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Renforcer un mandat humanitaire
L'ÉPOQUE DE LA SOUVERAINETÉ ABSOLUE EST RÉVOLUE


Par Agon Demjaha

A l'aube d'un nouveau siècle, le monde est aussi perturbé que jamais. De nombreux problèmes du siècle dernier seront probablement présents au siècle nouveau. Après l'intervention au Kosovo et la création de la Mission des Nations Unies dans cette région, le monde dans lequel nous vivons, nous les Albanais du Kosovo, est meilleur. Incontestablement toutefois, nombre d'habitants d'autres régions agitées de la planète s'élèveraient en faux contre cette affirmation. Un grand nombre de conflits ethniques, religieux et autres, le réchauffement de la planète, les Etats en situation d'échec, et d'autres menaces dont nous sommes aujourd'hui témoins nous rappellent les défis que nous devons relever à l'aube du nouveau millénaire. Et la plupart du temps, on cherche en un seul endroit les réponses et solutions à ces problèmes — aux Nations Unies.

Cependant, même si elles sont la meilleure source d'espoir de nombreux peuples opprimés du monde entier, les Nations Unies sont également souvent considérées avec scepticisme et méfiance. Elles ont été créées après la fin de la seconde guerre mondiale et elles réflétaient donc la réalité de l'époque. Pendant les longues années de la guerre froide, l'Organisation a joué avec succès son rôle d'unique organe international responsable de la sécurité dans le monde. La réalité d'aujourd'hui est toutefois bien différente. Les conflits entre Etats, que les Nations Unies avaient été créées pour régler, menacent rarement la sécurité internationale. A leur place, nous voyons maintenant de nouveaux types de conflits ethniques et religieux qui éclatent d'habitude à l'intérieur des frontières internationalement reconnues des Etats Membres de l'ONU. Ces conflits internes ont malheureusement montré que la communauté internationale en général, et les structures existantes de l'ONU en particulier, sont mal adaptées pour résoudre les défis du nouveau siècle.

Le monde voudrait donc, à l'aube de ce nouveau millénaire, voir des Nations Unies réformées et plus efficaces — des Nations Unies qui reflètent la réalité et les besoins d'aujourd'hui. Si le système du veto du Conseil de sécurité a joué un rôle utile au cours de la guerre froide, il faut maintenant améliorer le fonctionnement de cet organe de manière à permettre à l'Organisation de s'acquitter avec succès de son mandat.

Comment les Africains et les Latino-Américains peuvent-ils faire entièrement confiance aux Nations Unies s'ils n'ont aucun représentant permanent au Conseil de sécurité ? Comment le Conseil peut-il maintenir son autorité et sa crédibilité sans s'ouvrir à certains nouveaux Etats importants comme l'Allemagne ou le Japon ? Et, finalement, comment les Nations Unies peuvent-elles s'acquitter de leur rôle si un seul membre permanent du Conseil a la possibilité d'opposer son veto aux résolutions, si importantes et justes fussent-elles ?

En outre, les Etats Membres devraient comprendre que l'époque de la souveraineté absolue et exclusive est révolue. Leurs gouvernements ne peuvent plus violer sur une vaste échelle les droits fondamentaux de leurs citoyens sans être punis pour cette oppression. Les Etats-Nations, en tant qu'acteurs importants sur la scène politique internationale, devraient démontrer qu'ils sont capables de veiller au bien-être de leurs citoyens sur la base des principes d'égalité et de droits de l'homme, et qu'ils y sont disposés. Si tel n'est pas le cas, les Nations Unies devront redoubler d'efforts pour pouvoir intervenir de façon coercitive à l'intérieur des Etats Membres en invoquant un mandat humanitaire.

Cependant, la capacité de faire respecter ses mandats représente certainement pour l'Organisation des Nations Unies un des problèmes clés à résoudre. Il est clair que sa structure actuelle est dépourvue des mécanismes et des pouvoirs nécessaires à une telle action. Elle doit donc compter en grande partie sur les organisations régionales existantes ou une coalition de ses Etats Membres. Mais le seul fait que ces organisations régionales et ces Etats Membres soient disposés à mener une intervention multilatérale de ce type soulève bien des questions, sans parler de l'autorité et de la légitimité de cette opération, même s'ils interviennent avec le mandat de l'ONU.

On peut en conclure que la réforme des Nations Unies est une urgente nécessité. Mais les espoirs que l'on place en une telle réforme doivent être réalistes et l'on pourrait dire que la réforme de l'ONU devrait être axée davantage sur l'élimination des obstacles politiques qui entravent l'action collective que sur l'amélioration des mécanismes actuels. En outre, bien qu'il soit évident que, pour l'instant en tout cas, l'indignation sélective reste le seul moyen réalisable d'intervenir, les Nations Unies devraient s'efforcer de faciliter les interventions visant à alléger les souffrances des peuples opprimés partout dans le monde chaque fois que cela est possible.


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M. Agon Demjaha travaille avec la Fondation pour une société civile au Kosovo de la République fédérale de Yougoslavie.

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