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L'INTERVIEW de Chronique ONU


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Depuis que la Finlande s'est jointe aux Nations Unies en 1955, elle a participé à des opérations du maintien de la paix dans le monde entier.

Au vu de la participation des Finlandais aux opérations du maintien de la paix à Suez, à Chypre et dans de nombreux autres lieux, on peut dire que nous jouons un rôle important à cet égard. Et ce n'est pas tout. Nous nous occupons aussi d'autres problèmes qui ne font pas strictement partie du maintien de la paix. L'imposition de la paix par exemple, qui est une opération beaucoup plus difficile.

La Finlande a été le premier pays à accorder les droits politiques aux femmes et aujourd'hui, ce sont deux femmes qui sont à la tête du gouvernement et du Parlement.

La présidente actuelle de la République finnoise, Madame Tarja Halonen, était ministre dans mon Cabinet. Elle fut d'abord ministre des Services sociaux puis ministre de la Justice. C'est une femme très compétente. C'est un exemple parfait de l'égalité politique entre les femmes et les hommes en Finlande. Nous ne nous considérons pas par rapport à notre sexe, et cela se reflète d'ailleurs dans notre langue. Nous n'avons qu'un seul mot pour désigner "il" ou "elle". C'est donc héréditaire. C'est notre façon fondamentale de penser. Les quelques problèmes qui existent dans le domaine des droits de la femme sont d'une importance minime si vous considérez notre système et notre situation dans leur ensemble. Bien entendu, les hommes et les femmes ont leurs propres rôles dans leurs familles et dans les affaires de tous les jours. Leurs rôles sont différents mais leurs droits sont égaux.

L'Assemblée générale peut-elle jouer un rôle important dans la promotion de l'égalité des droits ?

Je pense que l'Assemblée générale offre un forum où ces questions peuvent être présentées et discutées. A mon avis, l'une des grandes questions du développement dans le monde auxquels sont liées la plupart des autres problèmes est l'éducation des filles. Nous savons, de par notre expérience, que c'est la question la plus essentielle mais malheureusement ce n'est pas le cas dans de nombreux pays. S'il y a une chose que je voudrais faire en tant que président de l'Assemblée générale, c'est donner la priorité à l'éducation.

Cette question est liée à une autre préoccupation primordiale des Nations Unies, à savoir l'élimination de la pauvreté, problème qui touche principalement les femmes des pays en développement.

Tout à fait. C'est l'éducation qui permet une vie meilleure pour les femmes et pour tous. Je ne veux pas parler de la surpopulation ou de la régulation des naissances mais je pense que l'éducation est une manière de donner un nouvel élan à la question de la pauvreté. Et la question des droits de l'homme en général commence par l'éducation.

Votre carrière internationale est liée aux Nations Unies depuis le début des années 60.

Je venais de terminer mes études universitaires quand j'ai eu l'occasion de venir travailler ici. Bien entendu, mon travail était contrôlé par de vrais experts mais, par exemple, j'ai été affecté au Cinquième comité. J'y étais seul. Ce n'était pas toujours si facile que ça (rires). J'étais le représentant de la Finlande. L'ambassadeur alors en poste, M. Ralph Enckell, célèbre figure de la diplomatie finlandaise, m'a ensuite dit : "Je vous ai affecté à ce poste parce que je voulais que vous appreniez quelque chose." Et je pense l'avoir fait, au moins un peu.

Quelle est la différence la plus frappante entre votre expérience à cette époque et votre vue sur les Nations Unies aujourd'hui ?

Je viens de relire un article que j'avais écrit en 1964 et je pense qu'il est toujours actuel. Il n'y a donc pas une grande différence. De nombreux points qui figuraient à l'ordre du jour il y a 37 ans, lorsque j'ai commencé à l'ONU, sont toujours les mêmes. Lorsque j'étais un jeune homme et membre de la délégation finlandaise aux sessions de l'Assemblée générale, au début des années 60, la plupart des questions à l'ordre du jour étaient les mêmes qu'aujourd'hui. Mais il y a des questions qui sont incontournables, telles que le développement et les droits de l'homme. Certes, la liste est bien plus longue mais les préoccupations n'ont pas changé. Il me semble que seules deux ou trois questions ont été abandonnées : les questions de tutelle par exemple, celles relatives aux pays divisés tels que l'Allemagne et la Corée, et l'apartheid — mais l'apartheid est venu plus tard. En tant qu'organisation, les Nations Unies se sont considérablement développées. Il crois qu'il y avait alors 11 Etats Membres alors qu'ils sont actuellement 189. Aujourd'hui, les discussions au sein de l'Assemblée générale sont davantage orientées sur les questions du développement. Celles-ci étaient déjà présentes à l'époque mais les questions des droits de l'homme et du développement jouent un rôle beaucoup plus important aujourd'hui.

Je connais très bien la situation financière des Nations Unies. En 1964, j'ai été également nommé membre de la délégation finlandaise mais nous ne sommes jamais venus à New York parce que l'Assemblée générale a été pratiquement annulée en raison de la crise financière de l'Organisation. Aujourd'hui, nous faisons face à des problèmes similaires mais ils n'ont pas la même ampleur. Le manque de fonds de l'Organisation est cependant toujours réel.

Vous avez six petits-enfants. A votre avis, quel sera le monde auquel ils seront confrontés lorsqu'ils auront votre âge ?

C'est une question très importante. Je me souviens que lorsque mon fils est né en 1962, j'ai écrit une lettre à mon grand-père pour lui dire combien j'étais heureux et en même temps inquiet. Il y avait alors de nombreux problèmes qui semblaient assez graves. J'ai maintenant six petits-enfants merveilleux, âgés de neuf à deux ans à demi. Dimanche dernier, j'étais en compagnie de trois d'entre eux. Nous avons fait un agréable pique-nique et discuté des problèmes dans le monde. Le plus âgé, qui a 9 ans, m'a demandé : "A ton avis, qu'est-ce que je ferai quand je serai grand ?" " Je ne peux pas te donner de conseil. Qu'est-ce que tu aimerais faire ?" lui ai-je dit. " Je ne sais pas" a-t-il répondu, "mais je ne veux pas être ingénieur (son père est ingénieur dans l'aéronautique) ou politicien". Je lui ai demandé pourquoi. "Parce que mon père n'est jamais à la maison et que tu as tellement de choses à faire que tu voyages constamment. Je veux faire autre chose". (Rires). Il a dit qu'il voulait être médecin parce que les docteurs aident les gens. "Alors, sois médecin" lui ai-je répondu.

Je pense qu'il existe des problèmes sérieux. Les questions de l'environnement m'inquiètent beaucoup même si, dans la société finlandaise, nous ne sommes pas confrontés aux problèmes les plus urgents. Pour prendre un exemple, la mer Baltique est de plus en plus polluée parce que la population côtière ne la protège pas suffisamment. C'est pourtant un élément crucial de la vie pour les pays comme la Finlande et les autres Etats baltes comme la Suède ; elle a toujours été le lien qui relie le nord de l'Europe. Et ce problème me préoccupe beaucoup. Que va-t-il se produire si la pollution continue ? Ce n'est qu'un exemple, mais c'est un grave problème pour moi ainsi que pour tous ceux qui vivront en Finlande, y compris mes petits-enfants. En tant qu'individus, nous ne pouvons peut-être pas faire grand-chose à l'échelon mondial mais nous devons commencer à instaurer le changement à cet égard en appliquant ce que nous préconisons — c'est mon point de vue.

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