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Un Habitat revitalisé
Résolu à lutter contre la pauvreté en milieu urbain

Le Secrétaire général Kofi Annan a nommé, en juillet 2000, Anna Kajumulo Directrice exécutive du Centre des Nations Unies pour les établissements humains — CNUEH (Habitat). Dès qu'elle a pris ses fonctions au Centre de Nairobi, le 13 septembre, sa première initiative a été de soutenir la demande du Secrétaire général de réaliser les objectifs fixés lors de la Déclaration du millénaire. "Avec plus de la moitié de l'humanité vivant déjà dans les villes et l'augmentation de la pauvreté en milieu urbain" a-t-elle déclaré, "les travaux d'Habitat, en tant qu'institution responsable des établissements humains, seront cruciaux s'ils permettent, d'ici 2015, de réduire de moitié le nombre de personnes vivant dans la pauvreté extrême et d'améliorer les conditions de vie d'au moins 100 millions de personnes vivant dans des bidonvilles" L'un des points inscrits à l'ordre du jour des mois à venir est la préparation de la session extraordinaire de l'Assemblée générale pour une étude et une évaluation d'ensemble de l'application de l'Agenda Habitat — Istanbul+5 — qui se tiendra en juin 2001.

Klomjit Chandrapanya et Horst Rutsch, de la Chronique ONU, se sont entretenus avec Mme Tibaijuka, le 13 octobre, à New York. Voici des extraits de leur conversation.

Sur les priorités d'Habitat
Ayant vécu dans un village, puis dans une petite ville de province, pour finalement habiter dans une grande ville, j'ai personnellement connu les divers processus des problèmes des établissements humains. Cette expérience m'a aidée à mieux définir les objectifs de l'institution. Grâce au Directeur des Nations Unies pour l'environnement (PNUE), Klaus Toepfer, qui a, en qualité de Directeur exécutif d'Habitat, supervisé la réforme et la revitalisation de l'institution au cours des deux dernières années, j'hérite d'un centre performant. La restructuration étant désormais terminée, je continuerai à renforcer les domaines qui en ont besoin : en stabilisant les sources d'aide et de soutien, mais aussi en réorientant certains programmes, en les reliant à d'autres institutions qui travaillent dans des zones urbaines et, surtout, en améliorant les établissements humains. En préparation à l'étude Istanbul+5, nous faisons le point sur les campagnes que nous avons menées, spécialement la stratégie mondiale des établissements humains. Nous tenterons de voir où nous avons réussi et où nous avons échoué, d'en comprendre les raisons et d'améliorer les stratégies. Je pense que le processus d'Istanbul+5 nous offre donc l'occasion de revoir et d'améliorer nos objectifs de base. Les problèmes des établissements humains, du développement et de l'environnement sont étroitement liés entre eux et j'espère établir un partenariat fructueux et productif avec le PNUE et d'autres institutions de l'ONU pour consolider nos ordres du jour communs. Nous devons également travailler plus étroitement avec les gouvernements, les municipalités et les autres acteurs locaux.

Sur l'avenir des établissements humains
Au XXIe siècle, la majorité de la population mondiale vit dans les villes, un grand nombre d'entre elles étant déjà surpeuplées. Cela représente un défi majeur. L'avenir de notre planète est étroitement lié à la façon dont nous gérons les établissements humains et leurs besoins en ressources. Les villes du monde entier partagent cet ordre du jour; il est important de créer des liens entre les villes du Nord et celles du Sud afin de résoudre les problèmes de l'urbanisation. Certes, nous sommes tous confrontés aux problèmes des villes. Mais ceux des pays en développement sont plus sensibles et les possibilités de les résoudre sans une solidarité internationale sont limitées. Son siège étant situé à Nairobi, Habitat a la responsabilité d'aider le continent africain. Étant donné la rapidité de la croissance démographique urbaine en Afrique, la plupart des gouvernements et des autorités locales ont du mal à faire face aux nombreuses demandes de logements et de services sociaux. Je pense, cependant, que pour résoudre les problèmes de l'urbanisation en Afrique, il faut se pencher sur le rôle important de la planification régionale et des liens entre milieu rural et milieu urbain. Il existe donc un besoin réel de mettre au point des programmes qui aident les pays en développement à mieux gérer la situation urbaine. Dans le même temps, nous devons nous employer à ne pas traiter seulement les symptômes de l'urbanisation mais nous attaquer aux causes profondes du problème. Ce qu'il nous faut, c'est un programme centré sur les mouvements des populations qui quittent les zones rurales pour les zones urbaines.

Sur le problème des établissements en milieu rural
De par son approche au développement fondée sur les droits, Habitat est particulièrement bien placé pour établir des normes relatives aux établissements humains qui soient acceptés au niveau international. Notre mandat est d'aider à améliorer les établissements humains. Nous devons aussi examiner avec les autres institutions, telles que la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement, qui travaillent dans les zones rurales, les problèmes des établissements en milieu rural. Nous devons nous attacher à comprendre les facteurs qui contribuent à l'exode rural. Ce phénomène n'est pas toujours seulement lié à la pauvreté. La sécurité est un autre facteur majeur. L'insécurité peut résulter de problèmes régionaux ou sociaux. Sur le continent africain, par exemple, les populations sont déplacées à cause des guerres qui sévissent dans les zones rurales — ce sont là des facteurs qui contribuent à la rapidité de l'urbanisation. Il faut donc aussi établir des relations avec les institutions chargées de la paix et de la sécurité internationales.

Sur le problème des bidonvilles
Il ne suffit pas de se rendre dans une région et d'en raser les bidonvilles. Un autre se reconstruira aussitôt. Il faut donc comprendre et examiner les causes du problème. En d'autres termes, il s'agit non pas de s'en prendre aux squatters mais à l'action même de squatter — ce qui est tout à fait différent. Mais nous devons convaincre le gouvernement et les autorités locales. Si les gens s'installent illégalement dans une zone, ils sont expulsés de force par la police. Mais il faut bien qu'ils vivent quelque part. Où peuvent-ils aller si ce n'est que dans un autre bidonville ? C'est pourquoi nous exhortons les gouvernements à collaborer avec les pauvres, les habitants des bidonvilles afin de résoudre le problème du "squatting". Nous devons soutenir le droit à la sécurité légale de l'occupation — le droit au logement, le droit aux terrains — C'est pourquoi nous avons lancé une campagne mondiale pour la sécurité légale de l'occupation.

Sur la campagne mondiale pour la sécurité légale de l'occupation
Il faut créer un cadre qui favorise les initiatives des pauvres. Ce sont souvent des personnes fort capables qui ont été privées de leurs droits — la plupart d'entre elles ayant quitté le milieu rural pour s'installer dans un ghetto urbain dans l'espoir de mieux gagner leur vie. Nous savons que les gens ne quittent pas leur région parce qu'ils sont dans une situation avantageuse; ils la quittent parce qu'ils pensent qu'ils trouveront mieux ailleurs. C'est cet espoir qui les anime. Et avec la mondialisation et l'utilisation massive des technologies de l'information, on ne peut pas les retenir. C'est pourquoi nous devons résoudre le problème des sociétés dont les économies sont dévastées. Sinon, leur population sera de plus en plus poussée à partir pour l'Europe et l'Amérique du Nord. Les gens, qui viennent de pays aux économies faibles et qui sont considérés des citoyens de deuxième zone chez eux, n'ont rien à perdre. Pour certains, la situation sera peut-être pire qu'elle ne l'était avant leur départ — ils n'auront peut-être pas d'autres choix que de vivre dans un bidonville. Mais on voit bien l'importance du "facteur d'incitation" qui nourrit les espoirs des gens, pensant que la situation sera meilleure autre part.

Sur la campagne mondiale pour la gouvernance urbaine
Si vous n'avez pas d'emploi, il vous sera difficile de payer votre loyer; et vous vous retrouverez vite à la rue. Une chose en entraîne une autre. Une deuxième campagne pour soutenir le droit à la sécurité légale de l'occupation est nécessaire — une campagne mondiale pour la gouvernance urbaine. C'est pourquoi nous nous associons aux programmes de réduction de la pauvreté. Nous avons développé des partenariats avec la Banque mondiale qui, nous l'espérons, permettront non seulement d'améliorer les conditions de vie des personnes mal logées dans les milieux urbains dégradés mais aussi de soutenir ces programmes. Nous collaborons avec l'Organisation internationale du travail pour créer des activités qui génèrent des revenus. Car comment payer son loyer si l'on n'a aucune source de revenus ? Ce sont les défis auxquels nous faisons face et les points forts de la campagne.

Sur le rôle des femmes
Le droit à la sécurité légale de l'occupation est particu-lièrement important pour les femmes. Dans les pays occidentaux, un régime légal a été créé pour la sécurité des femmes dans leur foyer, y compris les droits à la sécurité légale de l'occupation et aux terrains. En Afrique, cependant, la plupart des femmes restent à la maison et, dans certaines sociétés traditionnelles, si le mari meurt, la veuve est expulsée. Et ces femmes sans abri se retrouvent à la rue avec leurs enfants. Nous nous penchons sur ce genre de problèmes — le droit pour les femmes d'hériter de l'habitation, particulièrement dans les foyers où les femmes sont contraintes de rester à la maison. C'est pourquoi nous essayons de collaborer avec l'Organisation de l'ONU pour l'éducation, la science et la culture sur la question de l'éducation, particulièrement pour les femmes, afin de leur donner les moyens d'être indépendantes économiquement.

Sur le développement des partenariats
Nous essayons de développer des partenariats novateurs. Avec la réduction des fonds d'aide internationale au développement, l'avenir d'Habitat repose sur la recherche de moyens novateurs qui permettront de fournir des logements et des services aux pauvres. Nous devons soutenir les projets pour améliorer l'accès des pauvres, et spécialement des femmes, au logement. Le rôle du Centre est de travailler avec les gouvernements et les autres partenaires afin de garantir les droits fondamentaux au logement, à la sécurité légale de l'occupation et à la gouvernance urbaine comme moyen de lutte contre la pauvreté. L'Initiative de l'alliance des villes avec la Banque mondiale est un modèle important pour les activités futures et Habitat continuera d'aider les gouvernements et les autorités locales dans le développement et la gestion des établissements humains. Nous ne disposons pas des moyens financiers de la Banque mondiale, et cela n'est pas d'ailleurs notre rôle. Notre rôle est d'avoir des idées, une vision et des stratégies. Et aussi de sensibiliser le public — c'est aussi une forme de partenariat. Notre rôle est de comprendre les établissement humains et de l'améliorer, puis d'inviter d'autres institutions et d'autres donateurs à se joindre à nous et à nous aider. Ce qui importe, au bout du compte, c'est d'améliorer les conditions de vie des pauvres.

Dans le prochain numéro, la Chronique ONU présentera le programme de travail de la session extraordinaire de l'Assemblée générale pour une étude d'ensemble de l'application de l'Agenda Habitat (Istanbul +5), qui aura lieu en juin 2001.



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Née en République-Unie de Tanzanie, Anna Kajumulo Tibaijuka a obtenu un doctorat en sciences agronomiques à l'université d'Uppsala, en Suède. Spécialisée dans le rôle et les droits des femmes dans les pays en développement, elle était professeur agrégé d'économie à l'université de Dar-es-Salaam, en Tanzanie, avant de faire partie de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement en 1998.

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