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Créer une nouvelle architecture mondiale:
LES NATIONS UNIES ET LE MULTILATÉRALISME COOPÉRATIF


Par Francisco Rojas Aravena
Directeur, Faculté de Sciences sociales
de l'Amérique latine, FLACSO-Chili

Les changements internationaux associés à la période de la guerre froide exigent que l'on réinvente les Nations Unies. C'est là une occasion à ne pas manquer pour l'Assemblée du millénaire. La réforme structurelle des Nations Unies est un problème qui, dix ans après la chute du mur de Berlin, n'est toujours pas résolu. L'Organisation jouera un rôle capital en tant qu'institution mondiale au cours du nouveau millénaire ou alors elle cessera d'être un instrument capable de relever les défis formidables lancés à l'humanité.

La revitalisation des Nations Unies passe, semble-t-il, par le développement d'une institution capable de s'adapter d'une part à l'augmentation du nombre d'acteurs sur la scène internationale et à leur influence croissante et d'autre part au processus complexes en train de se dérouler, tels que la mondialisation. Le renforcement du multilatéralisme par l'intermédiaire des Nations Unies dotera l'organisation de nouvelles caractéristiques : elle comptera plus de membres, sa participation et sa légitimité en seront donc renforcées, elle sera plus représentative, ses capacités d'administration seront plus démocratiques, modernisées, ce qui aboutira à renforcer son poids politique. Cela développera en dernière analyse la capacité de l'Organisation à modifier l'environnement international de façon à atteindre ses objectifs fondamentaux.

Jusqu'à présent l'ONU est restée prisonnière de l'inertie du vieux monde. Il faut effectuer un saut qualitatif et reconnaître les nouvelles réalités qui se caractérisent par un plus grand nombre d'Etats acteurs, et une plus grande disparité entre eux (sur les plans financiers, technologiques et militaires), ce qui semble indiquer une plus grande inégalité.

Ce n'est pas tout. L'Etat n'est plus le seul acteur; il est nécessaire de reconnaître la présence et l'influence croissantes des organisations transnationales. Ces acteurs se retrouvent plongés dans un processus dans lequel la globalisation définit les tendances actuelles, un phénomène encore accéléré par les divers moyens de communication.

Certaines des valeurs occidentales fondamentales commencent à avoir plus de poids dans un monde qui comprend mieux leur signification. C'est le cas par exemple des droits de l'homme. Affronter cette nouvelle réalité exigera la mise en place d'un nouvel institutionnalisme qui tienne compte des nouvelles réalités du pouvoir et de la coopération.

Les principaux problèmes du monde sont en fait d'envergure mondiale et ils exigent des moyens d'actions à l'échelle mondiale. Immergés que nous sommes dans ce processus de la mondialisation, il nous faut définir une vision globale. Il nous faut en prévenir l'impact et les effets multiples, sensibles dans toutes les diverses régions de la planète, pour ce qui est de l'environnement, la santé et la stabilité financière mondiale par exemple. Cette capacité ne repose par sur l'Etat, quelle que soit sa puissance. C'est précisément une institution internationale qui est responsable de la conception et de la structure du bien-être de la communauté internationale. Pour accomplir cette tâche, des outils électroniques, tels qu'Internet, peuvent favoriser la participation et la pluralité des visions.

Le multilatéralisme a dû résoudre l'anarchie de base des relations entre les principaux acteurs, c'était là un de ses objectifs fondamentaux. Dans ce contexte, un accord a été conclu sur les règles et les normes de base qui permettent des rapports de bon voisinage, en désarmoçant les conflits et en encourageant la coopération. Le droit international offre à cet égard un bon exemple de cette coopération.

Nous sommes en train de passer d'un multilatéralisme fondé sur l'Etat stratégique à un multilatéralisme d'Etat axé sur la société et même si ce dernier reste désarticulé, désinstitutionnalisé, c'est à lui qu'appartient le futur. Nous nous retrouvons face à une société internationale en situation d'urgence. Dans ce nouveau multilatéralisme, le recul de la souveraineté et la porosité de l'Etat-nation s'expriment dans tous les domaines, mais surtout pour les questions de finance et de droits de l'homme. La souveraineté nationale n'existe pas, dans un sens étatique, surtout à un moment où nous nous dirigeons vers un monde où l'accès à divers moyens de communications et échanges est de plus en plus facile. L'impact de ces valeurs, en particulier celles d'origine occidentale, a une influence décisive.

Le système multilatéral traditionnel est en crise -- cela se voit aux Nations Unies, à l'Organisation des Etats américains et à l'Organisation de l'unité africaine. Le système international inspiré du système parlementaire est en crise et cherche à se faire remplacer par une diplomatie ad hoc. Ceci ne se traduit le plus souvent que par une série de photos de réunions qui n'aboutissent pas à des décisions concrètes. Nous devons donc progresser vers un multilatéralisme coopératif et efficace.

Le multilatéralisme peut changer la réalité du système international et des politiques intérieures. C'est la seule méthode capable d'engendrer des décisions qui vont au-delà des Etats tout en respectant l'Organisation. Comment peut-on construire une telle association ? C'est une création humaine et elle dépend donc de la volonté politique de divers acteurs qui l'élaboreront. Sans des valeurs communes, il est impossible de parvenir à un consensus. Et sans consensus, il n'y aura pas d'action coordonnée, pas d'institutions d'importance.

Reconnaître et promouvoir ces valeurs communes signifie qu'il faut concevoir et créer les conditions du bien-être de la communauté internationale, un bien-être public à l'échelle du monde. C'est là la tâche principale du XXIe siècle. Cela permettra de réaliser les objectifs des Nations Unies.

Les problèmes mondiaux, en particulier ceux évoqués par le nouvel ordre du jour (questions de finance, l'environnement, les drogues, les migrations, les ressources naturelles et la qualité de vie) ne peuvent être résolus par une politique unilatérale. Aucun Etat ne peut résister tout seul à leurs effets. Ils exigent des initiatives à l'échelle mondiale. Le développement d'un multiculturalisme coopératif, et la volonté politique qui en découle, permettront de créer une nouvelle architecture et de nouvelles institutions internationales. Il s'agit dans ce contexte d'une tâche spéciale pour le système mondial et les groupes régionaux, une tâche qui consiste à élaborer les conditions d'un bien-être international et à créer un système institutionnel capable de les mettre en pratique.

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"La revitalisation des Nations Unies passe, semble-t-il, par le développement d'une institution capable de s'adapter d'une part à l'augmentation du nombre d'acteurs sur la scène internationale et à leur influence croissante et d'autre part aux processus complexes en cours, tels que la mondialisation. Le renforcement du multilatéralisme par l'intermédiaire des Nations Unies dotera l'organisation de nouvelles caractéristiques : elle comptera plus de membres, sa participation et sa légitimité en seront donc renforcées (...) ce qui aboutira à renforcer son poids politique."





L'Assemblée du millénaire est l'occasion unique de lancer des idées novatrices qui tiendraient compte de la nouvelle réalité mondiale. Voici quelques suggestions qui pourraient faire progresser le multilatérialisme coopératif.

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