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Les peuples d'abord
UN MONUMENTAL RECENTRAGE DE L'ÉTAT D'ESPRIT ET DES SCHÉMAS DE PENSÉE


Par Chris Landsberg

A en juger par plus de 50 ans de politique internationale d'après-guerre, que pourraient offrir les Nations Unies au peuple de la planète ? La chose principale que l'on attendra d'elles dans les années, et même les décennies qui s'annoncent, est de donner la "priorité aux humains", ainsi que l'ont récemment observé Matoma, Mills et Stremlau dans les débats de la conférence intitulée: "Le peuple d'abord : priorités africaines pour l'Assemblée de l'ONU du millénaire" (Johannesburg, 2000). L'ordre du monde n'est plus exclusivement centré sur l'Etat. C'est plutôt un système où les acteurs et les problèmes de la scène internationale s'entrelacent, un système dans lequel les acteurs non étatiques aussi bien que les mouvements de la société civile, les organisations non gouvernementales (ONG) et les entités du secteur privé se concurrencent pour dominer l'ordre du jour politique mondial. La soi-disant "haute politique" de la souveraineté, de la guerre et de la paix devrait être contrebalancée par la soi-disant "basse politique" de la justice, de la réconciliation, de la suppression de la pauvreté, de la pandémie du SIDA et des droits de l'homme.

En d'autres termes, il est urgent que les Nations Unies et les Etats souverains contrebalancent les questions de sécurité de l'Etat avec celles de la sécurité humaine et de la diplomatie de coopération. De fait, il se pourrait bien que la basse politique d'hier soit en passe de devenir rapidement la haute politique d'aujourd'hui et de demain, et les activités et l'influence de l'ONU devraient cesser d'être exclusivement monopolisées par les gouvernements. Les efforts fournis par le bureau du Secrétaire général pour entamer une "série de dialogues" avec les représentants internationaux de la société civile, les ONG et les cellules de réflexion sont louables. Toutefois, il existe des ONG aristocratiques, des ONG d'élite, qui se déguisent en "société civile".

Les entités de la société civile ne sont pas des représentants élus et ne devraient pas exiger d'influencer la prise de décision politique au niveau mondial, mais elles pourraient augmenter leur influence sur les débats internationaux sur les politiques publiques. Elles devraient être les toutes premières à contester l'idée selon laquelle l'aide étrangère a perdu son utilité, et traiter la question des objectifs recherchés par cette aide.

De même qu'aux Nations Unies on devrait exposer au grand jour la question des Etats membres qui ne s'acquittent pas de leur contribution, on devrait livrer à l'attention publique celle des Etats qui ne respectent pas l'engagement de fournir 1% de leur produit intérieur brut en contributions à l'aide publique au développement. Le Secrétaire général pourrait envisager la création d'un "comité consultatif de la société civile" très représentatif et constitué d'un maximum de 20 dirigeants de la société civile. On ne se bornerait pas à engager des ONG : il serait également prudent de tenir un dialogue avec les capitaines de l'industrie mondiale, les magnats des médias et les dirigeants de l'éducation.

Le peuple de la planète s'attend à voir un Conseil de sécurité plus représentatif, capable de répondre à des situations difficiles, un Conseil qui représente mieux l'ordre mondial, constitué d'Etats qui soient le mieux à même de le garantir. La priorité devrait être de renforcer le Conseil plutôt que de le transformer en une mini-Assemblée générale. Les Nations Unies ne peuvent pas espérer rétablir l'image qu'elles avaient de premier pacificateur mondial sans s'engager à maintenir cette même paix qu'elle a mise en œuvre avec une telle diligence. La paix a un prix, et ce prix est bien souvent le renforcement et la consolidation d'initiatives fragiles par des mesures appropriées.

Si l'expérience du Rwanda d'il y a six ans nous a enseigné quelque chose, c'est bien que les Nations Unies doivent de manière impérieuse et urgente se montrer davantage responsables, c'est-à-dire être plus transparentes et plus disposées à rendre des comptes. Donnent-elles actuellement l'exemple? Ont-elles appris leurs leçons? Peut-on s'en remettre à elles comme à un parlement mondial?

Le défi que doit relever l'ONU est de trouver un équilibre entre la politique de la sécurité de l'Etat et celle de la sécurité humaine et de la coopération, tout en conservant le réalisme de ses propres limites ; elle doit apprendre à promettre moins et donner plus, à préserver jalousement sa propre crédibilité et sa légitimité. Le Secrétaire général devrait accorder la priorité au rétablissement de "l'autorité morale" de l'organisation, facilement ébranlée par les puissances mondiales.

En dernière instance, le Secrétaire général et le Secrétariat devraient continuer, ainsi qu'ils le font avec tant de ténacité, à essayer d'unir le monde autour d'un nouvel ensemble de normes, de valeurs et de principes qui ont vu le jour après la guerre froide : ceux de l'humanitarisme.


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M. Chris Landsberg, Département des relations internationales, Université de Witwatersrand, Afrique du Sud; Chargé de cours invité au titre du programme Hamburg, Centre international pour la sécurité et la coopération, Université de Stanford, Etats-Unis.

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