Elvia, mère célibataire de 25 ans, issue d'une famille nombreuse (11 frères et sœurs) vit au Guatemala, un pays dans lequel l'organisation non gouvernementale CARE signale qu'environ 20% des femmes de moins de 18 ans deviennent des mères célibataires. Enceinte à 19 ans, elle fut abandonnée par le père du bébé. Elle obtint plus tard des prêts de CARE et elle a monté une entreprise de couture et d'élevage de poulets. Elle se jure que sa petite fille de six ans ne commettra pas les mêmes erreurs qu'elle.

C'est en pensant à des femmes comme Elvia que plus de 2 900 personnes venues de 137 pays se sont rassemblées du 2 au 4 février 1997 au Sommet du microcrédit à Washington (Etats-Unis). Les délégués ont lancé une campagne visant à atteindre en 9 ans, d'ici à 2005, 100 millions des familles les plus démunies de la planète et en particulier les femmes de ces familles, à leur octroyer des crédits et à offrir d'autres services financiers et d'affaires.

Le risque existe toutefois aujourd'hui de laisser passer l'occasion qu'offre le microcrédit de réaliser le potentiel inexploité des centaines de millions des personnes les plus pauvres de la planète. La campagne du Sommet du microcrédit définit les plus pauvres comme ceux qui font partie de la moitié inférieure des gens qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. Trop nombreux sont ceux, dans le domaine de la microfinance, qui tiennent à ce qu'on privilégie la mise en place d'institutions financièrement autonomes quitte à ne pas toucher les familles les plus pauvres. La campagne et certains responsables sur le terrain sont en train de prouver que l'on peut parvenir à une autonomie financière institutionnelle tout en aidant les plus pauvres et que cela est devenu d'une urgente nécessité. Le Conseil du Sommet du microcrédit des institutions des Nations Unies, coprésidé par le Fonds de développement des Nations Unies pour la femme et l'Organisation internationale du Travail, soutient la campagne depuis son lancement. Jusqu'à présent, toutefois, aucun organisme donateur bilatéral ou multilatéral n'a formé ses partenaires à avoir recours à des instruments de mesure de la pauvreté faciles à utiliser et d'un coût modéré qui permettraient d'identifier et d'atteindre les femmes les plus démunies. Aucune institution ne forme non plus ses partenaires à combiner l'objectif de la mise sur pied d'institutions financièrement autonomes avec celui de l'aide aux familles les plus pauvres. Un changement s'impose.

Depuis qu'elle a été lancée, la campagne du Sommet du microcrédit s'efforce de diffuser les dernières nouvelles du secteur de la microfinance, en s'intéressant en particulier à ses quatre thèmes centraux : atteindre les plus pauvres; atteindre les femmes et leur donner des moyens d'agir; bâtir des institutions financièrement autonomes; et assurer des effets positifs et mesurables sur les vies des clients et de leurs familles.

Une étude des programmes de microfinance concernés par la campagne révèle que les 925 adeptes du microcrédit qui se sont présentés au Sommet en 1999 atteignent actuellement 12,6 millions de clients très pauvres. Il faut souligner qu'il s'agit là de données fournies par la campagne, il n'existe pas suffisamment d'instruments peu onéreux de mesure de la pauvreté et la plupart des institutions ne se servent pas encore de ces mesures. La campagne tente, avec les adeptes du microcrédit, d'identifier et de diffuser les instruments de mesure de la pauvreté qui soient d'un coût abordable. Ceci dit, ce chiffre indique une augmentation de 56% du nombre de personnes pauvres aidées par rapport à 1998. Une augmentation annuelle de 35% au cours des sept prochaines années permettrait au projet d'atteindre 100 millions des clients les plus pauvres d'ici à 2005. Pour maintenir ce niveau de progression, il faudra : que les adeptes du microcrédit du monde entier aient davantage recours aux meilleures pratiques, notamment pour atteindre les personnes les plus pauvres; que les programmes touchent plus de clients; que l'accès au financement des communautés de base soit facilité; et que l'on continue à nettement augmenter le nombre d'adeptes du microcrédit, tout en augmentant le nombre de programmes placés sous la responsabilité de la campagne.

Les buts de la campagne pourraient être atteints plus rapidement avec le plein soutien des Nations Unies. Le Programme des Nations Unies pour le développement, a annoncé le lancement de Microstart — un programme pilote mondial de 41 millions de dollars visant à donner aux organisations locales les moyens de développer et d'améliorer les services de prêt et d'épargne aux micro-entrepreneurs. Une initiative qui encourage une démarche de prêts de solidarité, au lieu de chercher des garanties traditionnelles, en mettant l'accent sur femmes. Pour soutenir les institutions prometteuses, celles qui pourraient devenir des organismes pilotes. Cette démarche s'appuie sur le fait que pour répondre aux besoins du microfinancement, il faudra mettre sur pied des organismes dotés de la vision, de l'engagement et des capacités nécessaires au développement d'opérations de microfinancement viables. Un organisme pilote est défini comme un organisme assez important pour être capable, dans sa région, de s'affranchir des donateurs grâce à sa viabilité financière et d'exercer une influence sur d'autres prestataires de services.

Les Nations Unies doivent prendre des mesures pour élargir Microstart et renforcer leur soutien aux thèmes centraux de la campagne du Sommet du microcrédit. Le Secrétaire général de l'ONU Kofi Annan approuve l'objectif de ce Sommet, atteindre 100 millions de foyers les plus pauvres du monde d'ici à 2005. "Vous pouvez compter sur la présence de l'ONU à vos côtés d'ici à 2005". Ce soutien est plus nécessaire que jamais pour Elvia et pour 100 millions de ses sœurs du monde entier et pour les centaines de millions de leurs filles et de leurs fils.