Chronique ONU | Edition en ligne

 
L’interview de Chronique ONU

Investir dans la santé et l’éducation en faveur du développement :
Après Monterrey, le Conseil économique et social est revitalize
L’Ambassadeur de Croatie, Ivan Simonovic, est le Président du Conseil économique et social. Suite à la Conférence internationale sur le financement du développement, qui s’est tenue en mars à Monterrey, le Conseil jouera un rôle crucial dans la mise en œuvre des mécanismes de suivi de la Conférence. Les prochaines réunions du Conseil auront lieu en avril, avec les Ministres des Finances, la Banque mondiale, le Fonds monétaire international et l’Organisation mondiale du commerce ; la réunion spéciale de haut niveau de sa session de fond se déroulera en juillet à New York. « J’espère que, lors de nos préparatifs de la Conférence de Johannesburg, nous prendrons appui sur l’expérience réussie de Monterrey », a dit M. Simonovic. Horst Rutsch, de la Chronique ONU, s’est entretenu avec l’Ambassadeur le 26 mars 2002. Accueil
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Sur les priorités du Conseil

À l’heure actuelle, l’une des questions qui mérite notre attention est la structure de notre futur dialogue entre le Conseil économique et social, la Banque mondiale, le Fonds monétaire international et l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Il nous faut aussi déterminer s’il est possible de fournir un document final négocié à l’avance et d’inclure le secteur privé ainsi que les organisations non gouvernementales (ONG). Jusqu’à présent, nos réunions avec les institutions de Bretton Woods étaient privées mais, forts des succès de Monterrey, nous inviterons la société civile et le secteur privé à se joindre à nous.

Il nous faut également tenter de mesurer avec exactitude nos progrès dans la mise en œuvre des Objectifs du développement du millénaire. La question fondamentale est de savoir si nous pouvons nous mettre d’accord non seulement sur les données de base et les indicateurs mais aussi sur la manière de surveiller leur mise en œuvre. Il est très important que nous convenions d’un processus commun incluant les institutions de Bretton Woods, l’OMC et le Conseil. Cela s’applique aussi aux principes adoptés à Monterrey. L’application, la surveillance périodique et une évaluation précise de nos progrès par rapport aux objectifs du Millénaire sont cruciaux.

Sur les résultats de la Conférence de Monterrey

La Conférence de Monterrey a été un succès moyen. Nous sommes parvenus à nous mettre d’accord sur les principes directeurs régissant le financement du développement. Il en est sorti un certain de nombre de choses positives, mais tout cela manque encore un peu de substance. Le consensus de Monterrey envisage un rôle important du Conseil dans le suivi de la Conférence et j’espère que ce suivi permettra de combler la brèche. Nous aurons l’occasion de discuter de Monterrey le 22 avril, lors de la réunion du Conseil avec les institutions de Bretton Woods qui, pour la première fois, inclura l’OMC. Cependant, il reste encore à débattre de la question de la mise en œuvre - comment atteindre les objectifs de la Déclaration du millénaire à l’aide des principes adoptés. Lors de notre réunion d’avril, il sera important d’avoir des priorités claires sur deux ou trois questions que nous aimerions examiner. J’espère sincèrement que nous pourrons réunir autant de Ministres des Finances que possible car cela indiquera clairement que le document final de Monterrey, « Rester engagés », a été pris au sérieux. Il y a eu de nombreuses conférences auxquelles ont participé les Ministres du développement et les Ministres des Affaires étrangères, mais les Ministres des Finances n’y étaient pas présents - ceux-là même qui élaborent les budgets et qui tiennent les cordons de la bourse. Je pense que la grande contribution de la Conférence de Monterrey a été non seulement de les réunir tous pour un événement unique mais aussi de développer une certaine culture de la communication entre les Ministres des Finances, les Ministres du développement et les Ministres des Affaires étrangères.

Sur la réunion de haut niveau du Conseil

La réunion de haut niveau de la session de fond du Conseil, qui aura lieu du 1er au 3 juillet 2002, sera consacrée à l’impact de l’amélioration des ressources humaines, surtout dans les domaines de la santé et de l’éducation, ainsi que son impact sur le développement économique en général. Il est clair que l’impact de l’investissement sur la santé et l’éducation peut être mesuré et que, compte tenu des résultats des ressources investies, il constitue l’investissement le plus productif dans l’avenir d’un pays. Il y a eu, jusqu’à ce jour, trois tables rondes de haut niveau sur ces questions qui ont rassemblé bon nombre de personnes.

Il est très important que les Ministres de la santé et de l’éducation assistent à cette réunion. Je profite donc de cette opportunité pour leur rappeler que leur présence à la réunion, de New York, est cruciale. Cette réunion et les débats représentent un argument puissant qu’ils peuvent utiliser pour augmenter la part des budgets nationaux allouée à la santé et à l’éducation.

Sur le Sommet de Johannesburg 2002

Cette conférence est très complexe. À Monterrey, nous avons réussi à isoler les points essentiels liés au financement du développement et à produire un document clair et relativement concis. Pour le Sommet de Johannesburg, il est important de prendre appui sur les succès de Monterrey, c’est-à-dire inclure les ONG et le secteur privé, afin d’essayer d’élaborer à l’avance un projet de document - ce qui a facilité notre tâche à Monterrey et nous a permis de ne pas perdre des heures à débattre de l’emplacement d’une virgule - au lieu de consacrer notre temps à la recherche de solutions créatives.

J’espère que dans nos préparatifs du Sommet de Johannesburg, nous prendrons appui sur l’expérience positive de Monterrey. Cela ne sera pas aisé. Il faudrait doubler le volume des ressources et mieux les gérer. Mais je ne pense pas que pour le Comité préparatoire, qui se tiendra à Bali, la participation des ministres soit indispensable parce que cela aura des répercussions sur leur présence à Johannesburg ainsi que sur le document final.

Sur l’aide publique au développement

L’une des questions essentielles liées au financement du développement, ainsi qu’au développement durable, est d’examiner comment gérer l’APD, dont le montant s’élève à des milliards de dollars. Deux groupes d’experts ont récemment fourni leurs conclusions : le Panel Zedillo, nommé par le Secrétaire général, a estimé qu’en plus de l’APD actuelle, qui est de l’ordre de 50 milliards de dollars, il faut 50 milliards de dollars supplémentaires pour atteindre les objectifs de la Déclaration du millénaire. Il y a deux mois, la Banque mondiale a également publié un rapport qui indiquait qu’en plus des 50 milliards de dollars actuellement disponibles et de la nécessité d’améliorer la gestion des ressources, il nous faut de 40 à 60 milliards de dollars supplémentaires. Les économistes partagent donc le même point de vue quant au montant des ressources nécessaires. Il nous reste maintenant à traduire cela dans les faits. Monterrey a abouti à l’engagement des États-Unis et de l’Union européenne à augmenter l’APD mais nous sommes encore loin des 100 milliards requis.

Certes, il existe d’autres moyens d’envisager le financement du développement, surtout par l’investissement étranger direct (IED), ou par l’élimination des barrières commerciales et l’ouverture du marché mondial aux produits agricoles, aux textiles et autres produits à forte proportion de main-d’œuvre des pays en développement. Cependant, pour certains pays, surtout les moins développés, l’APD est encore la source de financement du développement la plus importante. Nous devons veiller à ce que certaines conditions préalables sociales et économiques, telles que la santé de base et l’éducation, soient financées par l’APD, en raison de l’insuffisance actuelle des capacités et de l’infrastructure de base. Nous savons que l’IED seul ne pourra résoudre leurs problèmes, ou que l’élimination des barrières commerciales, qui leur ouvrira les portes du marché mondial, sera le remède miracle à leur situation économique et à leur développement. Il est certain que l’IED et l’élimination des barrières sont vitaux pour certains pays mais, pour certains d’entre eux, l’APD, comme allégement de la dette, est une condition préalable au développement.

Sur le lien entre la consolidation de la paix et le développement

La nature des opérations de maintien de la paix a changé - de plus en plus d’efforts sont nécessaires pour la prévention et la résurgence des conflits. Une fois la fin des hostilités, il est nécessaire de mener toutes les actions nécessaires pour empêcher une résurgence des conflits. Le Conseil de sécurité, conformément à la Charte de l’ONU, aborde ces problèmes à sa manière, qui s’apparente à la tâche d’un pompier : il doit intervenir immédiatement pour résoudre la situation de crise et, une fois le conflit terminé, il est le premier à quitter les lieux. De son côté, le Conseil économique et social se charge des activités à long terme liées à la prévention des conflits et à la surveillance de la consolidation de la paix. Or, la situation actuelle veut que le Conseil de sécurité s’occupe également de la prévention des conflits et de la consolidation de la paix après les conflits. Mais, en fait, ces activités ne font pas vraiment partie de son mandat. Dans le cas du Kosovo, du Timor oriental ou de l’Afghanistan, il est tout à fait clair que pour assurer la sécurité, nous devons aider à organiser des élections libres, à soutenir les gouvernements élus démocratiquement en menant à bien la réforme de l’administration publique de base et les aider dans leurs efforts de reconstruction. Le Conseil s’acquitte actuellement de ces tâches, non pas parce qu’il tient à participer à ces activités mais parce qu’elles semblent être les plus opérationnelles. Actuellement, il améliore sa coordination avec le Conseil de sécurité pour établir une sorte de partenariat afin de prévenir les conflits et poursuivre certaines activités du Conseil de sécurité une fois qu’un conflit est terminé et que le processus de consolidation de la paix prend place.

Sur le rôle du Conseil dans la consolidation de la paix

En matière de consolidation de la paix, le Conseil économique et social joue un rôle de coordination important qui lui permet de mettre à contribution ses neuf commissions techniques ainsi qu’un certain nombre d’organes et de programmes sous son égide. À cet égard, il possède un grand potentiel de développement. L’année dernière, pendant la réunion de haut niveau consacrée à l’Afrique, le Conseil a demandé au Secrétaire général un rapport sur l’établissement du groupe de travail ad hoc du Conseil sur les pays africains sortant d’un conflit. Ce rapport sera bientôt disponible. Je pense qu’à l’avenir, le Conseil économique et social travaillera en collaboration plus étroite avec le Conseil de sécurité en ce qui concerne les activités pratiques sur le terrain. Mais, il ne faut pas perdre de vue que ces deux Conseils sont des organes distincts, pourvus de mandats différents. Cependant, tous les organes principaux de l’ONU, y compris les deux Conseils et l’Assemblée générale, peuvent contribuer à la réforme de l’ONU afin de lui donner les moyens de faire face aux défis du XXIe siècle par le biais d’une plus grande coopération.

Sur le rôle de la Croatie au sein des Nations Unies

Ces cinq dernières années ont été particulièrement mouvementées pour l’Europe du sud-est. Heureusement, la situation en Croatie et dans les autres pays de cette région s’est améliorée. Les problèmes auxquels la Croatie a été confrontée nous a permis de mieux comprendre les problèmes des pays en développement sortant d’un conflit. D’un autre côté, nos aspirations tendent, bien entendu, vers l’intégration européenne, alors que nous sommes près d’adhérer à l’Union européenne. De par nos expériences en tant que pays en développement et pays en transition, et nos aspirations communes avec les pays développés, nous avons, je dirais, à la fois la possibilité et la crédibilité d’établir un dialogue avec tous les États membres, car nous comprenons parfaitement leurs problèmes et leurs préoccupations. Pour ce qui est de la République de Croatie aux Nations Unies, ce pays, qui a bénéficié des opérations de maintien de la paix, contribue actuellement à l’envoi de soldats de la paix. Et il en est de même pour ce qui est de l’aide. Bénéficiaire dans le passé, donateur dans l’avenir.

Sur la question de Prevlaka

La Croatie souffre encore des cicatrices laissées par la guerre, dont une stagnation du développement ainsi que des problèmes et des traumatismes hérités. Toutefois, notre taux de croissance de l’année dernière était de 4 % et, il devrait atteindre cette année 3 %. Nous escomptons une excellente saison touristique et nos relations avec les pays voisins se sont améliorées d’année en année. Après la défaite de Milosevic, nos relations avec la République fédérale de Yougoslavie ont démontré une tendance entièrement positive. Le nouvel État commun de la Serbie et du Monténégro, qui succédera à la République fédérale de Yougoslavie, est une continuation naturelle du processus de dissolution de la Yougoslavie fédérale socialiste, amorcé dans les années 1990. Je crois fermement que cette transformation aura un effet positif sur le processus de démocratisation qui a lieu en Serbie et au Monténégro ainsi que sur la recherche d’une solution à la question de Prevlaka.

La question de Prevlaka est principalement un héritage du régime de Milosevic et de son ambition de modifier les frontières internationales. Si la péninsule de Prevlaka est perçue par la Serbie et le Monténégro comme une menace potentielle à leur sécurité, les problèmes peuvent être aisément résolus par la démilitarisation de cette partie du territoire croate ou même de la partie située de part et d’autre des frontières. Je pense que, d’une part, le respect des frontières est une condition préalable qui permettra à la Serbie et au Monténégro de résoudre ce problème et que, d’autre part, le Conseil de sécurité devrait également œuvrer dans ce sens. Le processus avance et devrait bientôt aboutir à des résultats concrets. En ce moment même, des négociations sont menées sur le rapport, élaboré conjointement avec les Ministres des Affaires étrangères de la République fédérale de Yougoslavie et de Croatie, qui traite des progrès réalisés sur la question de Prevlaka.

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ONU: Conseil économique et social


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