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Regard vers le passé. Regard vers l'avenir.
Les Nations Unies et les défis mondiaux.


Par le Secrétaire général Kofi Annan

Notre mission globale revêt de nombreuses formes - du développement au maintien de la paix, des droits de l'homme à la gouvernance. Je voudrais toutefois aujourd'hui me concentrer sur deux questions. La première est celle que j'ai évoquée dans mon discours de cette année à l'Assemblée générale. C'est une question controversée mais je crois qu'une de mes responsabilités en qualité de Secrétaire général est de souligner les grands problèmes que la communauté internationale doit affronter même lorsque, peut-être surtout lorsque, ils sont controversés et difficiles.

J'avais pour objectif de stimuler un débat vigoureux entre Etats Membres sur ce que je considère être un des défis les plus importants et les plus difficiles au seuil du nouveau millénaire.

Comment assurer que les Nations Unies jouent leur rôle juste et efficace dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales ?

Notre rôle dans le domaine de la paix et de la sécurité a considérablement évolué au cours de la dernière décennie. Bon nombre des nouvelles opérations de maintien de la paix déployées au cours de cette période ont fait intervenir les Nations Unies dans des situations de conflit interne, où nous avons tenté de mettre fin à des effusions de sang insensées et à des violations massives des droits de l'homme. Mais, comme l'a démontré la crise du Kosovo cette année, il n'existe pas de consensus au sein de la communauté internationale sur ses droits et ses responsabilités dans de telles circonstances.

Il existe souvent une tension entre les principes cardinaux de souveraineté et les valeurs fondamentales des droits de l'homme, qui sont deux droits inscrits dans la Charte des Nations Unies.

Ces dernières années, l'ONU est intervenue dans des situations humanitaires désespérées ou lorsque se produisaient des violations flagrantes et systématiques des droits de l'homme. Notre propre Charte énonce clairement qu'"il ne sera pas fait usage de la force des armes, sauf dans l'intérêt commun".

Mais qu'est-ce que l'intérêt commun ?

Dans mon discours devant l'Assemblée générale en octobre dernier, j'ai demandé aux Etats Membres de s'intéresser à cette question fondamentale.

Qui le définit ?

Qui intervient pour le défendre ? En vertu de quelle autorité ?

Il est clair que le Conseil de sécurité est le seul organe auquel incombe la responsabilité internationale d'intervenir de cette manière.

Mais dans le passé, pour le Rwanda, le Conseil a été uni dans l'inaction et sur le Kosovo il était désuni. L'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) est intervenue en dehors de l'autorité du Conseil.

Nous devons mieux faire.

Il faut forger un nouveau consensus de façon à ce que le Conseil agisse pour défendre notre humanité commune. Je me réjouis du débat sur la question qui a été lancé entre les Etats Membres.

Le second problème que je voudrais aborder avec vous est la question du "dialogue entre les civilisations". Comme beaucoup d'entre vous le savent, c'est une idée qui a été avancée par le nouveau Président de l'Iran, M. Khatami, et l'Assemblée générale a décidé de faire de l'Année 2001 l'Année du dialogue entre les civilisations. Ce dialogue est fondé sur la conviction selon laquelle la diversité mondiale est un atout précieux et que nous pouvons tous profiter des croyances et des manières de vivre des autres peuples et des autres cultures.

La tolérance envers ceux qui sont différents - dans leurs vues, leurs cultures, leurs croyances et leurs manières de vivre - est la caractéristique de toutes les grandes civilisations et elle est essentielle dans un monde comme le nôtre dans lequel des individus de tant de cultures différentes s'efforcent de coexister paisiblement. La lutte de l'ONU pour la tolérance se fonde sur la conviction que c'est sa diversité qui remplit l'humanité de promesses. Aucune union de nations, aucune assemblée de peuples et aucune communauté ne peut prospérer sans tolérance. En l'absence de ce respect fondamental entre les êtres humains, l'homme se condamne à un destin amer et l'ONU, en tant qu'idée et en tant que réalité, ne réaliserà jamais sa destinée.

La bataille pour la tolérance et contre l'intolérance reste à mener. Il est incontestable que les conflits dans le monde de l'après-guerre froide - du Rwanda aux Balkans en passant par l'Indonésie - trouvent leur origine dans l'absence de tolérance et la diabolisation de certains groupes ou ethnicités particuliers.

Pour la simple raison qu'ils appartenaient à d'autres ethnies, des hommes, des femmes et des enfants innocents et sans défense ont été persécutés et exterminés. Ce sont les victimes ultimes de l'intolérance. L'Université des Nations Unies publiera prochainement une importante étude qui examine le rôle que jouent les "inéquités horizontales" - c'est à dire les inéquités entre les groupes dans une société - dans l'apparition des tensions et des conflits. Ces disparités n'entraînent pas la guerre à elles toutes seules mais elles peuvent être exploitées par des élites qui cherchent à provoquer des conflits.

En décidant de consacrer l'année 2001 à un "Dialogue entre les civilisations", l'Assemblée générale a placé les Nations Unies au centre du processus de compréhension mutuelle et de coopération qui, j'en suis convaincu, permettra au XXIe siècle d'être un siècle pacifique, prospère et tolérant. Partout dans le monde, on apprécie de plus en plus la signification et les promesses du dialogue et de la communication.

De fait je pense que l'histoire devrait nous enseigner qu'à côté d'une diversité mondiale des cultures, il existe une civilisation mondiale de la connaissance au sein de laquelle les idées et les philosophies se joignent et se développent de manière pacifique et productive. C'est pour cette civilisation-là que les Nations Unies travaillent tous les jours aux quatre coins du monde; c'est la civilisation qui reconnaît que le véritable progrès repose sur une paix et une prospérité durables, la civilisation au sein de laquelle les affrontements d'idées se déroulent de manière pacifique et productive.


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Avec cette série d'articles, Chronique ONU se penche sur les principaux succès obtenus par la communauté internationale au cours du XXIe siècle, entre autres l'évolution des sources du droit et des pratiques internationaux, une évolution inspirée par l'esprit et la lettre de la Charte des Nations Unies et la détermination des peuples dont elle témoigne.

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