Article de fond

Assemblée Générale des Nations Unies
Session extraordinaire consacrée au
PROBLEME MONDIAL DE LA DROGUE
8-10 juin 1998

Le blanchiment de l'argent

Franklin Jurado, économiste colombien formé à Harvard, s'est reconnu coupable d'un unique chef d'accusation de blanchiment d'argent devant un tribunal fédéral de New York, en avril 1996; il a été condamné à sept ans et demi de prison. Mettant à profit les connaissances qu'il avait acquises à la première université des Etats-Unis, il avait fait circuler entre diverses banques et sociétés 36 millions de dollars de profits tirés de la vente de cocaïne aux Etats-Unis pour le compte de Jose Santacruz-Londono, le défunt seigneur colombien de la drogue, dans l'intention de conférer à ses avoirs une apparence de légitimité.

Jurado avait blanchi les 36 millions de dollars au moyen de transferts télégraphiques du Panama vers l'Europe, par l'entremise des bureaux de Merrill Lynch et d'autres institutions financières. En trois ans, il avait ouvert plus de 100 comptes dans 68 banques réparties entre neuf pays différents : Allemagne, Autriche, Danemark, France, Hongrie, Italie, Luxembourg, Monaco et Royaume-Uni. Certains de ces comptes étaient ouverts aux noms de maîtresses et de parents de Santacruz, d'autres sous des noms supposés de consonance européenne.

En maintenant le solde de ces comptes au-dessous de 10 000 dollars pour éviter toute enquête, Jurado faisait circuler les fonds entre ces différents comptes. Il a fondé des sociétés européennes de couverture avec l'objectif final de rapatrier l'argent «propre» en Colombie, où il serait investi dans les restaurants, les sociétés de construction, les pharmacies et les biens immobiliers de Santacruz.

Le plan s'est effondré quand la faillite d'une banque à Monaco a révélé que plusieurs comptes étaient liés à Jurado. Et, au Luxembourg, le bruit incessant d'une machine à compter les billets de banque dans la demeure de Jurado a décidé un voisin à alerter la police locale. Forte de nouvelles lois contre le blanchiment de l'argent, la police a mis Jurado sous écoute téléphonique en avril 1990. Il fut arrêté deux mois plus tard et convaincu en 1992 de blanchiment d'argent par un tribunal luxembourgeois, puis extradé aux Etats-Unis après quelques années.

L'affaire Jurado est un exemple des moyens de plus en plus complexes qu'utilisent les cartels de drogues pour garantir leurs avoirs. Mais elle indique aussi que les profits, qui sont la raison d'être du trafic de la drogue, en sont également le talon d'Achille et que les organes de police et législateurs nationaux, ainsi que les organismes internationaux, accentuent leurs efforts contre le blanchiment de l'argent. Les moyens d'obtenir encore de meilleurs résultats sont l'un des principaux points inscrits à l'ordre du jour de la prochaine session extraordinaire de l'Assemblée générale des Nations Unies sur le problème mondial des drogues, qui se tiendra au Siège de l'ONU, à New York, du 8 au 10 juin 1998.

Etendue du problème

Le Programme des Nations Unies pour le contrôle international des drogues (PNUCID) estime que le trafic illicite des drogues produit chaque année environ 400 milliards de dollars de vente au détail, soit près du double du revenu de l'industrie pharmaceutique mondiale ou 10 fois environ le montant total de l'aide publique au développement.

[Chart]



Volume estimatif du trafic des drogues illicites

(En milliards de dollars E.-U.)

Drogues
illicites

Pétrole
et gaz

Industries chimiques
et pharmaceutiques

Textiles et
habillement

Véhicules
à moteur

Fer et
acier

[End of Chart]

Dans le sillage de la mondialisation et de la libéralisation des échanges, les syndicats du crime organisé et des individus entreprenants tirent profit de l'ouverture des frontières, de la privatisation, des zones de libre échange, de la faiblesse de certains Etats, de l'existence de banques offshore, des transferts financiers électroniques et des techniques bancaires de l'âge cybernétique pour blanchir chaque jour des millions de dollars de profits tirés du trafic des drogues. Le nombre quotidien de transferts télégraphiques internationaux est d'environ 700 000, et quelque 2 000 milliards de dollars traversent chaque jour le globe en tous sens par ce moyen. Le Fonds monétaire international (FMI) estime à 2 % environ la part de l'économie mondiale où intervient le trafic des drogues.

«Le blanchiment de l'argent peut être effectué n'importe où; aussi les criminels choisissent les pays où la législation est soit inexistante, soit laxiste et où la police ne fait pas assez d'efforts pour les prendre», déclare Tom Brown, chef du groupe de lutte contre le blanchiment de l'argent, qui compte quatre personnes, de l'Organisation internationale de police criminelle (Interpol).

Tout récemment, le Mexique a accaparé les gros titres avec des histoires de blanchiment d'argent tiré de la drogue. Selon l'Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS), qui surveille le respect des traités de lutte contre la drogue, les mesures prises récemment au Mexique ont conduit à arrêter de septembre 1996 à août 1997 plus de 11 000 personnes, dont de hauts fonctionnaires et des officiers de rang élevé, pour trafic de drogues et activités criminelles connexes, dont le blanchiment de l'argent.

Dans les pays issus de l'ex-Union soviétique, la privatisation des entreprises d'Etat et la déréglementation du système bancaire ont facilité le blanchiment des profits du trafic des drogues. En 1996, un expert des affaires russes, témoignant devant un comité du Congrès des Etats-Unis, a déclaré : «La propriété privatisée est achetée par des organisations criminelles étrangères ou nationales pour blanchir et dissimuler des profits illicites. Les gangsters blanchissent leurs gains mal acquis en investissant dans les établissements de jeu, les établissements concessionnaires de voitures de luxe dans des villes européennes comme Budapest, et des banques, des marinas et stations de villégiature dans les Caraïbes. Ils sont aussi en contact avec des hommes de loi de premier rang, spécialisés dans le droit international et installés à Francfort ou Zurich, pour s'informer des techniques de blanchiment de l'argent mises au point par les seigneurs colombiens de la drogue et la mafia sicilienne.»

Selon un ancien juge français qui dirige le Programme mondial du PNUCID contre le blanchiment de l'argent, les dépôts initiaux sont faits ordinairement dans des Etats où les réglementations sont inexistantes, puis transférés dans des centres offshore. Les Etats dont l'appareil gouvernemental est affaibli, comme ceux dont se compose l'ex-Union soviétique, sont particulièrement vulnérables.

Systèmes bancaires parallèle et souterrain

Dans certaines parties de l'Asie, les blanchisseurs d'argent utilisent un «système bancaire souterrain» légal, parce qu'il ne laisse aucune trace matérielle. L'argent n'entre jamais dans le système bancaire officiel, mais est transmis par des systèmes bancaires parallèles comme le «hawala» en Inde et au Pakistan. Ces systèmes bancaires parallèles sont basés sur des alliances de familles ou de bandes et consolidés par un pacte non écrit, en vertu duquel la violence sanctionne tout manquement. Les Chinois ont un système similaire connu sous le nom de «fie chen», ou argent volant, qui est basé sur la confiance, les liens familiaux, les structures sociales locales et la menace de l'ostracisme pour tout manquement à la parole donnée. Dans ce système, l'argent est généralement déposé dans un pays contre la remise d'un «chit» ou «chop» (sceau) et recouvré dans un autre pays sur présentation de ce sceau.

De plus en plus, les experts du blanchiment de l'argent tournent leur attention vers l'Afrique. «La vérité est que nous sommes mal placés pour savoir sur quelle somme porte le blanchiment de l'argent en Afrique, parce que les blanchisseurs veulent en général mettre leur argent dans un endroit sûr», déclare M. Brown (Interpol). Il reconnaît néanmoins que des groupes criminels achètent des banques en Afrique pour s'en servir comme points de transit avant de transférer les fonds dans d'autres banques, sur des marchés financiers plus solides. Le PNUCID, qui voit dans l'Afrique et dans toutes les régions en développement une nouvelle cible pour les blanchisseurs d'argent, a tenu en décembre 1997 un séminaire en Afrique de l'Ouest, au cours duquel neuf gouvernements ont décidé d'harmoniser les mesures prises et d'intensifier la coopération sous-régionale.

Paradis fiscaux offshore et secret bancaire

L'existence de banques offshore, dans des paradis fiscaux qui assurent le secret à leurs clients, a permis aux trafiquants de drogues d'élaborer de complexes réseaux internationaux. Le FMI qualifie de «grands centres offshore» les pays suivants : Antilles néerlandaises, Bahamas, Bahreïn, Hong Kong, îles Caïmanes, Panama et Singapour. Il existe aussi des centres offshore secondaires : Dublin, Chypre, Madère, Malte, Malaisie (île Labaun) et Thaïlande (Centre bancaire international de Bangkok). Aujourd'hui, près de 40 pays situés dans toutes les parties du monde sont considérés comme des paradis fiscaux qui garantissent le secret à leurs clients.

La situation aux îles Caïmanes donne un aperçu du secteur offshore. Avec le septième montant de dépôts dans le monde, les îles Caïmanes comptent 550 banques sur leur territoire, dont 17 seulement sont matériellement présentes et soumises aux lois visant le blanchiment de l'argent. Le montant total des avoirs détenus par les banques des îles Caïmanes était en 1994 de 430 milliards de dollars environ. L'OICS avertit dans son rapport de 1997 que les institutions financières non bancaires sont de plus en plus utilisées pour le blanchiment de l'argent dans les Caraïbes, car le système bancaire fait l'objet d'une surveillance plus stricte des autorités. En conséquence, l'OICS recommande que le suivi soit étendu aux «institutions et sociétés qui se situent au-delà du système bancaire».

«On s'efforce constamment d'amener les paradis fiscaux et les centres offshore à se montrer plus stricts envers le blanchiment de l'argent», déclare Tom Brown (Interpol). «Notre but n'est pas de les fermer, car ce sont des établissements légaux, qui remplissent un rôle légitime. Notre but est de mettre certains contrôles en place de manière à réglementer leur activité et, si on ne parvient pas à la réglementer, à pouvoir au moins continuer de suivre à la trace l'argent dont on sait l'origine illégale à mesure qu'il passe par ces centres pour aller ailleurs.»

Au début de février 1998, Robin Cook, ministre britannique des affaires étrangères, a annoncé que les habitants des 13 dernières colonies britanniques, parmi lesquelles plusieurs paradis fiscaux des Caraïbes, dont les îles Caïmanes, pourraient se voir offrir la citoyenneté britannique si ces colonies promulguaient de nouvelles lois sévères pour arrêter le blanchiment de l'argent et la dissimulation des profits illicites.

Zones commerciales franches

La libéralisation des échanges et les zones commerciales franches offrent de nouvelles voies de blanchiment de l'argent. «Nous croyons que les blanchisseurs d'argent cessent d'utiliser le système bancaire au bénéfice du commerce international», déclare le professeur John Zdanowicz, qui, avec un collègue de l'Université internationale de Floride, a mis au point un système de logiciel filtrant toutes les données relatives au commerce américain. Depuis 1992, ils ont découvert des factures fantaisistes où figurent des lames de rasoir à 30 dollars pièce, des téléphones à 2 400 dollars et une bouteille d'huile comestible à 720 dollars. En 1994, les deux professeurs ont fait à la Banque mondiale une communication sur les moyens d'utiliser cette technologie dans les pays en développement, en tant que complément potentiel ou substitut de l'inspection des cargaisons en partance, afin de contrôler la fixation anormale de prix, car le procédé peut être en liaison avec la fuite des capitaux, le blanchiment de l'argent, la fraude fiscale et la fraude douanière. Selon M. Zdanowicz, le système pourrait être reproduit dans un autre pays pour moins d'un million de dollars, et pour beaucoup moins dans de plus petits pays. «Notre technique est comparable à celle du reniflement de chiens. Nous ne savons pas ce qu'il y a dans une valise, mais si elle est trop lourde ou si le prix est absurde, nous pensons qu'il faut y aller voir et trouver ce qui se cache dessous.»

Les blanchisseurs d'argent cherchent constamment de nouveaux moyens de contourner la réglementation et d'éviter la saisie des avoirs. Cependant, à côté de ces plans compliqués, des montants considérables passent encore en cachette d'un pays à l'autre sous forme d'espèces. Selon le New York Times, les trafiquants de drogues ont envoyé des coupures en Colombie «cachées dans des voitures d'occasion et des poupées, ou aussi bien des appareils de télévision et des conteneurs réfrigérés de sperme de taureau». D'autres seigneurs de la drogue se contentent d'investir dans leur pays. Au Myanmar, par exemple, les barons de l'héroïne garderaient leur argent dans le pays en investissant dans des hôtels, des bars, des restaurants, des sociétés de transport et des biens immobiliers. Par ailleurs, en avril 1997, un article du New York Times a suggéré que les grosses coupures d'euro pourraient servir à merveille les blanchisseurs d'argent.

De grandes affaires

Des milliards de dollars tirés du trafic des drogues sont blanchis par le passage dans de grandes affaires, comme les sociétés de courtage et les compagnies d'assurance. Les mesures de contrôle n'ont pas progressé aussi vite que le volume des transactions financières au niveau mondial. «Plus importants sont les capitaux d'une affaire, plus facile il est d'y blanchir de l'argent», déclare Brown (Interpol). La relation privilégiée entre avocat et client protège souvent les blanchisseurs d'argent, «rendant encore plus difficile de percer le voile dont s'entourent les affaires d'une société», ajoute-t-il. D'autres modes de blanchiment passent par des entreprises où l'argent circule, comme les bars, les casinos, les restaurants, ainsi que des institutions financières non bancaires comme les boutiques spécialisées dans l'encaissement des chèques et les opérations de change.

De plus en plus, les organisations criminelles sous-traitent le blanchiment de l'argent à des professionnels spécialisés, parce que les méthodes nécessaires pour échapper à l'attention des services de surveillance sont de plus en plus complexes. Ces professionnels servent non seulement à dissimuler l'origine de la source des profits, mais aussi à gérer l'investissement ultérieur dans l'immobilier et d'autres avoirs légitimes. On estime que la commission payée aux blanchisseurs d'argent n'a cessé d'augmenter, passant de 6 à 8 % au début des années 80 à non moins de 25 % aujourd'hui.

Impact du blanchiment de l'argent

argent sale infiltré dans les secteurs financiers non illicites et dans la comptabilité nationale, va parfois jusqu'à saturer et peut menacer la stabilité économique et politique d'un pays. Un document de travail du FMI conclut que le blanchiment de l'argent a sur le comportement financier et la performance macroéconomique un impact qui se manifeste de plusieurs façons : des politiques erronées procèdent de mesures fausses dans les statistiques relatives à la comptabilité nationale; les taux de change et d'intérêt deviennent instables en raison des transferts de fonds transfrontaliers inattendus; le peu de solidité des avoirs entraîne un risque d'instabilité monétaire; la fausseté des déclarations de revenu perturbe la levée des impôts et la répartition des dépenses publiques; les ressources ne sont pas correctement affectées, en raison des distorsions intervenues dans la fixation du prix des produits de base; et les transactions légales se ressentent du fait que les parties à celles-ci craignent d'être perçues comme s'associant à des éléments criminels.

On sait, par exemple, qu'au début des années 90 un afflux d'argent mal acquis dans plusieurs banques des Etats baltes a entraîné leur effondrement, car les clients, qui avaient connaissance de ces affaires louches, ont multiplié les retraits et perdu confiance.

«Certains pays des Caraïbes commencent à comprendre qu'en acceptant cet argent ils s'exposent à ruiner leur économie», déclare Brown (Interpol). «Cela paraît avantageux à première vue et peut créer des emplois, mais la vérité est qu'à court terme vous tombez sous le contrôle de ses possesseurs.»

«Comme le blanchiment de l'argent repose essentiellement sur des réseaux internationaux, seule une approche mondiale peut aboutir en fin de compte. Tous les Etats doivent coopérer : gouvernements, autorités policières, pouvoirs judiciaires et institutions financières. La responsabilité de lutter contre le blanchiment de l'argent doit être partagée et la formation du personnel de police aidera à mettre en place une alliance des milieux politique, judiciaire et opérationnel pour combattre ce problème grandissant.»

Extrait de la préface au Money Laundering Manual
du Programme des Nations Unies pour le contrôle
international des drogues

Le blanchiment de l'argent et la loi

Une législation intégrant des mesures destinées à prévenir, dépister, geler et confisquer les avoirs d'origine criminelle n'est qu'à ses balbutiements. Seule une poignée de pays occidentaux industrialisés avaient mis en place de tels systèmes à la fin des années 80. Un nombre croissant d'Etats adoptent aujourd'hui des lois et des règlements en ce sens, mais le PNUCID estime qu'environ 70 % des Etats ne possèdent pas encore de législation efficace.

Le manque de transparence de la législation des sociétés dans certains pays aggrave le problème, car cela permet aux blanchisseurs de se dissimuler derrière des sociétés fictives.

Au niveau international, la lutte contre le blanchiment de l'argent a commencé en 1988 avec deux initiatives importantes. Le Comité de Bâle sur les réglementations et les pratiques de supervision bancaires a publié une Déclaration de principes qui mentionne les trois axiomes du contrôle du blanchiment de l'argent : éviter les transactions suspectes, coopérer avec les services de police et appliquer la règle «connaissez votre client»; et la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, désormais ratifiée par plus de 140 pays, a été adoptée.

La Convention est le premier instrument multilatéral contraignant qui aborde le problème du blanchiment de l'argent. Ses dispositions encouragent la coopération internationale aux fins d'identifier, dépister, saisir et confisquer le produit du trafic des drogues et de poursuivre les personnes responsables du blanchiment de profits illicites. Elle encourage aussi les parties à verser ce produit aux organisations internationales spécialisées dans le contrôle des drogues. En mars 1998, le Luxembourg a versé au PNUCID plus de 1,7 million de dollars provenant des liquidités et avoirs confisqués aux trafiquants de drogues.

Une autre initiative importante a été prise en 1989, avec la création de l'Equipe spéciale d'action financière (ESAF) par le Groupe des sept grands pays industrialisés et le Président de la Commission des Communautés européennes. Sont aujourd'hui membres de l'ESAF les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques, Hong Kong, Singapour, le Conseil de coopération pour les Etats arabes du Golfe et l'Union européenne. L'apport essentiel des activités de l'ESAF sont les 40 recommandations, formulées en 1990 et mises à jour en 1996, qui énoncent les mesures destinées à entraver le blanchiment de l'argent, c'est-à-dire la ratification de la Convention de 1988, la criminalisation du blanchiment de l'argent, le renforcement de la coopération internationale et l'abolition de la plupart des lois régissant le secret bancaire. En 1995, l'Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS) a exhorté tous les gouvernements à appliquer les 40 recommandations de l'ESAF.

«Le moyen essentiel d'avoir un impact sur le blanchiment de l'argent est de convaincre tous les pays du monde de promulguer et d'appliquer les mêmes lois en la matière, de sorte que les criminels n'auront nulle part où aller», déclare Brown (Interpol).

Selon la Commission des stupéfiants (ONU), un large soutien international s'est dégagé en faveur d'un certain nombre de mesures concrètes destinées à lutter contre le blanchiment de l'argent, à savoir l'application de la règle «connaissez votre client» et l'interdiction des comptes anonymes; la conservation de registres détaillés des transactions financières pendant cinq ans au moins et leur communication aux enquêteurs; l'obligation de signaler les transactions suspectes; et, autant que faire se peut, l'exercice d'un suivi et d'un contrôle plus stricts des mouvements transfrontaliers de devises.

Cependant, beaucoup de questions demeurent non résolues, comme l'application par les centres offshore de la législation réprimant le blanchiment de l'argent, la répugnance de certains pays à promulguer ou appliquer une législation appropriée et à assouplir le secret bancaire et la question de la responsabilité pénale des sociétés.

Programme de l'ONU en matière de lutte contre le blanchiment de l'argent

Créé en 1997 par le Bureau du contrôle des drogues et de la prévention du crime, dont le siège est au Centre international de Vienne, le Programme mondial de lutte contre le blanchiment de l'argent offre aux gouvernements des conseils et une assistance juridique s'agissant de rédiger la législation appropriée et de mettre en place le cadre administratif nécessaire pour lutter contre le blanchiment de l'argent. Le Programme, qui dispose d'un budget de 5 millions de dollars pour la période 1997-1999, offre aussi une formation au personnel policier et judiciaire et une aide à la création de services nationaux de renseignements financiers.

Durant sa première année de fonctionnement, le programme est venu en aide à 20 pays, a commencé une base de données mondiale détaillée sur la législation des différents pays en matière de blanchiment de l'argent et ouvert sur Internet le site IMoLIN (Réseau international d'information sur le blanchiment de l'argent). La mise en place de ce site repose sur la coopération de diverses organisations spécialisées dans la lutte contre le blanchiment de l'argent; il peut être utilisé par les services policiers, les procureurs, les législateurs, les établissements universitaires et les particuliers.

Un plan d'action international

La session extraordinaire de l'Assemblée générale qui se tiendra au Siège de l'ONU, à New York, du 8 au 10 juin 1998, vise à intensifier la coopération internationale dans la lutte contre le blanchiment de l'argent. «Nous proposons une initiative hardie tendant à abolir le secret bancaire dans le monde entier pour toute enquête sur le crime organisé, non pas seulement sur les stupéfiants«, déclare Pino Arlacchi, directeur exécutif du Programme des Nations Unies pour le contrôle international des drogues (PNUCID). «Il ne devrait pas y avoir d'obstacles. Mais dans certains pays le secret bancaire existe toujours et il a en fait été renforcé ces dernières années, de sorte que c'est là un point très important.»

Le PNUCID prévoit un durcissement de la volonté politique dû à une prise de conscience de plus en plus nette de l'impact économique négatif du blanchiment de l'argent et au fait que des mesures raisonnables peuvent être mises en place sans nuire à l'investissement étranger.

La déclaration politique dont l'adoption est attendue au cours de cette session de trois jours appelle tous les gouvernements à promulguer d'ici à l'an 2003 des lois visant à prévenir, détecter, contrôler et poursuivre le crime de blanchiment d'argent. Le plan d'action de la session extraordinaire représente un effort mondial pour faire monter l'enjeu dans la lutte contre les drogues en frappant les trafiquants où cela leur fait le plus de mal : dans leurs comptes bancaires.

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Département de l'information (ONU)
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Ann Marie Erb, tél. : (212) 963-5851, ou
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Fax : (212) 963-1186
Courrier électronique : vasic@un.org
Web site de l'ONU : http://www.un.org

Sandro Tucci, porte-parole du Programme des Nations Unies pour le contrôle international des drogues
Centre international de Vienne, bureau E 1448
Boîte postale 500
A-1400 Vienne (Autriche)
Tél. : (431) 21345-5629
Fax : (431) 21345-5931

Publié par le Département de l'information de l'ONU - DPI/1982 - Mai 1998