avec l’adoption d’un Plan d’action international, contenant plus de 120 recommandations et une Déclaration politique. Celles-ci soulignent l’importance « cruciale » d’intégrer les questions relatives au vieillissement dans les plans du développement et mettent en valeur trois priorités : les personnes âgées et le développement; la santé et le bien-être des personnes âgées et un environnement favorable.

L’exclusion et le refus d’accorder des droits égaux
Par Pamela Mboya


Le vieillissement rapide de la population dans les pays en développement pose un défi à l’ONU et à la communauté internationale. Dans les pays pauvres, les personnes âgées bénéficient de droits égaux à ceux dont jouissent les autres catégories de la population, pourtant la violation de leurs droits, causée par un état de pauvreté chronique, est un problème qui demeure ignoré. Il est impératif que les États Membres de l’ONU prennent l’engagement de se pencher sur le vieillissement de la population et sur ses conséquences, dans le même esprit que celui qu’ils ont manifesté pour promouvoir les droits de l’enfant et la protection de l’environnement.

Alors que le monde vieillit, la pauvreté et l’isolement de ceux qui vivent vieux sapent souvent les avantages d’une longue vie. Au XXIe siècle, le vieillissement de la population est une question essentielle. Il est impératif de reconnaître les implications de ce phénomène dans les domaines de la réduction de la pauvreté et du développement, et d’agir en conséquence.

Une attention particulière doit être accordée aux différentes situations auxquelles les personnes âgées sont confrontées dans les pays en développement, dans les pays développés ainsi que dans ceux en transition. Bien que le vieillissement de la population soit un phénomène connu dans les pays industrialisés d’Europe et d’Amérique du Nord, d’ici à 2050, les pays en développement compteront le plus grand nombre de personnes âgées. Entre juillet 1999 et juillet 2000 seulement, 77 % de l’augmentation du nombre de personnes âgées dans le monde a eu lieu dans les pays en développement [Kinsella, K E Velkoff, V.A. US Census Bureau, An Aging World:2001]. Selon la Division de la population de l’ONU, en Afrique, la population du troisième âge, estimée légèrement au-dessus de 38 millions de personnes, atteindra 212 millions en 2050. De plus, le taux de vieillissement augmente plus rapidement dans les pays les moins préparés à faire face à ses conséquences. Les populations sont déjà relativement âgées, et l’effondrement récent de l’État, ainsi que la transition vers une société capitaliste, ont rendu les personnes âgées particulièrement vulnérables sans le soutien de l’État et des mécanismes de protection.

Photo/Bob Sherman
En tant que membre du conseil de HelpAge International, j’ai pu constater de près les conséquences profondes et à long terme de la pauvreté sur les personnes âgées. La capacité des gens à répondre à leurs besoins de base est de plus en plus compromise par l’âge. Un grand nombre de personnes, devenues des pauvres chroniques, manquent des éléments essentiels - nourriture, eau, logement et soins de santé. Lors des préparatifs de la Deuxième Assemblée mondiale sur le vieillissement, HelpAge International a consulté des personnes âgées vivant dans les pays en développement et dans ceux en transition. Les résultats montrent la gravité de la pauvreté dans cette tranche d’âge [HelpAge International, State of the world’s older people 2002]. Par exemple, en Bosnie-Herzégovine, les personnes âgées ont rapporté que « la nourriture est notre besoin le plus urgent » et, en Indonésie, une femme âgée a déclaré que « les jours les meilleurs sont ceux où je peux trouver de quoi manger ». Les enquêtes réalisées dans de nombreux autres pays d’Afrique ont donné les mêmes résultats.

Un grand nombre de personnes âgées, particulièrement celles, de plus en plus nombreuses, à vivre seules, n’ont pas les moyens de payer un logement adéquat offrant des conditions de sécurité satisfaisantes. Au Kenya, on a remarqué qu’« il est facile de repérer la maison d’une personne âgée car elle est souvent délabrée ou en ruines ». En Moldavie, les personnes âgées vivant dans une zone rurale ont rapporté que le système d’approvisionnement d’eau géré par l’État était en mauvais état et qu’elles étaient physiquement incapables de puiser de l’eau à un puits. Dans la volonté de comprendre la pauvreté et de s’y attaquer, ce qui est aujourd’hui au premier plan des aspirations et des activités liées au développement, la situation des personnes âgées dans les pays en développement a été passée sous silence.

Les analystes et les responsables du développement ont, dans une large mesure, excluent ces personnes des débats portant sur la pauvreté, les considérant comme non productives sur le plan économique. En négligeant de reconnaître les contributions actuelles et potentielles des personnes âgées au bien-être et à la survie de la famille et de la communauté, une telle attitude sape les stratégies de réduction de la pauvreté. C’est particulièrement le cas lorsque les personnes âgées ont la lourde responsabilité de soigner des membres de leur famille atteints du VIH/sida et de prendre en charge leurs petits-enfants orphelins. Cela représente également un échec à assurer l’égalité de leurs droits. Les Objectifs de développement du Millénaire en matière de réduction de la pauvreté dans le monde, ne pourront être réalisés que si la pauvreté et l’accès aux soins de santé, à la sécurité sociale et aux besoins de base des personnes âgées sont traitées comme un élément des stratégies et des interventions de réduction de pauvreté complètes et inclusives.

Il est donc nécessaire que l’ONU, et les organisations qui y sont associées, s’engagent, chacune de leur côté, à aborder la question du vieillissement de la population et de ses conséquences. Il faut allouer des ressources suffisantes et établir des liens avec les accords existants de l’ONU, en particulier avec les Objectifs de développement du Millénaire et les approches du développement basées sur les droits. Cet engagement peut être consolidé en veillant à ce que l’action sur le vieillissement soit soutenue par des programmes mandatés, dotés de ressources et appliqués par les États Membres.

L’ONU elle-même devrait rehausser le profil des questions concernant le vieillissement dans le système de l’ONU ainsi que dans l’ordre du jour du développement élargi et surveiller l’application de la Stratégie d’action en matière de vieillisssement. De même, le Programme des Nations Unies pour le développement devrait avoir pour mandat d’inclure les questions relatives au vieillissement de la population et aux personnes âgées et s’assurer que les engagements pris vis-à-vis des déclarations internationales sont respectés et mis en pratique. Il faudrait également allouer de plus grandes ressources à l’assistance technique destinée aux gouvernements et aux organisations de développement internationales et nationales. Il est nécessaire que l’ONU encourage l’inclusion des personnes âgées dans les politiques et les interventions de développement ainsi que dans les travaux des institutions de recherche sociale et économique.

Pour aborder cette diversité de questions et de besoins, les organes régionaux de l’ONU devraient être mandatés pour surveiller et diriger la mise en œuvre de la Stratégie d’action dans leur contexte socio-économique et démographique spécifique. À cet égard, l’Union africaine a été la première à élaborer et à approuver un cadre de politiques ainsi qu’un plan d’action sur le vieillissement en Afrique. Ce document souligne l’importance de la coopération de la famille et de l’État pour aider les personnes âgées, aborde les questions de la pauvreté chronique, préconise des mesures afin de promouvoir les droits des personnes âgées et reconnaît l’importance d’inclure les générations de personnes âgées d’aujourd’hui et de demain dans la construction d’une société pour tous les âges.



Liens:
Plan d’action
HelpAge International
Le plan de campagne du Sommet du millénaire
Pamela Mboya est Présidente de HelpAge Kenya et membre du conseil de HelpAge International, un réseau mondial d’organisations à but non lucratif ayant pour mission de travailler avec et pour les personnes âgées défavorisées dans le monde afin d’améliorer leur qualité de vie de manière durable.


Lisez le prochain article
« L’ONU se montre encore trop hésitante »
Par Dirk Jarré


Accueil || Dans ce numéro || Archives || Abonnez-vous || Vos réactions

Créez un signet pour le site de la Chronique: http://www.un.org/french/pubs/chronique
Et vous pouvez adresser un courrier électronique: unchronicle@un.org
Site de la Chronique en anglais: http://www.un.org/chronicle

Chronique ONU: Copyright © 1997-2002 Nations Unies.
Tous droits réservés pour tous pays. Les articles de ce numéro peuvent être reproduits dans un but éducatif. Cependant aucune partie ne peut en être reproduite dans un but commercial sans l’autorisation expresse par écrit du Secrétaire du Conseil des publications, Bureau L-382C, Nations Unies, New York, NY 10017, Etats-Unis d’Amérique.