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Alliances mondiales et politiques multilatérales
RENFORCER L'AIDE MULTILATÉRALE


Par Eveline Herfkens

Les Nations Unies sont ni plus ni moins que les contributions de différentes nations. Tant que les pays n'ont pas la volonté politique de faire de l'ONU une organisation puissante, comment peut-on espérer que celle-ci joue un rôle de leader dans les questions mondiales auxquelles elle est confrontée ? La nécessité d'élaborer une politique multilatérale efficace est plus urgente que jamais. La rapidité avec laquelle la mondialisation s'est développée a clairement montré que la gouvernance mondiale n'était pas à la hauteur pour faire face aux nouveaux problèmes et défis. L'investissement en "biens publics" — protection de l'environnement, de la biodiversité, lutte contre les maladies infectieuses, réduction du fossé entre les riches et les pauvres, prévention des violations des droits de l'homme et intervention opportune— est inévitablement soumis à des pressions s'il est laissé à la merci des forces du marché et des Etats, comme cela est souvent le cas aujourd'hui.

Les Nations Unies doivent acquérir une plus grande autorité politique et de plus grandes ressources financières, ce à quoi vise depuis longtemps la politique néerlandaise. Les Pays-Bas sont le seul pays au monde dont la constitution oblige le gouvernement à promouvoir le développement du droit international. Les organisations multilatérales y jouent un rôle essentiel; leur soutien et l'exploitation active de leur potentiel ont donc été, non sans un regard critique, une caractéristique établie de la politique néerlandaise depuis des décennies. Les Pays-Bas sont l'un des quelques pays dont le budget alloué à l'aide dépasse 0,7 % du produit national brut, et ceci depuis plus de 25 ans d'affilée. Le gouvernement souhaite augmenter la part du budget du développement alloué à l'aide multilatérale.

Les avantages potentiels de l'aide multilatérale comparés à l'aide bilatérale sont énormes. Les organisations multilatérales ont souvent des connaissances plus approfondies et une plus grande expérience dans leur domaine que les pays donateurs. Leur confier la gestion de l'aide permet d'empêcher la fragmentation et le double emploi des fonds, de réduire le fardeau administratif imposé au pays bénéficiaire et d'accroître l'efficacité du processus. Cela facilite, en outre, la coordination en raison du nombre réduit des parties impliquées au niveau local. Moins motivée par les intérêts des donateurs — intérêt économique personnel ou objectifs géopolitiques —, l'aide multilatérale encourage également la propriété bien que, fort malheureusement, certains donateurs lient leur contribution aux agences multilatérales dans ce but.

Malheureusement, beaucoup de ces avantages sont perdus en pratique en raison du manque de coopération et de cohérence, de priorités mal ciblées et d'une mauvaise gestion. Les Fonds et Programmes des Nations Unies et ses institutions spécialisées peuvent compter sur les Pays-Bas et, j'espère, sur d'autres pays. Mais que peuvent attendre les Pays-Bas et, en fait le monde, du système de l'ONU ? Ses institutions assument la lourde responsabilité d'obtenir le résultat maximum avec l'apport politique et financier donné, en d'autres termes, être un modèle d'efficacité.

Des Nations Unies efficaces peuvent également accroître la confiance en matière de gouvernance mondiale. Mais pour que cela se produise, il faut que les institutions de l'ONU soient prêtes à prendre en compte les critiques sur la manière dont elles fonctionnent. Mes principales critiques sont les suivantes :

  • Le manque de cohérence entre les organisations multilatérales, souvent contraintes à être les meilleures, empêche une étroite coopération et gêne donc le fonctionnement optimal du système dans son ensemble. Les "modèles du genre" et les egos peuvent freiner le processus, en particulier au niveau local.

  • Les initiatives sont souvent beaucoup trop ambitieuses en ce qui concerne les mandats et les zones géographiques. Se concentrer sur les tâches essentielles devrait circonscrire davantage le rôle des organisations. Les institutions de l'ONU devraient davantage concentrer leurs activités de développement dans les pays aux revenus faibles.

  • Les Nations Unies sont compétentes à formuler des politiques et à fixer des objectifs mais sont mal équipées lorsqu'il s'agit de la mise en œuvre ou de la surveillance. Les conférences de l'ONU servent trop souvent à renégocier les accords précédemment passés. Elles devraient plutôt se concentrer sur la mise en œuvre des objectifs adoptés, le contrôle des résultats obtenus et l'analyse des facteurs qui freinent les réussites ou même les empêchent.

  • La gestion et l'administration sont toujours inefficaces malgré des améliorations considérables dans certaines institutions de l'ONU. Cela se concrétise par une incapacité à fixer des priorités, un déploiement inefficace du personnel et des fonds, un manque de transparence de la gestion ou une responsabilité insuffisante.

Une plus grande cohérence, moins de prétentions, une meilleure surveillance et une gestion plus solide — tels sont les défis auxquels est confrontée la famille de l'ONU. Dans le même temps, il ne s'agit pas de se perdre en conjectures et de se croiser les bras. Certaines institutions étaient destinées à jouer un rôle dominant dans leur domaine mais elles ne possèdent pas la capacité nécessaire, largement en raison des années de croissance zéro demandées par les pays industrialisés. Elles sont maintenant très en retard sur la Banque mondiale plus solide financièrement.

C'est une réalité à laquelle les Nations Unies doivent faire face, aussi cruelle qu'elle soit. Au lieu de se lamenter sur leur leadership passé, elles devraient rechercher activement de nouvelles coalitions et de nouvelles formes de coopération. L'Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination est un bon exemple (voir encadré page 23).

Pour mener à bien la réforme de la structure internationale du développement, y compris les Nations Unies, la cohérence est indispensable. Et cela commence dans les capitales des États membres. Le manque d'homogénéité des organisations internationales reflète l'incohérence et la compartimentalisation de leur propre gouvernement. Finalement, ce que nous attendons des Nations Unies reste limité par notre propre volonté politique.


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S.E. Mme Eveline Herfkens est Ministre du Développement et de la coopération aux Pays-Bas.

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