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DIVERSITÉ BIOLOGIQUE
Une campagne difficile à un moment peu favorable


Par A. Hamid Zakri

Il est plus facile de mobiliser le soutien à des causes biologiques particulières, telles que les tigres ou les zones humides, qu'à la biodiversité, cause relativement abstraite que le public classe immanquablement au dernier rang des questions d'environnement, de la faune sauvage au changement climatique. De fait, même ceux qui se considèrent comme des écologistes ne se mobilisent guère pour la biodiversité. Pourtant, la gestion d'une question aussi mondiale que la biodiversité nécessite l'engagement direct des Nations Unies. Plus de 150 gouvernement ont signé la Convention sur la diversité biologique (CDB) lors de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement (CNUED), qui s'est déroulée à Rio de Janeiro en juin 1992. Aujourd'hui, la Convention compte 175 Etats parties, ce qui en fait certainement un des grands traités les plus ratifiés du système des Nations Unies.

La CDB offre l'occasion d'atteindre d'importants objectifs mais il a été difficile de maintenir l'enthousiasme, sans parler du financement et des engagements institutionnels. De tous les engagements pris lors de la CNUED, la CDB s'est avérée la plus difficile à sensibiliser les hommes politiques et le grand public. Les parties à la CDB ne peuvent ignorer qu'elles lancent une campagne difficile à un moment peu favorable, alors même que le mouvement écologique semble être à la recherche d'un second souffle. Rien que pour sensibiliser le public et les dirigeants internationaux à l'importance des enjeux, il faudra déployer des efforts considérables et, la conclusion d'un accord entre ces dirigeants semble bien lointaine. Le processus doit donc, dans ce contexte, garder des objectifs réalistes.

Dès son élaboration, la CDB a souffert d'un manque de clarté et de conflits latents dans sa mission institutionnelle. Il y a ceux qui sont essentiellement motivés par la conservation de la nature pour les futures générations. Il y a ceux pour lesquels cette conservation doit céder la priorité au développement. Il existe bien sûr une vaste gamme d'options politiques qui réconcilient ces deux objectifs. Mais lorsque la voie de la conservation de la nature s'éloigne de celle des avantages économiques, en proposant des mesures qui préserveraient des biens écologiques au détriment du développement, quel chemin les parties choisiront-elles ? Même dans la sphère de la conservation de la nature, des tensions institutionnelles persistent et il faudra les désamorcer. Cette nouvelle convention-cadre permet-elle d'attaquer tous les problèmes liés à la biologie sur tous les fronts ? Mais il existe déjà toute une série de traités, accords et institutions qui s'intéressent à la biodiversité.

Certains estiment qu'il s'agit là d'une partie du problème, que l'effort actuel est trop fragmenté, et que ces diverses initiatives exigent coordination ou unification. La désertification, les rivières, les déchets toxiques et la gestion des océans, tout cela affecte la biodiversité, de même que les essais d'armes, le commerce, l'agriculture, l'exploitation de mines et les gaz d'échappement des voitures. Et rien ne prouve vraiment que les immenses organisations soient plus efficaces que des institutions de taille modérée dotées de mandats mieux définis.

Il est clair que l'on ne pourra protéger la biodiversité sans progresser dans d'autres secteurs déjà étudiés par d'autres régimes et que la CDB devrait s'attacher à ne pas faire double emploi avec les initiatives en cours relativement efficaces, limiter son rôle à l'identification de problèmes qui ont été négligés et recommander des améliorations.

Cependant, même un rôle aussi limité créera forcément des tensions. Par exemple, dans quelle mesure la Convention doit-elle poursuivre son propre ordre du jour indépendamment et simultanément ? Dans quelle mesure la CDB peut-elle se retirer de la gestion des forêts sans affecter sa crédibilité ? En ce qui concerne les questions liées au commerce, les parties à la CDB devraient-elles tenter d'influencer l'Organisation mondiale du commerce (OMC) ou bien faire leur possible pour retirer les questions liées au commerce (par exemple dans le domaine des ressources génétiques) de la compétence de l'OMC, ou encore les placer sous un régime concurrent ? La question sous-jacente doit être la suivante : dans quels domaines doit-elle assumer le rôle de dirigeant ? Compte tenu des compétences institutionnelles alternatives du Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) et de la Commission du développement social, et de tant d'autres institutions, qu'est-ce que la CDB peut apporter qui soit unique ou primordial ? Dans quelle mesure peut-elle même assumer le rôle de dirigeant institutionnel ?

Même si les parties choisissent une voie loin des autres institutions et ne remplissent que des tâches qui sont le plus clairement définies par la Convention, elles devront établir un ordre de priorité des objectifs à atteindre, ne serait-ce que pour tenir compte des contraintes budgétaires et institutionnelles. Ses buts les plus importants ont déjà été définis dans une série d'études qui remontent à la Stratégie mondiale de la conservation de 1980. Il ne s'agit plus maintenant de savoir ce qu'il faut faire. On ne pourra pas faire tout ce qu'il y a à faire. La question est une question de priorités : parmi tous les objectifs dignes d'intérêt, quels sont ceux qui passent en priorité ?

Peut-être est-il possible d'identifier les projets que tout le monde approuve, ceux qui sont pour le développement et ceux qui privilégient la protection de la nature, et de les classer par ordre de priorité. Les efforts déployés chaque année pour la biosécurité sont considérables. Leurs partisans les justifient en afffirmant que le problème est "crucial" parce que c'est un secteur que les parties ont convenu d'étudier, repoussant à plus tard la discussion de problèmes dont les conséquences sont bien plus graves.

Les liens institutionnels et les relations de coopération avec d'autres organismes internationaux sont un aspect fondamental de la mise en œuvre de la Convention, en particulier pour les mécanismes financiers, qui, en termes institutionnels, sont gérés en grande partie par le Fonds de l'environnement mondial et les institutions de mise en œuvre : le Programme des Nations Unies pour le développement, le PNUE et la Banque mondiale. Des liens institutionnels ont été établis avec d'autres organismes. Le Secrétariat de la CDB a participé à la Force de travail interinstitutions du Groupe intergouvernemental sur les forêts et au Comité interinstitutions des Nations Unies sur le développement durable. Des accords visant à mettre sur pied un cadre pour la création de liens institutionnels dans les pays en développement ont été conclus entre le Secrétariat de la CDB et les secrétariats de la Convention de Ramsar sur les zones humides, la Convention sur le commerce international des espèces de la faune et de la flore menacées d'extinction, la Convention pour la protection du patrimoine mondial culturel et naturel, la Convention sur les espèces migratoires, la Commission océanographique intergouvernementale, la Banque mondiale, l'Union mondiale pour la protection de la nature, la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement, et l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture.

La Convention des parties (COP) a régulièrement adopté des décisions orientées vers d'autres processus et les a invitées à prendre un rôle actif dans la mise en œuvre de certains aspects de la Convention. Par exemple, la troisième réunion de la COP a invité la Convention relative aux zones humides d'importance internationale à coopérer en tant que partenaire dirigeant à la mise en œuvre des activités dans le cadre des aspects de la Convention sur la diversité biologique qui portent sur les terres humides. En conséquence, le Bureau de Ramsar a joué un rôle important dans la préparation de questions sur la biodiversité dans les eaux intérieures en vue de leur examen lors de la prochaine COP. On s'attend donc à ce que le programme de travail que la COP établira pour traiter la question suscitera la participation entière et active des parties au processus de la Convention relative aux zones humides d'importance internationale.


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A. Hamid Zakri est professeur à l'université de Kebangsaan, en Malaisie et ancien Président de l'organe auxiliaire sur les conseils scientifiques, techniques et technologiques de la Convention sur la diversité biologique.

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