Mandat de la Commission d’experts sur les réformes du système monétaire et financier international, établie par le Président de l’Assemblée générale des Nations Unies

Historique

Le déclin du système de Bretton Woods au début des années 70 a été suivi par une période caractérisée par la libéralisation et la déréglementation des marchés financiers, l’essor des flux de capitaux privés et l’élargissement du champ d’action des établissements financiers, qui ont peu à peu pris une dimension mondiale. Aucune nouvelle institution internationale n’a toutefois alors été créée pour empêcher la prise de risques excessifs dans les opérations de prêt et les investissements transfrontières, éviter les défaillances systémiques ou encore édicter des réglementations applicables aux créanciers et aux débiteurs, y compris les établissements financiers. De fait, il était communément admis à l’époque qu’en réduisant les obstacles aux mouvements de capitaux aux niveaux national et international, on contribuerait à l’émergence d’un système financier plus stable et plus efficace, qui serait particulièrement avantageux pour les pays en développement.

La réalité a été tout autre. Les excès de la libéralisation financière se sont traduits par une généralisation des déséquilibres macroéconomiques et des crises chroniques. Jusqu’à une date récente, les dégâts provoqués par ces crises se limitaient dans une large mesure aux marchés émergents. Tout cela a bien changé, et de façon spectaculaire. La crise financière actuelle, qui a son origine dans les pays les plus développés, est d’une ampleur inégalée depuis les années 30. Au cours des dernières semaines, plusieurs grands établissements financiers ont fait faillite, aux États-Unis comme en Europe, tandis que les bourses se sont effondrées et que les cours sont désormais sujets à de fortes fluctuations. Les prêts interbancaires ont fortement diminué, en particulier aux États-Unis. Les commerces de détail et les entreprises industrielles, petites ou grandes, ont de plus en plus de difficultés à obtenir des crédits car les banques hésitent à prêter, même à leurs clients de longue date. Face à cette crise, l’État est intervenu sur une échelle sans précédent, notamment en nationalisant des actifs financiers.

La crise est désormais mondiale. Même les intervenants des marchés émergents et des pays moins avancés qui ont bien géré leur économie, évité les mauvaises pratiques bancaires, empêché leurs banques de prendre des risques excessifs sur les produits dérivés et sont restés à l’écart des prêts hypothécaires douteux se trouvent actuellement en difficulté. Toute solution adoptée à l’échelle mondiale – qu’il s’agisse de mesures de stabilisation à court terme ou de mesures à long terme visant à diminuer la probabilité d’une nouvelle crise – devra tenir dûment compte des répercussions des mesures adoptées sur tous les pays. Il ne sera sinon pas possible de rétablir la stabilité économique mondiale.

Il y a 10 ans, alors que les marchés émergents subissaient des crises financières en série, on avait longuement débattu de la nécessité de réformer les structures financières mondiales. Ces débats n’ont toutefois guère eu d’effets, ou n’en ont eu que trop peu, comme on le voit clairement aujourd’hui. Il est donc impératif non seulement de trouver des solutions adéquates à la crise actuelle, mais aussi d’amorcer les réformes à long terme qui sont nécessaires pour promouvoir une économie mondiale plus stable et plus prospère.

Composition de la Commission

Le 18 octobre, le Président de l’Assemblée générale, Miguel d’Escoto Brockmann, a annoncé son intention de créer un groupe d’experts chargé d’examiner les rouages du système financier international, y compris le fonctionnement de grandes institutions telles que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, et de proposer des mesures que pourraient prendre les États Membres pour promouvoir un ordre économique mondial plus viable et plus juste.

Les membres du groupe – qui est maintenant la Commission – ont été choisis eu égard à la nécessité de trouver des experts maîtrisant parfaitement les questions complexes et interdépendantes liées au fonctionnement du système financier, connaissant bien les forces et les faiblesses des institutions multilatérales existantes et comprenant les problèmes particuliers de pays situés dans différentes régions du monde et se trouvant à différents niveaux de développement économique et social.

La Commission est présidée par le professeur Joseph Stiglitz (États-Unis) et comprend des membres venant du Japon, d’Europe de l’Ouest, d’Afrique, d’Amérique latine, d’Asie du Sud et d’Asie de l’Est.

Le rapporteur de la Commission sera M. Jan Kregel, ancien fonctionnaire du Département des affaires économiques et sociales de l’ONU, actuellement en poste à l’Université du Kansas et au Levy Economics Institute de Bard College.

Portée des travaux de la Commission

La Commission s’attachera à définir les grands principes qui devront guider les réformes institutionnelles nécessaires pour promouvoir de façon durable le progrès économique et la stabilité à l’échelle mondiale, au bénéfice de tous les pays, développés et moins développés. Elle présentera une gamme de propositions crédibles et applicables visant à réformer le système monétaire et financier international, dans l’intérêt de la communauté internationale, précisera les mérites et les limites des diverses solutions avancées et évaluera en particulier celles qui sont mises en avant dans l’actuel débat mondial.

La Commission sera libre d’examiner toute question – d’ordre analytique, institutionnel ou politique – qu’elle jugera utile pour faire progresser la réforme des structures financières internationales. Le Président de l’Assemblée générale établira un programme de travail plus détaillé.

Lors de leurs délibérations, les membres de la Commission auront également à l’esprit le fait que dans un monde interdépendant, les règles et réglementations multilatérales applicables au commerce, à la dette et aux finances devront se renforcer mutuellement pour promouvoir la stabilité financière et le développement durable et équitable.

Pour être crédibles, les réformes des structures existantes devront permettre à toutes les parties prenantes de la communauté internationale de participer largement au débat. Le Président est d’avis que si la Commission doit axer ses travaux sur les problèmes spécifiquement liés à l’instabilité financière, la réforme du système financier ne doit pas être envisagée de façon isolée mais, s’il y a lieu, dans le contexte des autres défis que se doit de relever le système multilatéral, notamment les changements climatiques, la paix et la sécurité, la réduction de la pauvreté et l’élimination de la faim. Les ajustements proposés pour résoudre la crise immédiate ne doivent pas se faire au détriment des pauvres et des populations vulnérables, les besoins et les intérêts de ces derniers devront être pleinement pris en compte dans les propositions de réforme à long terme.

Processus d’établissement du rapport

La Commission tiendra au moins trois réunions officielles pour débattre des questions dont elle est saisie et commencer à rédiger le rapport. Dans le même temps, elle sollicitera les observations et les suggestions d’un large éventail de parties prenantes, y compris des décideurs, des fonctionnaires, des représentants d’organisations internationales, des universitaires et des membres de la société civile. Ces diverses délibérations et contributions seront prises en compte dans le rapport final. Ce rapport sera publié et communiqué aux États Membres, aux autres parties concernées ainsi qu’au grand public dans le cadre d’une initiative plus large de l’Assemblée générale des Nations Unies visant à opérer les réformes nécessaires. Un site Web sera créé pour faire connaître les travaux de la Commission.

Calendrier

La Commission tiendra sa première session plénière à New York les 5 et 6 janvier 2009 et sa seconde session à Genève les 9 et 10 mars 2009. Chacune des sessions durera deux jours. La troisième et dernière session se tiendra au printemps, au Siège de l’Organisation des Nations Unies, à New York, et sera consacrée à l’élaboration du projet de rapport. Le Président de l’Assemblée générale a l’intention de communiquer le rapport final de la Commission aux États Membres en avril et de le diffuser auprès du public lors de conférences de presse qui se tiendront en différents lieux de la planète.

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