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Cela n'a pas marché à Seattle
CELA MARCHERA DE MOINS EN MOINs À L'AVENIR


Par Klaus Schwab

Les Nations Unies sont la principale conscience du monde et le principal catalyseur du développement économique et social. C'est ce développement qui déterminera, dans une grande mesure, la façon dont la communauté mondiale réussira à combler le fossé inacceptable entre les nantis et les démunis. Ce développement exercera aussi une influence sur la durabilité des progrès technologiques remarquables engendrés par la nouvelle économie, c'est-à-dire qu'il pourra veiller à ce que ces progrès bénéficient véritablement à tous les secteurs de la société mondiale, créant une croissance économique équitable et assurant la protection de l'environnement pour les générations actuelles et futures.

Le Sommet du millénaire des Nations Unies, qui se tiendra en septembre, offre l'occasion unique aux dirigeants du monde entier de renforcer le mandat de l'Organisation. Leur présence au Siège de l'ONU à New York sera un symbole de la façon dont l'interaction des dirigeants de nos politiques collectives peut faire avancer la cause commune de la paix et de la prospérité pour tous au seuil d'un nouveau siècle et d'un nouveau millénaire. Espérons que la tenue de ce sommet permettra aux 189 nations de l'organisation de définir avec plus de précisions les structures nécessaires pour guider la mondialisation.

Ce phénomène qu'on appelle "mondialisation" mérite d'être abordé avec prudence. Il n'amoindrit pas les différences culturelles ou ethniques. Les gens ne réagissent pas ou ne pensent pas de la même manière à Beijing, Delhi ou Paris parce qu'ils se nourrissent des mêmes repas de restauration rapide. En fait, la mondialisation renforce le besoin qu'éprouvent les communautés et les pays d'affirmer plus vigoureusement leurs différences culturelles et ethniques. Nous ne voyons donc pas la convergence de cultures dans un village mondial où tout fonctionnerait sans incident. Le vrai problème est de gérer la diversité dans un monde où se côtoient des identités culturelles et des pratiques ethniques qui ne disparaîtront pas.

La mondialisation n'est pas non plus une panacée contre les maux économiques du monde. Nous savons maintenant que si elle est livrée à sa propre logique, la mondialisation creuse le fossé, au niveau national comme au niveau international, entre ceux qui sont équipés pour tirer parti de ses bienfaits et ceux qui sont laissés sur la touche. Dans le monde développé, la technologie et la finance sont les grands vainqueurs de la mondialisation tandis que le monde du travail, au sens traditionnel du terme, est le perdant. Il est clair que le défi à relever concerne la répartition des richesses.

Qui intervient dans l'élaboration et la discussion de l'ordre du jour mondial ? Comme l'a montré le fiasco de Seattle (Etat de Washington, Etats-Unis) en novembre dernier, les économies de marché émergentes et les pays en développement sont de moins en moins enclins à accepter que la mondialisation se poursuive conformément aux priorités et à l'ordre du jour des Etats-Unis et de l'Europe seulement. La question est de savoir si nous pourrons créer dans les années à venir un système multilatéral de gouvernance mondiale qui jouira d'une crédibilité et d'une légitimité suffisantes pour servir de cadre à l'élaboration de consensus et à la prise de décisions.

Que le multilatéralisme n'ait pas progressé ces dernières années est inquiétant. En fait, il est en train de décliner. Le multilatéralisme a été utilisé trop souvent pour dissimuler des actions ou initiatives motivées par les seuls intérêts nationaux ou les faire approuver par la communauté internationale. Pour être efficace, un système véritablement multilatéral devra intégrer des sensibilités, priorités et intérêts différents de telle sorte que des pays différents, quelles que soient leur taille ou leur importance économique, aient l'impression qu'ils ont une bonne chance d'intervenir et de présenter leurs intérêts.

Considérez l'alternative. Seattle a peut-être marqué un tournant. Ce qui est important, c'est ce qui s'est passé à l'intérieur du Convention Center où se déroulait la réunion ministérielle officielle. Jusqu'alors, chaque fois qu'une négociation de ce type était dans l'impasse, on supposait que la simple perspective de renvoyer tout le monde chez soi sans avoir obtenu de résultats obligerait les parties à conclure un accord, aussi peu satisfaisant fût-il. Cela n'a pas marché ainsi à Seattle et cela marchera de moins en moins à l'avenir.

On peut s'attendre à voir surgir des difficultés considérables sur la voie d'une gouvernance mondiale. Il est incontestable qu'il faut changer sa façon de voir pour essayer de mettre en place les nouvelles structures qu'exige la gouvernance mondiale. Mais il n'y a pas d'alternative si nous voulons éviter que la mondialisation ne s'emballe et ne devienne un jeu très dangereux où tout le monde perdrait.

Les Nations Unies se trouvent donc dans une position unique qui leur permet de jouer le rôle de catalyseur d'un processus qui pourrait aboutir à une forme de mondialisation plus équitable. Leur mandat a été défini en grande partie dans le domaine du maintien de la paix. Mais l'Organisation peut contribuer également à la réalisation d'un objectif central de notre monde de plus en plus interdépendant : la sécurité économique et la prospérité pour tous.


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Le Professeur Schwab, fondateur et président du World Economic Forum, a créé récemment la Fondation Schwab pour le développement économique et social. Il enseigne à l'Université de Genève depuis plus de 30 ans.

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