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Les entreprises. Leurs enjeux.
Donner priorité aux besoins humains


Par Juan Somavia
Directeur général, Organisation internationale du travail

La plupart d'entre nous partagent l'avis que des économies et des sociétés ouvertes sont indispensables. Elles apportent des conditions de travail décentes et permettent une amélioration du niveau de vie. Mais comment peut-on s'assurer que chacun profite de l'économie mondiale ? Comment créer un contrat qui régisse ce processus que nous appelons la mondialisation d'une manière qui privilégie les besoins humains ? La manière dont les entreprises fonctionnent, que ce soit au niveau local ou par les services transnationaux et les processus d'approvisionnement, a une influence sur la manière dont les gens gagnent leur vie. La manière dont les gens travaillent détermine l'environnement opérationnel et les ressources qui influencent les marchés mondiaux. Cette interaction entre les marchés et la société est au cœur des préoccupations de l'Organisation internationale du travail.


Photo OIT
Les perspectives et les activités de l'OIT reflètent les points de vue des gouvernements, des entreprises et des travailleurs dans le monde. Examiner la question du monde du travail nous place à l'intersection des économies du marché et nous appelle à mesurer les valeurs telles que la justice et l'égalité, la dignité et le respect. C'est à cette intersection que les entreprises doivent assumer leur responsabilité pour fournir des conditions de travail décentes. Pour ce faire, les entreprises, l'OIT et les organismes de l'ONU ont créé un contrat mondial afin de promouvoir ces valeurs.

Les facteurs économiques et sociaux jouent un rôle important dans la réponse aux défis de la concurrence dans les marchés mondiaux. Pour réussir, les entreprises dépendent de l'accès aux capitaux, de l'infrastructure dans les domaines de l'éducation, de la santé et de la sécurité de l'environnement, des institutions chargées de susciter un dialogue social, des sciences et technologie, des communications et de la logistique. Dans un lieu de travail, l'interaction entre l'efficacité et l'égalité économiques s'avère un facteur très important qui engendre une efficacité sociale. Par exemple, dans de meilleures conditions de travail, le travail est plus productif; le travail des enfants diminue la capacité économique à long terme; les politiques pour l'égalité des sexes entraînent une croissance commerciale plus dynamique; une population vivant dans un climat de sécurité soutient une force de travail qui se montre davantage encline à s'adapter aux changements économiques.

L'efficacité sociale, premier objectif du contrat mondial, consiste à fournir une infrastructure sociale qui permet d'ancrer le développement économique et commercial dans la force de travail et dans la communauté du travail.

De toute évidence, nous n'y sommes pas encore arrivés, que ce soit dans les lieux de travail ou dans les sociétés dans lesquelles nous travaillons. Cependant, on constate un changement en matière de politiques gouvernementales et d'activités commerciales, et les affaires transnationales y jouent un rôle crucial. Plusieurs centaines de grandes sociétés transnationales, un certain nombre d'associations d'industries et d'autres organismes ont adopté des codes de conduite concernant l'éthique commerciale, l'environnement et les normes de travail. Elles essaient d'identifier des valeurs qui sont difficiles à mesurer et à cibler mais qui sont de plus en plus considérées par les entreprises comme étant aussi importantes que leur réputation commerciale et leur stratégie de base.

S'ils sont accueillis favorablement à bien des égards, ces développements sont la première étape d'une longue route. Nombreux sont toujours ceux qui ne voient pas le monde comme un lieu où les travailleurs ont tous voix au chapitre, où les droits des enfants et les besoins en matière de sécurité, de santé et de qualité de l'environnement sont des priorités dans le lieu de travail. Même à ceux qui partagent cette vision, il reste un grand chemin à parcourir avant d'assurer la transparence, la responsabilité et la participation de ceux qui ont le plus d'enjeux dans la manière dont le progrès est mesuré et rendu compte, et avant d'identifier et de corriger les erreurs.

Ce processus est aussi important que l'initiative des entreprises. Si le processus est incorrect, il y a de grandes chances que la politique ne sera pas adéquate ou ne sera pas suffisamment forte pour susciter les changements qui sont mis en place dans un esprit de collaboration afin de partager équitablement les fruits de la croissance économique — dans le cadre du travail, dans le processus d'approvisionnement et de services, et dans les communautés d'investissement.

La plupart des gens gagnent leur vie en travaillant. L'attention que l'OIT accorde aux conditions de travail décentes pour tous permet d'identifier ce qui est véritablement important pour le développement axé sur les gens et fournit la base pour une approche intégrée aux politiques et pratiques gouvernementales et commerciales.

L'ordre du jour de l'OIT pour des conditions de travail décentes, dont les composantes de base figurent dans le Contrat mondial, est crucial pour que les marchés mondiaux soient accessibles à tout le monde. L'OIT travaille en collaboration avec les entreprises et les représentants de travailleurs en vue d'instituer un nouveau type d'esprit d'entreprise social qui établit une relation entre la dynamique du marché et le désir naturel des individus de bénéficier de la sécurité de revenus et de l'emploi.

Certes, des conditions de travail décentes sont importantes, mais elles ne suffisent pas. Chaque jour apporte la preuve qu'en matière de gouvernance de l'économie mondiale, une action internationale impliquant les gouvernements, les entreprises et la société civile doit être renforcée. C'est la raison pour laquelle l'OIT travaille en collaboration avec les organismes de l'ONU pour promouvoir l'ordre du jour pour des conditions de travail décentes dans un cadre élargi qui inclut le respect et la promotion des droits de l'homme et de l'environnement. Nous devons collaborer, dans nos domaines de compétence respectifs, pour créer un projet commun de gouvernance pour l'économie mondiale où les besoins des peuples seront au cœur du processus de décision.

Il nous faut intégrer les droits civils, politiques, économiques et sociaux non seulement dans les institutions d'ordre public mais aussi dans les activités quotidiennes des entreprises, particulièrement dans les processus d'approvisionnement. La justice et l'égalité sont des valeurs fécondes. Plus nous le démontrerons par des actions, plus les marchés leur accorderont de l'importance. Il y a tout lieu d'espérer que les marchés commenceront très prochainement à prêter attention à la réalisation des normes de travail comme indicateur de santé des entreprises et donc du potentiel de leurs revenus futurs. Qui sait ? Il se peut qu'un jour Wall Street récompense les entreprises pour leurs bonnes relations avec les syndicats.

Donner la priorité aux besoins humains est dans l'intérêt des entreprises. Des conditions de travail propices à assurer la dignité humaine, l'égalité et la protection sociale créent des lieux de travail plus productifs et plus aptes à la concurrence.

Un grand nombre d'entreprises se sont engagées à s'adapter à cet ordre du jour. Le Contrat mondial offre l'occasion aux dirigeants mondiaux de démontrer qu'il y a tout avantage à intégrer les objectifs sociaux et financiers et qu'il existe des moyens pour gérer les coûts et les risques liés à cette nouvelle démarche. Le résultat final démontrera que la promotion des conditions de travail décentes, des droits de l'homme et de l'environnement est une étape nécessaire pour créer un monde dans lequel les marchés, en relation avec la société et ses acteurs sociaux, aideront à mettre fin à la pauvreté et à la souffrance humaine.

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Cet article est extrait de "Projet pour des conditions de travail décentes dans un nouveau millénaire" discours prononcé par l'auteur à San Francisco, le 12 octobre. 1999.

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