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Intégrer les droits de l'homme dans les pratiques commerciales des entreprises


Par Mary Robinson
Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme

Quelle est la tâche des Nations Unies que les peuples du monde entier considèrent comme la plus importante au XXIe siècle ? Les résultats du "Sondage sur le millénaire" — le sondage de l'opinion publique le plus important jamais réalisé dans le monde — montre que c'est la protection des droits de l'homme.

Les résultats du sondage, présentés dans le rapport de l'Assemblée du millénaire du Secrétaire général Kofi Annan, n'ont rien de surprenant, étant donné les défis que représentent les droits de l'homme dans le monde actuel : la discrimination raciale et l'inégalité entre les sexes sont des réalités quotidiennes pour des millions de personnes; la torture, les exécutions arbitraires et l'esclavage sont toujours en vigueur dans de nombreux pays; et la pauvreté — un cinquième de la population mondiale continue de survivre avec un dollar par jour — et la liste ne s'arrête pas là.


Photo HCR
En préparation du Sommet du millénaire qui aura lieu en septembre 2000, un débat est en cours sur la capacité des Nations Unies à faire face à ces défis dans un monde transformé par l'économie mondiale et la révolution des technologies de l'information. Les bénéfices de la mondialisation sont immenses pour certains, mais pour un trop grand nombre de personnes, ils ne sont, au mieux, qu'une vague promesse. Dans le rapport du millénaire, le Secrétaire général affirme : "Nous devons nous assurer que la mondialisation devienne une force positive pour tous les peuples du monde, au lieu de laisser des milliards d'entre eux dans une extrême misère."

En tant que Haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, j'ai pour mandat de renforcer la coopération internationale pour la promotion et la protection des droits de l'homme, pour que la question des droits de l'homme soit en effet au centre du débat. Si je suis plus convaincue que jamais qu'un réel progrès nécessite, d'abord et avant tout, que les gouvernements respectent leurs engagements en matière de droits de l'homme, je suis aussi profondément persuadée que les approches innovatrices et les contributions des nouveaux partenaires sont cruciales.

Les systèmes de l'ONU redouble ses efforts pour travailler avec les acteurs non gouvernementaux, tels que les entreprises mondiales, les syndicats, les organisations non gouvernementales (ONG) et les réseaux internationaux de la société civile, dans le but d'atteindre ses objectifs. L'un des outils développés pour renforcer ces relations est l'initiative du Secrétaire général "Global Compact" (contrat mondial), qui invite le secteur privé à s'engager dans la mission des Nations Unies pour faire progresser les droits de l'homme, les normes fondamentales de travail et assurer un environnement durable. Ses neuf principes sont basés sur des normes adoptées à l'échelon international qui figurent dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, la Déclaration de l'Organisation internationale du travail sur les principes et les droits fondamentaux du travail et la Déclaration de Rio, adoptée, en 1992, lors du Sommet planète Terre de l'ONU, qui énonce une série de valeurs universelles soutenues par la communauté internationale. Dans ce sens, le "Contrat" peut fournir un cadre de référence pour les autres initiatives de l'industrie ou pour les actions menées aux niveaux régional et gouvernemental.

Certains se sont demandés pourquoi les Nations Unies devraient développer un Contrat mondial avec le monde des affaires, arguant du fait que les sociétés sont déjà trop puissantes et qu'un partenariat étroit avec les Nations Unies ne fera que renforcer leur pouvoir, et soulignant que les cent plus grandes entreprises ont un revenu annuel combiné supérieur au produit national brut de la moitié des pays du monde et que les seules règles qui les intéressent sont celles du libre-échange.

A mon avis, nous ne pouvons ignorer ses préoccupations. Mais nous ne pouvons pas non plus ignorer le fait que les entreprises sont de plus en plus conscientes que faire preuve de conscience sociale a une incidence sur leur réputation et leur image de marque ainsi que sur leur habilité à recruter et retenir les meilleurs employés, à se faire accepter par les communautés où elles sont implantées et à obtenir une licence pour travailler avec les gouvernements. Elles reconnaissent aussi que dans notre village de plus en plus global, si les droits de l'homme et la primauté du droit ne sont pas respectés, les occasions de construire de nouveaux marchés et de soutenir la croissance sont loin d'êtres certaines.

L'objectif immédiat de la mise en œuvre du Contrat mondial est d'obliger les entreprises internationales à faire une déclaration de soutien de ses principes et de s'engager à défendre les intérêts publics; de rendre compte, par le site web Global Compact des progrès ou des leçons tirées de l'application des principes (www.unglobalcompact.org); et de s'engager à établir un partenariat avec les organisations de l'ONU en proposant des initiatives pratiques en vue d'appuyer les objectifs de l'ONU.

Dans le domaine des droits de l'homme, les principes du Contrat mondial engagent les entreprises à "soutenir et assurer la protection des droits de l'homme à l'échelon international dans la sphère de leur influence et de s'assurer que leurs propres entreprises ne sont pas complices de violations de droits de l'homme."

Voici quelques points concrets que les entreprises pourraient adopter pour mettre ses principes en pratique :

  • Evaluer la situation des droits de l'homme dans les pays où elles font ou ont l'intention de faire des affaires afin de déterminer les risques de violations de ces droits et l'impact potentiel de l'entreprise dans ce domaine;
  • Adopter des politiques explicites qui protègent les droits des travailleurs dans leur emploi et le processus d'approvisionnement;
  • S'assurer que les dispositifs de sécurité, qu'il s'agisse de leurs propres dispositifs ou de ceux sous contrat ou fournis par l'Etat, ne contribuent à la violation des droits de l'homme;
  • Etablir un système de contrôle pour s'assurer que leurs politiques en matière de droits de l'homme ont été mises en œuvre.

Intégrer les droits de l'homme dans les pratiques commerciales des entreprises ne sera pas une tâche aisée. Mais il ne faut sous-estimer les immenses avantages que les entreprises peuvent offrir aux sociétés si elles respectent un code de conduite. Les entreprises qui assument leurs responsabilités, qui respectent les cultures et les communautés où elles travaillent, qui n'exploitent pas leurs employés, qui tiennent compte des questions de l'environnement et qui demandent instamment aux gouvernements d'améliorer les normes relatives aux droits de l'homme, peuvent jouer un rôle important au niveau économique d'un pays tout en atteignant leur principal objectif, celui d'offrir aux investisseurs un rendement satisfaisant de leur investissement. Il est important de ne pas oublier l'importance de l'engagement des plus petites entreprises par le biais du processus d'approvisionnement et des réseaux de l'ONU dans le développement du Contrat mondial. Les grandes associations d'entreprises, les syndicats de travailleurs et les ONG qui soutiennent activement cette initiative sont essentiels à cet égard.

Il reste encore beaucoup à faire pour que le Contrat mondial soit un guide destiné à assurer des pratiques commerciales satisfaisantes et à encourager des partenariats novateurs qui engendrent des résultats pratiques à la fois pour les entreprises et pour les individus. Essentiellement, le Contrat mondial regroupera les ressources du système de l'ONU, du monde des affaires et de nos partenaires les ONG dans le but de fixer des objectifs communs.

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